MANHATTAN - Comme s’il avait tout donné mardi soir pour éviter une élimination devant ses partisans, le Canadien n’avait plus de jambes jeudi. Dominé pendant les 60 minutes de la rencontre, il a encaissé un revers de 1-0 aux mains des Rangers. Des Blueshirts qui se retrouvent en finale de la coupe Stanley pour la première fois en 20 ans alors que le Canadien se réveille en vacances.

Des vacances bien méritées après une saison régulière surprenante au cours de laquelle Michel Therrien et ses joueurs ont récolté 100 points. Après des séries éliminatoires plus surprenantes encore alors que le Canadien a ajouté 17 parties à sa saison éliminant au passage les Bruins de Boston, champions de la saison régulière. Et même s’il a offert une performance très décevante dans le cadre de sa 99e et dernière partie de l’année, le Canadien peut se relever la tête ce matin en analysant l’ensemble de cette saison qui fut somme toute impressionnante.

Tokarski abandonné

Quoi dire du dernier match de la saison? Que le score est loin d’indiquer l’allure réelle de la partie.

Abandonné par des coéquipiers qui n’arrivaient pas à suivre le rythme imposé par les Rangers, Dustin Tokarski a été, et de loin, le meilleur joueur du Tricolore encore hier. N’eût été de ses quelques bons arrêts, d’un poteau qui lui est venu en aide et de plusieurs occasions ratées par les Rangers, le score aurait été bien différent.

Devant lui, la brigade défensive en a eu plein les mains du début à la fin de la rencontre. Le vieux Andrei Markov et le jeune Nathan Beaulieu ont connu des matchs très difficiles. Dans le cas de Beaulieu, c’est l’expérience qui entre. Dans celui de Markov, l’accumulation d’expérience laisse croire que le défenseur russe pourrait bien être rendu au bout du rouleau. Chose certaine, si Markov s’est assuré de maintenir à un très haut niveau sa valeur marchande en vue de la signature d’un éventuel contrat avec le Canadien, il a vu cette valeur péricliter au fil des 17 matchs disputés au cours de la vraie saison.

Visiblement au bout du rouleau depuis quelques rencontres, Josh Gorges n’a pu se rendre aussi utile qu’en saison.

Signe que la fatigue paralysait le Tricolore, même l’électrisant P.K. Subban n’a pu offrir une performance à la hauteur de son talent et de sa réputation. Subban a bien tenté de relancer son équipe une fois, cinq fois, dix fois. Mais ses efforts en solitaire ont vite été freinés par des Rangers qui ont joué à fond de train et collectivement en ne donnant aucune chance à Subban et au Canadien.

Attaque anémique

Parce que le Canadien était visiblement vidé et aussi parce que les Rangers en ont profité pour disputer leur meilleur match de la série, il ne faut pas se surprendre que le Tricolore ait été blanchi.

Limité à une occasion de marquer en première, à trois – Alain Vigneault en a donné une de plus au Canadien – en période médiane avant d’être complètement neutralisé au troisième tiers, le Canadien n’a jamais été en mesure de faire suer Henrik Lundqvist qui a signé sa 12e victoire des séries, sa première par jeu blanc. Un jeu blanc sans grande valeur si l’on considère que le Tricolore l’a mis au défi à 18 reprises seulement. De ces 18 tirs, quatre ou cinq seulement ont forcé le gardien suédois à s’appliquer sérieusement à son travail.

Il serait facile de lapider le Canadien de critiques après cette autre timide sortie en attaque. Bon! Le Tricolore mérite certainement quelques critiques. Des critiques qui doivent surtout être dirigées sur le capitaine Brian Gionta qui, en plus d’être très timide depuis le début des séries avec seulement un but en 17 rencontres, s’est rendu coupable d’affreux revirements en zone défensive au cours de cette rencontre; sur Tomas Plekanec qui n’a pas été l’ombre du joueur de centre – en attaque comme en défensive – qu’il se devait d’être; sur Thomas Vanek bien sûr qui n’a pas rencontré les journalistes après le match pour lever le voile sur une éventuelle blessure qui pourrait expliquer le fait qu’il se soit transformé en courant d’air en séries éliminatoires; sur Rene Bourque qui a replongé dans l’anonymat jeudi après avoir volé la vedette mardi.

Quant au premier trio, celui de David Desharnais, Max Pacioretty et Brendan Gallagher, il n’a pas été en mesure de prendre les choses en mains jeudi. Doit-il être blâmé? Un peu sans doute. Mais il serait injuste de ne pas souligner l’excellence du jeu défensif des Rangers. Pas seulement de la part des défenseurs qui ont prouvé que leur groupe était supérieur à celui du Canadien. Mais aussi aux quatre trios des Blueshirts qui ont neutralisé la vitesse du Canadien en offrant une vitesse égale, voire supérieure, et en frappant les attaquants du Canadien beaucoup plus rondement qu’ils n’ont été frappés.

La meilleure équipe a gagné

Quand on analyse la performance du Canadien lors du dernier match de la série, on se rend vite compte que le meilleur joueur de l’équipe, celui qui s’est présenté en force et en forme, le seul qui ait offert une performance soutenue et sans faille, portait masque et jambières hier soir.

