On lit et on entend un peu partout que Michel Therrien pourrait en payer le prix si le Canadien ne connaissait pas un début de saison à la hauteur des changements qui ont été apportés par son directeur général. Ce n’est pas dépourvu de sens, mais Therrien est probablement le dernier à s’en inquiéter.

Pourquoi l’équipe le décevrait-il si Carey Price disputait les 60 matchs prévus, si Shea Weber s’avérait le pilier défensif que l’ensemble de la ligue nous décrit, si Alexander Radulov redevenait un joueur des ligues majeures, si, si, si...

Après l’effondrement de l’an dernier, c’est normal qu’on soulève des points d’interrogation. La Ligue nationale est un circuit équilibré qui gagne constamment en puissance et dans lequel nombre de formations sont en mesure de se battre pour les grands honneurs. Un joueur étoile blessé par ci ou une léthargie prolongée par là et la course peut devenir tellement différente de celle que les observateurs prévoient à la conclusion des camps d’entraînement.

À Montréal, à moins d’être la réincarnation de Scotty Bowman, un entraîneur vit sur du temps emprunté quand il occupe le poste durant quatre saisons. Therrien entreprend sa cinquième. Ça commence à relever de l’exploit. Depuis le départ de Bowman, il y a 37 ans, Pat Burns est l’unique entraîneur à avoir passé quatre ans derrière le banc. La pression a fini par étouffer cet ancien policier qui en avait pourtant vu bien d’autres. Et son équipe avait participé chaque fois aux séries, imaginez.

Au cours de l’été, Marc Bergevin a fait tout ce qu’il fallait pour aider son coach à prolonger son mandat. Il lui a remis de nouveaux outils pour gagner. À Therrien de faire le reste maintenant. Il ne peut même pas se satisfaire d’une timide entrée en séries. Le temps est venu pour sa troupe de passer à l’étape suivante.

Si on a eu des doutes sur les capacités de Bergevin à mettre son pied à terre quand le Canadien était en totale déroute l’hiver dernier, il faut reconnaître qu’il a rebondi en connaissant un été fructueux. S’ils sont plusieurs dans les cercles du hockey à lui reconnaître de belles aptitudes comme directeur général, il a fait la démonstration qu’il peut aussi modifier son équipe en peu de temps.

Il est trop tôt pour évaluer les retombées de tous ces changements. Il a remodelé l’équipe par étapes et cela pourrait lui permettre de connaître sa meilleure saison à titre de DG, si tout se passe bien.

1- La chute aux enfers de l’équipe lui a permis d’identifier un sérieux problème de leadership et de caractère. Il a trouvé la solution du côté de Shea Weber et d’Andrew Shaw.

2- Il jugeait nécessaire de trouver une étincelle pour stimuler la productivité de l’attaque à cinq. Il a investi six millions $ dans Radulov. On ne doute pas qu’il s’agisse d’une bonne prise car Radulov ne jouera pas uniquement pour l’équipe. Il le fera en vue d’obtenir un autre contrat lucratif, que ce soit à Montréal ou ailleurs. Si jamais il connaissait une production de 30 buts, tout en se comportant d’une façon exemplaire, ce serait difficile pour l’organisation de le laisser partir. Il coûterait donc plus cher encore.

3- En ratant les séries après avoir perdu son gardien vedette pour les sept huitièmes du calendrier, il était impérieux d’ajouter de la profondeur à cette position. Bergevin n’est pas allé chercher Al Montoya pour lui demander d’attendre en veilleuse dans la Ligue américaine. Dès lors, Mike Condon ne faisait plus partie des plans.

4- Il a aussi ressenti le besoin d’ajouter un adjoint avec du coffre derrière le banc. Pour diverses raisons, Kirk Muller répondait très exactement à tous ses critères.

5- Finalement, son ouverture d’esprit concernant les jeunes Lehkonen et Sergachev a été dictée par l’urgence de gagner la coupe Stanley dans une fenêtre d’opportunité de deux ou trois ans. En les intégrant à l’équipe dès maintenant, ils deviendront des joueurs d’impact dans une éventuelle course aux grands honneurs. Bergevin n’aurait certainement pas trouvé dans les réserves de la filiale un espoir dont le talent se rapproche de celui du Finlandais qui est déjà supérieur à l’inégal Sven Andrighetto. Quant à Sergachev, si on souhaite qu’Andreï Markov devienne son mentor, on ne peut pas se permettre d’attendre trop longtemps.

