Michaël Bournival n’a pas eu besoin d’explications : lorsqu’il a appris, après la victoire de 3-1 du Canadien aux dépens des Sénateurs d’Ottawa dans le cadre du tout dernier match préparatoire, que Gabriel Dumont et Nathan Beaulieu étaient cédés aux Bulldogs d’Hamilton et que lui n’était pas convoqué au bureau de l’entraîneur-chef, l’attaquant québécois a aussitôt réalisé qu’il amorcerait la saison à Montréal.

« Personne ne m’a parlé, mais j’ai compris », a lancé Bournival à sa sortie du vestiaire.

S’il n’a pas annoncé la bonne nouvelle à son jeune attaquant, Michel Therrien l’a confirmée au tout début de son point de presse. Ajoutant du même souffle que le défenseur format géant Jarred Tinordi restait lui aussi avec le club.

Ça ne veut pas dire que Bournival et/ou Tinordi seront de la formation partante mardi, au Centre Bell, face aux Maple Leafs de Toronto. Mais ça veut dire qu’ils sont avec le grand club. Du moins pour l’instant.

Gros casse-tête

Pour combien de temps? Pour disputer combien de matchs? Bournival ne le savait pas lorsqu’il a croisé les médias. Michel Therrien ne le savait pas lui non plus.

Mais l’entraîneur-chef sera prêt à jongler avec sa formation pour leur faire une place. Il serait même prêt à les garder sur la galerie de presse de temps en temps même s’il est difficile de garder de jeunes joueurs au neutre dans la LNH plutôt que de multiplier leurs minutes d’utilisation sans la Ligue américaine.

Les retours de blessés et les succès ou insuccès de l’équipe dicteront les décisions de Therrien et de son patron, le directeur général Marc Bergevin.

À l’écart de la formation hier, Georges Parros et Brandon Prust seront-ils en mesure de jouer dès mardi contre les gros Maple Leafs?

Si l’état de santé de Prust fait l’objet de réévaluations quotidiennes, Michel Therrien a confirmé que les nouvelles étaient très positives dans le cas de Parros. Et qu’il pourrait peut-être même disputer le match d’ouverture.

« Bournival et Tinordi font partie des 23 joueurs avec qui nous amorcerons la saison. Avec ce qu’ils ont accompli depuis le début du camp, ils méritent d’être ici », a convenu Therrien qui a offert plusieurs défis à ses deux jeunes joueurs. Des défis qu’ils ont tous les deux relevés.

Brouiller les cartes

« Bournival a impressionné autant à l’aile qu’au centre. Il nous a prouvé qu’il était de calibre de la LNH. Quant à Tinordi, on lui avait demandé d’être plus physique. Il l’a été », a expliqué Therrien dans son point de presse.

« Je voulais causer une surprise. Brouiller les cartes. C’est ce que j’ai fait », a ajouté Bournival qui affichait un plus beau sourire après la rencontre de jeudi que la veille à Ottawa où il a disputé son moins bon match du calendrier préparatoire.

« Je savais que j’aurais une dernière chance ce soir et je ne l’ai pas ratée », a commenté Bournival qui a partagé la joie reliée à sa sélection par l’état-major du Canadien avec les journalistes avant de pouvoir le faire avec les membres de sa famille qui l’attendaient à quelques pas de là.

« Ils ne le savent pas encore, mais je crois qu’ils commencent à comprendre. »

Michaël BournivalAu sein de quel trio jouera Bournival ?

Jeudi soir, il pilotait encore le 4e trio au centre de Travis Moen et Ryan White.

Avec le retour en forme du capitaine Brian Gionta avec Plekanec et Bourque, avec le trio Pacioretty-Desharnais-Brière qui semble vouloir multiplier les points et celui de Galchenyuk, Eller et Gallagher qui a enfin connu un fort match jeudi, son meilleur du camp, il ne semble pas y avoir de place pour Bournival au sein des trois premiers trios.

Va alors pour le quatrième.

Mais si Parros est prêt à jouer mardi et que Brandon Prust l’est aussi, Bournival deviendra la cinquième roue du tricycle. Pas évident.

Pour Tinordi, le parcours vers l’alignement partant semble plus facile.

Non seulement Douglas Murray et Davis Drewiski sont blessés – Murray pourrait être plus près d’un retour qu’on le croit – mais les performances de Tinordi qui ratait un match préparatoire hier après avoir disputé les six premiers, le placent déjà devant les blessés, mais aussi devant Raphael Diaz qui est loin d’avoir connu un bon camp et pas très loin derrière Francis Bouillon sur le tableau des défenseurs disponibles.

Joueront? Ne joueront pas?

Bournival et Tinordi joueront-ils mardi? L’un oui, l’autre non?

« Bien des choses peuvent se produire d’ici mardi. On est devant un gros casse-tête. On a plein de morceaux à placer. On verra en temps et lieu. Pour l’instant les deux sont avec nous », a minimisé Therrien tout en admettant que si le Canadien gardait ses jeunes à Montréal, c’était pour les faire jouer.