Si son nom avait été Carey Price, on aurait pu comprendre. Mais comme il s’appelait – et s’appelle encore – Dustin Tokarski, c’est plus difficile à comprendre. De fait, quand, dans le cadre d’un match sans lendemain en finale d’association en plus, ton meilleur joueur est un gardien sorti de la Ligue américaine pour venir en relève à l’un des meilleurs gardiens de la LNH, ton équipe ne mérite pas vraiment de gagner.

Et c’est là, la principale conclusion à apporter à la suite de cette sixième et dernière partie de la série. Une série qui a aussi permis de confirmer que la meilleure équipe a gagné. Une équipe unie malgré l’absence de capitaine. Une équipe que l’entraîneur-chef Alain Vigneault a su relancer en affichant une attitude calme et réfléchie, tout à l’opposé de l’attitude belliqueuse et militaire de son prédécesseur John Tortorella. Une équipe, une vraie, qui l’a d’ailleurs prouvé en se regroupant autour du trophée Prince de Galles que personne n’a osé toucher – superstition oblige – pour ne pas miner les chances des Rangers de soulever la coupe Stanley.

Contre cette bonne équipe de hockey, contre cette équipe unie, est-ce que le Canadien aurait eu de meilleures chances de gagner avec Carey Price devant le filet plutôt que Dustin Tokarski?

Bien sûr que oui!

Mais ça ne veut pas dire qu’il y serait arrivé. Car à la lumière du match de jeudi, le Canadien semblait vraiment à bout de ressources. Au bout du rouleau. Alors que les Rangers semblaient prêts à accélérer la cadence pour s’assurer d’effectuer le saut en grande finale.

Après avoir célébré comme il se doit cette victoire aux dépens du Canadien et cette première présence en finale de la coupe Stanley depuis la conquête du précieux trophée en 1994, Alain Vigneault devra toutefois s’assurer de remettre son équipe sur les rails.

Car s’ils ont mieux joué que le Canadien en finale de l’Est, les Rangers devront jouer bien mieux une fois en grande finale peu importe que ce soit contre les Blackhawks de Chicago ou les Kings de Los Angeles. Les Rangers devront jouer du bien meilleur hockey pas seulement s’ils veulent l’emporter. Mais plus simplement s’ils veulent éviter d’être balayés en quatre petites parties tant la finale de l’Est a offert du jeu bien en deçà de la qualité du jeu offert en finale de l’Ouest.

Bien malin celui ou celle qui peut jurer dur comme fer que ce sont les Kings ou les Hawks qui croiseront les Rangers en grande finale. Tout ce que l’on peut assurer sans risque de se tromper pour le moment, c’est que la série débutera à Chicago ou à Los Angeles et que la première partie sera disputée le mercredi 4 juin.

D’ici là, on va enterrer le Canadien, mettre la table sur le travail colossal qui attend le directeur général Marc Bergevin qui devra décider du sort des vétérans Markov, Gionta, Plekanec, s’entendre à court, moyen, long ou très long terme avec P.K. Subban, compléter une ou des transactions importantes afin de donner un nouveau souffle à son équipe tout en s’assurant d’offrir aux jeunes qui frappent à la porte du vestiaire et aux autres qui y sont déjà la place pour s’y installer, se développer et s’imposer.

Chiffres du match

2 : blanchi en deux occasions hier, le Canadien se sera contenté de deux petits buts en 23 attaques massives (8,7 %) dans sa série contre les Rangers...

3 : Henrik Lundqvist a maintenu sa séquence parfaite récoltant une troisième victoire de suite ce printemps dans le cadre d’un match suivant une performance décevante au cours de laquelle il a accordé quatre buts ou plus. «King Henry» a même amélioré sa fiche puisqu’il a blanchi le Canadien après avoir limité ses adversaires à un seul but lors de ses deux premières victoires...

9 : Le jeu blanc d’Henrik Lundqvist aux dépens du Canadien était son premier des séries, mais son 9e en carrière en matchs éliminatoires. Il a ainsi rejoint Mike Richter au premier rang dans l’histoire des Blueshirts...

10 : avec une passe hier, Ryan McDonagh a moussé à 10 points (2 buts) sa récolte aux dépens du Canadien en finale de l’Est. Une performance qui n’aidera pas les partisans du Tricolore à pardonner Bob Gainey de l’avoir cédé aux Rangers en retour de Scott Gomez...

36 : le Canadien a décoché 36 tirs au cours du match de jeudi : 18 cadrés, 10 bloqués et 8 qui ont raté la cible. C’est 4 tirs de plus seulement que le nombre de tirs cadrés (32) par les Rangers qui ont décoché un total de 58 rondelles en direction du filet défendu par Dustin Tokarski. Cette statistique donne une bien meilleure idée de l’allure du match que ne le laisse croire le score final...

42 : avec sa victoire de jeudi aux dépens du Canadien, Henrik Lundqvist est devenu le gardien comptant le plus de gains en séries dans l’histoire des Rangers avec 42. Une victoire de plus que Mike Richter et 13 de plus qu’Ed Giacomin...