On écoute parler Bergevin et Therrien et on sent qu’ils se mordent les lèvres pour éviter de confirmer que l’adolescent russe est déjà un membre à part entière de l’équipe. Le jeune a le physique de l’emploi. Il patine la tête haute et pense rapidement. Il sait ce qui se passe autour de lui. La pression ne semble pas l’atteindre et en boni, la langue ne représente pas une barrière pour lui.

Si Bergevin s’est empressé d’accorder un contrat de deux ans à un volet à Mark Barberio, c’est sans doute parce qu’il ne croyait pas que Sergachev lui forcerait la main à ce point. À l’heure du repêchage, on le considérait comme un projet à développer durant une saison ou deux. Il a brûlé quelques étapes.

Ce qui est rassurant dans les nombreux changements qu’on a apportés, c’est de constater que pour la première fois depuis plusieurs années, on ne s’est pas contenté de faire du rapiéçage, sauf peut-être dans le cas de Zach Redmond qui représente avant tout un élément de profondeur à la ligne bleue. 

Depuis quelques mois, on a vu partir des joueurs qu’on nous avait présentés comme de très belles solutions, ce qu’on fait très souvent. On pense à Prust, Devante Smith-Pelly, Fleischmann, Semin, Weise et Christian Thomas.

L’instant de quelques semaines, ils ont été remplacés par deux joueurs du top 6 en Radulov et Lekhonen et un troisième du top 9 en Shaw. La transformation est majeure, même s’il y a encore de l’espace pour des ajouts de talent. Éventuellement, il faudra trouver une façon de faire place à un colosse de six pieds, six pouces et de 230 livres comme Michael McCarron qui aura l’avantage de ne pas peser lourd sur la masse salariale avec son salaire inférieur à 900 000 $ pour les deux prochaines années.

Ce qui s’en vient s’annonce donc encourageant. Je n’ai pas encore vu un observateur exclure le Canadien des prochaines séries. Si l’ambiance est meilleure dans le groupe, c’est parce que les joueurs croient avoir les capacités pour aller loin. Quand ils entrent dans le vestiaire et qu’ils voient les deux leaders en chef, Price et Weber, très à leurs affaires, ils ont sans doute eux-mêmes le goût de rentrer dans le rang et de les suivre.

Quand même bizarre que le joueur le plus important dans la désastreuse dernière saison ait été celui qui n’a pas joué. En s’écroulant sans Carey Price, le Canadien a démontré à quel point il ne peut se priver de ses services, ce qui devrait lui permettre de toucher, le moment venu, le plus important contrat dans l’histoire de l’organisation.

Condon laisse une bonne impression

Mike Condon doit se dire que s’il y a une justice dans le métier qu’il a choisi, elle n’est pas pour lui.

Malgré une expérience très limitée de 56 parties dans la Ligue américaine, on lui avait demandé de chausser les patins du meilleur gardien  du monde. Dans les circonstances, ll aurait fallu qu’il assure la survie d’une formation qui affichait un manque criant de caractère.

On a fait l’acquisition d’Al Montoya parce que Condon, un gardien qui n’a jamais été repêché, soit dit en passant, n’a pas mené le Canadien dans les séries. Aucun autre gardien ne l’aurait fait dans un vestiaire aussi désemparé. Si Montoya avait été le réserviste l’an dernier, il ne serait plus là cette saison car c’est lui qu’on aurait tenu responsable.

« On voulait un gars d'expérience pour le rôle de second »

C’est une bonne chose, pour lui et pour le Canadien, que les Penguins aient réclamé Condon. On ne le verra pas souvent devant le filet de cette puissante équipe quand Matt Murray sera en santé, mais il continuera de se battre comme il le fait continuellement pour faire sa place. Sa présence dans la filiale du Canadien aurait causé un inconfort où deux jeunes gardien, Fucale et Lindgren, ont besoin de jouer régulièrement pour poursuivre leur développement. L’un des deux jeunes se serait retrouvé dans la Ligue de la Côte Est des États-Unis.

Condon, qui démontre une belle attitude et qui ne lésine jamais sur l’effort à l’entraînement, est parti en laissant une très bonne impression. Il est de ceux qui n’ont pas baissé les bras l’an dernier. Même s’il avait quelques lacunes, c’est davantage des remerciements qu’un au revoir qu’il aurait dû recevoir.