La vague de malheurs qui déferle sur les Bears de Chicago ne date pas d’hier, et à la lumière des récentes déclarations du coordonnateur offensif Aaron Kromer, des propos tout à fait déplacés, on peut affirmer sans se tromper que cette équipe est devenue une famille dysfonctionnelle.

Durant son remarquable passage dans la Ligue canadienne football, Marc Trestman transformait en or tout ce à quoi il touchait.  Depuis son embauche à Chicago en janvier 2013, ce fut sensiblement l’inverse pour l’Américain de 58 ans, et particulièrement cette saison. Ça ne cesse de s'envenimer depuis que la saison des Bears s'est mise à piquer du nez.

Jeudi soir, les grands médias se sont mis à rapporter une histoire selon laquelle Kromer, le bras droit de Trestman en charge de l’attaque des Bears, avait déclaré à micros fermés à une poignée de journalistes que la haute direction a toutes les raisons de regretter le faramineux contrat de sept ans et 126,7 M$ US consenti au quart Jay Cutler.  

Jay Cutler en discussion avec Marc TrestmanLa nouvelle n’a pas tardé à se frayer un chemin, et selon le Chicago Tribune, Kromer s’est vu dans l’obligation de présenter ses excuses à Cutler devant toute l’unité offensive lors d’une rencontre émotive.

Bien honnêtement, je ne vois pas comment les dirigeants de l’équipe arriveront à trouver des solutions à ce gâchis tout en gardant les mêmes éléments en place. C’est pourtant le même mot d’ordre dans toute équipe sportive professionnelle qui se respecte : on est tous dans le même bateau et on lave notre linge sale en famille. Tous les problèmes rencontrés, aussi difficiles soient-ils à régler, doivent immanquablement demeurer à l’interne, sans quoi notre crédibilité est remise en question.

Tous les entraîneurs prêchent pour cette façon de procéder auprès de leurs joueurs. Donc, où se trouve la cohérence lorsque l’un des adjoints ridiculise un membre de l’organisation (et pas n’importe lequel) sur la place publique? C’est une situation particulière que celle de Cutler, j’en conviens, mais la réaction de Kromer n’en est pas moins inexcusable. Par ricochet, c’est la réputation de Trestman, déjà entachée par le mauvais rendement des Bears, qui en prend pour son rhume.

Kromer a oublié de lire un chapitre!

Je suis conscient qu’humainement, il est impossible de ne pas chercher à extérioriser autant de frustration accumulée à travers une saison. C’est probablement ce que les instructeurs font régulièrement entre eux à huis clos, autour d’une bière. Et justement, ça devrait rester ainsi!

C’est encore plus ironique lorsqu’on s’arrête pour songer un instant au contenu du livre publié par Marc Trestman. L’ancien pilote des Alouettes y écrit que les membres des médias ne seront jamais, au grand jamais, les amis des entraîneurs. Dans la même veine, il martèle que les fameuses déclarations à micros fermés (off the record) n’existent simplement pas et qu’il ne faut pas tomber dans le panneau.

Il doit être absolument exaspéré de voir que non seulement un membre de la famille des Bears n’a pas respecté ce principe, mais qu’en plus, c’est l’un de ses acolytes qui a cédé à la tentation.

Par expérience, j’ai toujours trouvé que l’une des facettes les plus enrageantes du sport professionnel, c’est de voir une nouvelle – qu’elle soit véridique ou non – sortir dans les médias, qui citent une source anonyme au sein de l’équipe. Un tel geste d’hypocrisie, ça fait suer tout le monde.

Bref, y a-t-il raison de croire que cette histoire puisse connaître une conclusion heureuse pour Trestman et ses adjoints? L’une des lois non écrites du football est que l’entraîneur doit agir tel un bouclier, prêt à prendre le blâme à tout moment afin de protéger ses effectifs. Kromer a agi à l’encontre de cette loi, et il est difficile de penser qu’on pourra faire table rase et passer à un autre dossier comme si rien ne s’était produit.

Et dire que cette distraction n’est qu’une autre tuile s’étant récemment abattue sur Trestman et son groupe, en plus des résultats insatisfaisants sur le terrain! La haute direction doit s'arracher les cheveux en songeant aux succès obtenus par Bruce Arians avec les Cardinals de l'Arizona. Ce dernier avait été pressenti pour occuper les fonctions d'entraîneur chef, et le voilà maintenant qui dirige l'équipe possédant la meilleure fiche du circuit, sans pour autant avoir un club toutes étoiles à sa disposition.

Que nous réserve Johnny Football?  

Les Browns de Cleveland auront finalement patienté 14 semaines avant de céder les rênes de l’attaque à leur choix de premier tour au dernier repêchage, le polarisant Johnny Manziel.  Le vétéran Brian Hoyer a connu bien plus de bas que de hauts ces dernier temps, ce qui a pavé la voie vers le premier départ de la carrière professionnelle de Johnny Football.

Johnny ManzielLes débuts de Manziel ce dimanche contre les Bengals de Cincinnati seront particulièrement intéressants à surveiller compte tenu de l’intrigue entourant ce personnage. Vous conviendrez que le jeune homme laisse peu d’amateurs de football indifférents. D’un côté, ses défenseurs apprécient sa grande exubérance et son côté spectaculaire. Ses dénigreurs préfèrent déplorer son arrogance et sa manie d’attirer vers lui les projecteurs pour les mauvaises raisons.

C’est pourquoi j’ai l’impression qu’une moitié de gens voudront le voir obtenir du succès, et qu’une deuxième moitié souhaitera le voir échouer misérablement en fin de semaine. Ceux qui l’ont vu à l’œuvre avec l’Université Texas A&M sauront que Manziel est le genre de général à l’attaque capable de te faire bondir de ton siège, et pas nécessairement toujours pour les bonnes raisons! Autant peut-il réaliser des jeux époustouflants, par la course ou par la voie aérienne, il lui arrive également d’opter pour des choix de jeux tout à fait incompréhensibles.

Chose certaine, il amènera une dynamique totalement différente à l’attaque des Browns, qui manque cruellement de diversité. Je m’attends à ce qu’il utilise dimanche sa capacité à étirer les jeux pour apposer son empreinte sur les matchs à la manière de Russell Wilson. Manziel peut s’encourager en se rappelant que les Browns avaient bien défendu leur territoire lors de leur premier affrontement de l’année face aux Bengals, une victoire sans appel de 24-3.

Cette fois, Cleveland joue dans le confort de son domicile, et l’efficacité de l’unité défensive depuis quelques semaines laisse présager qu’elle sera de nouveau à la hauteur dans cette bataille de l’Ohio.

*propos recueillis par Maxime Desroches