« Il faut regarder tout ça sur le long terme. On peut faire rater un match ici et là à des jeunes si dans l’ensemble ils obtiennent assez de matchs et de temps d’utilisation pour progresser. Plusieurs facteurs détermineront s’ils jouent ou non. Et s’ils ne jouent pas, des décisions devront être prises en temps et lieu. Mais pour l’instant, ils sont avec nous et on est bien content », a nuancé Michel Therrien.

Comme tous leurs coéquipiers, Michaël Bournival et Jarred Tinordi profitent d’un congé vendredi. Ils seront de retour à l’entraînement samedi, dimanche et lundi pour apporter les derniers ajustements avant le coup d’envoi de la saison.

« Maintenant que j’ai réussi à me faire suffisamment remarquer pour rester ici, je vais tout faire pour continuer à surprendre afin de demeurer avec l’équipe », a mentionné Bournival avec une confiance teintée de l’innocence de ses 21 ans.

Une innocence rafraîchissante qu’il fait bon retrouver chaque année lorsque des jeunes font un bond rapide vers la grande ligue.

Après Alex Galchenyuk et Brendan Gallagher l’an dernier, Michaël Bournival et Jarred Tinordi ont mis le pied dans la porte du vestiaire du Canadien jusqu’à ce qu’on leur fasse signe d’entrer plutôt que de les expulser. Ils viennent tous deux de gagner une bataille importante. Mais pas encore la guerre.

Dumont perd sa place

Inversement, Gabriel Dumont, qui semblait en colère lorsqu’il a quitté le Centre Bell après avoir appris sa rétrogradation, devra prendre les bouchées doubles. Car pour le moment, Michaël Bournival vient de lui ravir le titre de joueur le plus près du Canadien au sein de la relève. Et si Dumont ne se raplombe pas une fois avec les Bulldogs, Sebastian Collberg, Charles Hudon, voire Michael McCarron avant longtemps pourraient venir s’interposer entre le fougueux attaquant de Dégelis et le vestiaire du Canadien comme vient de le faire Bournival.

« Bournival et Tinordi restent »
« Bournival et Tinordi restent »

Dans le cas de Nathan Beaulieu, son renvoi dans les mineures est moins lourd à porter que celui de Dumont. Bien qu’il soit évident que Tinordi le devance maintenant sur la liste des défenseurs d’avenir de l’organisation, Beaulieu n’a pu se faire justice lors du camp en raison d’une blessure. Le Canadien a prolongé son camp d’une journée afin de lui offrir la chance de disputer un deuxième match en deux soirs jeudi. Il a profité de cette occasion pour confirmer son talent et ses aptitudes.

Contrairement à Dumont, à Louis Leblanc et à plusieurs autres jeunes qui se retrouvent à la croisée des chemins dans leurs ascensions vers la LNH au sein de l’organisation du Canadien, Beaulieu a toujours sa place sur la liste des prospects en qui l’état-major fonde de solides espoirs. Le jeune homme devra maintenir son développement de joueur sur la patinoire et accélérer sa prise de maturité à l’extérieur des amphithéâtres pour maintenir cette place enviable.

Prédiction sans prétention

Petite projection en terminant : à moins que le Canadien ne soit décimé par les blessures dès le début du camp d’entraînement, ou qu’il fasse rapidement la preuve qu’il a plus à offrir au Canadien que Ryan White et même Travis Moen – ce dont je suis déjà pas mal convaincu – Michaël Bournival ira rejoindre les Bulldogs de Hamilton dans quelques semaines.

Ce ne sera pas un drame.

Il aura acquis la fierté d’avoir amorcé l’année avec le Canadien à Montréal. Plus important encore, il aura surtout réalisé ce qui lui manque pour assurer sa place dans le vestiaire.

Bien qu’il affiche encore des allures d’adolescent, Bournival me donne l’impression d’être assez sérieux et intelligent pour tirer profit d’une éventuelle rétrogradation en l’utilisant comme tremplin qui le ramènera vers la LNH, plutôt qu’en se laissant sombrer dans le découragement ou pire, de dangereusement se vautrer dans une confiance associée à ce qu’il a accompli jusqu’ici.

Car bien qu’il ait accompli beaucoup, Bournival n’a encore rien accompli. C’est bête comme ça l’ascension vers la LNH. Une seconde, tu te crois bien accroché à une fente dans la paroi rocheuse ou avoir les pieds appuyés sur une roche qui semble solide. L’instant d’après, tu plonges dans le vide et atterris dans la Ligue américaine.

Dans le cas de Tinordi, ce pourrait être différent. Car contrairement à Bournival face aux Prust, Parros et autres membres de l’équipe de soutien à l’attaque, Tinordi semble déjà se battre à armes égales avec ceux qu’il doit déloger pour garder sa place au sein de l’alignement.

On verra.