N’en déplaise à Michaël Bournival, aux membres de sa famille et à son lot d’admirateurs, la décision de lui permettre d’aller se délier les jambes dans la Ligue américaine est non seulement la bonne, mais elle était souhaitable. Autant pour le jeune attaquant de 22 ans que pour l’organisation.

Toujours en quête d’un rôle précis à remplir avec le Canadien, Bournival végétait depuis le début de la saison. Ses présences sur la patinoire se limitaient aux entraînements dirigés par Michel Therrien entre les matchs ou ceux, bien incomplets, des jours de partie. Sans compter qu’avec les aléas du calendrier, les voyages, la multiplication de jours de congé imposés par la convention collective, les entraînements sont de moins en moins nombreux et de plus en plus légers.

D’où la nécessité de lui imposer un séjour à Hamilton.

Selon les plans du Canadien, ce séjour devrait être court. Après les duels opposant les Bulldogs aux Marlies de Toronto (Maple Leafs) et aux IceHogs de Rockford (Blackhawks de Chicago), Bournival reviendra avec le grand club.

Mais s’il ne joue pas lors de son retour, si aucun attaquant ne se blesse ou n’encaisse une baisse de régime susceptible d’entraîner son retrait de la formation, Bournival retombera dans la même situation réservée aux joueurs de soutien dont il fait partie. Aux joueurs qui donnent de la profondeur à leur équipe comme l’a indiqué Michel Therrien hier.

Michaël BournivalDans ces circonstances, et parce que son contrat à deux volets et son manque d’expérience permettent de l’envoyer dans les mineures sans pour autant avoir le « privilège » d’être soumis au ballottage, Bournival pourrait bien y retourner de temps en temps en cours de saison.

Est-ce sage? Est-ce juste? Est-ce que le Canadien ne serait pas mieux de se défaire de Travis Moen et de son contrat ou d’échanger Rene Bourque pour faire une place au Québécois?

Toutes ces questions sont bonnes.

Les réponses le sont moins si on cherche des facteurs militants en faveur de Bournival.

Bourque ne casse rien. Il patine sur une réputation et  fait miroiter la possibilité d’éveils passagers comme ce fut le cas le printemps dernier.

Travis Moen n’est plus le solide joueur de troisième trio qui a éteint les Sénateurs d’Ottawa en finale de la coupe Stanley en 2007. Il est ralenti par le poids des années et les commotions encaissées au fil des dernières années.

Je veux bien.

Mais qui est Michaël Bournival? Que peut-il apporter match après match au Canadien? Le sait-on vraiment?

Bournival est rapide. Très. Il est teigneux en échec avant. Il est capable de compléter des passes, de marquer des buts. Mais à quel rythme?

Peut-on vraiment envisager sa présence au sein d’un des deux premiers trios du Canadien? Avec 7 buts et 17 points en 60 matchs dans la LNH, on doit répondre non! Et ce n’est pas comme s’il avait brûlé la Ligue américaine comme en témoignent ses 12 buts et 33 points en 72 rencontres avec les Bulldogs.

Il n’est pas assez « physique » pour occuper une place au sein du quatrième non plus. Il ne peut y déloger Brandon Prust qui est à sa place au sein de ce trio, pas plus que Dale Weise qui aimerait peut-être se voir plus haut dans l’organigramme, mais qui demeure un joueur de quatrième trio.

Bournival pourrait évoluer au centre du quatrième trio. L’ennui, et il est de taille, c’est que Manny Malhotra excelle au chapitre des mises en jeu et des missions défensives et c’est justement pour lui offrir cette place que Marc Bergevin en a fait sa première embauche dès l’ouverture du marché des joueurs autonomes.

Il ne reste alors – à moins que des blessures n’ouvrent un ou des postes au sein des autres unités – que le troisième trio.

Je vois très bien Bournival évoluer en compagnie de Lars Eller et Jiri Sekac sur une base régulière. Un jour. Mais pour que ce jour vienne, il faudra que Bourque passe à une autre formation.

Dès l’ouverture du camp d’entraînement du Canadien, il était clair que Bournival devenait un joueur excédentaire. Il l’est toujours. Et ce n’est pas une pierre que je lui lance. Pas du tout. Le petit gars a du talent, il est un Québécois, il travaille sans rechigner et ne fait rien de rien pour nuire à l’équipe.

Sauf qu’après avoir été laissé de côté lors des trois premiers matchs du Canadien – trois victoires je veux bien, mais trois victoires qui avaient laissé voire des lacunes – Bournival n’a pas pu se frayer un chemin jusqu’au vestiaire lors de l’escale de lundi à Tampa Bay.

Avec les Bruins au Centre Bell jeudi, ses chances d’effectuer une entrée étaient minces. Auraient-elles été meilleures samedi contre le Colorado?

Le fait que personne ne puisse répondre oui avec fermeté démontre le genre de cercle vicieux dans lequel le jeune homme et le Canadien s’enlisent. Dans lequel ils pourraient s’enliser encore un bon moment si rien ne change au sein de la formation.

Une fois encore, j’insiste sur le fait que Bournival n’a rien à se reprocher. Il se retrouve dans cette situation inconfortable en raison des chances que le Canadien se doit d’offrir à Jiri Sekac qu’il a mis sous contrat l’été dernier et aussi parce que les vétérans Moen et Bourque sont justement des vétérans, avec tous les « privilèges » que ce statut apporte.

Est-ce que le Canadien est moins bon avec Michaël Bournival sur la patinoire à Hamilton plutôt que sur la galerie de presse à Montréal?

Bien sûr que non. Il est même meilleur, parce que Bournival, une fois sa frustration toute naturelle passée – cette fois-ci et les prochaines si prochaines il y a – jouera. Il jouera beaucoup. Et pour le bien du Canadien et du jeune homme, Bournival pourra trouver le rôle – le peaufiner – qui lui permettra de faire sa place une fois pour toutes avec le Canadien.

Ou avec une autre formation de la Ligue nationale.

Mais d’ici à ce qu’il trouve sa niche et qu’il puisse s’installer devant et bien la défendre – au lieu d’être dans la niche du coach qui ne peut lui faire de place au sein de sa formation – Bournival est bien mieux de jouer dans la Ligue américaine que de ne pas jouer du tout.

Surtout qu’il est encore jeune, qu’il a encore tout à prouver bien qu’il donne l’impression d’avoir les outils nécessaires pour faire le saut dans la Ligue nationale. Il ne reste qu’à savoir dans quel rôle. Les prochaines semaines et un, voire deux ou trois, séjours à Hamilton devraient aider à le déterminer.