Quand le Canadien de Montréal a annoncé le congédiement de Dominique Ducharme, mercredi, de nombreux noms ont commencé à circuler à travers les différents médias couvrant l'équipe et dans la bouche de plusieurs amateurs de hockey à travers la province. Le nom de Martin St-Louis n'est certainement pas le premier qui a été évoqué et la majorité des observateurs ont accueilli la nouvelle comme une surprise. 

 

S'il y a une personne pour qui ce n'était aucunement une surprise, c'est bien John Tortorella, qui a dirigé le petit attaquant pendant huit ans avec le Lightning de Tampa Bay. Il a embauché St-Louis comme consultant spécial chez les Blue Jackets, en janvier 2019, le temps de terminer la saison. Il espérait le garder plus longtemps et voyait en lui de grandes qualités de leader. Mais le principal intéressé n'était pas prêt à faire le saut à l'époque.

 

« Ç'a toujours été un rêve d'être entraîneur dans la LNH »

« C'est quelque chose qu'il avait en tête depuis un bout moment. Il s'est préparé pour cette opportunité, partage Tortorella au bout du fil, quelques minutes avant la première conférence de presse de St-Louis, à titre d'entraîneur-chef du Canadien. Il avait un plan de demeurer avec ses enfants et des les accompagner dans leur parcours de hockey. Il a accompli sa mission. Maintenant le moment est parfait pour lui. »

 

Le sentiment de grande fierté de Tortorella se ressent pendant la conversation téléphonique. Il voue un immense respect au joueur qu'il a dirigé, mais aussi à l'homme qu'il est devenu. Le lien d'amitié a perduré au fil des ans et Tortorella a eu l'opportunité de discuter avec lui, alors qu'il faisait la route entre le Connecticut et Montréal, la journée de l'annonce de son embauche à Montréal.

 

« J'ai été très chanceux de le diriger et de le côtoyer pendant toutes ces années. Personne n'a plus de volonté que lui. Quand nous nous sommes parlés mercredi, j'avais des frissons. Je ne pouvais être plus excité pour lui. Je suis encore plus heureux pour son père et sa mère qui l'ont suivi tout au long de son parcours. Je suis tellement fier de lui ! »

 

Si Martin St-Louis a bien indiqué lors de la conférence de presse confirmant son embauche qu'il s'amenait à Montréal pour plusieurs années et non pour quelques mois, Tortorella n'en avait aucun doute lors de son échange avec l'auteur de ces lignes. 

 

« Il espérait obtenir une telle opportunité. Cela ne vient pas seulement d'un appel de Jeff Gorton ou Kent Hughes, qui lui ont fait une offre. Il a planifié cette opportunité, c'est quelque chose qu'il voulait depuis des années, souligne Tortorella. »

 

Il y a quelque chose de très représentatif que St-Louis arrive à la barre du Canadien avec un titre intérimaire. Ce titre semble définir à merveille le parcours de ce joueur qui n'a jamais été repêché et de qui tout le monde a douté des capacités d'atteindre la LNH un jour. Non seulement a-t-il réussi à évoluer dans le circuit le plus élevé, il est devenu un joueur dominant, gagnant de plusieurs honneurs individuels et membre du temple de la renommée du hockey. 

 

Jeff Gorton a souligné en point de presse qu'il a été grandement impressionné par le premier discours de St-Louis à ses joueurs, dans le vestiaire, jeudi matin. Le simple fait d'imaginer St-Louis entrer dans le vestiaire nous laisse croire qu'il a immédiatement capté l'attention de ses joueurs. Son pedigree comme joueur, qui a dû surmonter tous les obstacles au cours de sa carrière, mais aussi sa prestance et la confiance de ses propos lui permettront de gagner le respect de ses joueurs. Tortorella est convaincu que St-Louis relèvera cet autre défi avec brio.

 

« Une chose qu'il apporte immédiatement, c'est la pression d'être responsables pour les joueurs, les attentes envers eux. Il faudra être patients parce que c'est une jeune équipe, mais ils pourront grandir avec lui. Il va apprendre à connaître les joueurs, les personnes autour de lui et prendre des notes. Il est quelqu'un qui cherchera à communiquer de façon constante. C'est de cette façon qu'il a progressé. Il n'a jamais cessé d'apprendre.. »

 

Bien sûr, St-Louis connaît l'environnement d'un club de hockey. Les stratégies, l'ambiance d'un vestiaire, les hauts et les bas d'une saison de 82 matchs. Sans oublier les sacrifices nécessaires pour avoir du succès en séries éliminatoires, entre autres. Mais il reste qu'il n'a jamais été derrière le banc d'une équipe professionnelle de hockey, son expérience se limitant jusqu'à tout récemment à des matchs dirigés au niveau Pee-Wee ! 

 

« Maman sourit de là-haut [...], c'est spécial pour ma famille »

« Il sera terriblement inexpérimenté, il ne l'a jamais fait ! souligne Tortorella, qui a fait ses débuts comme entraîneur adjoint dans la LNH en 1989, aux côtés de Rick Dudley. Mais il s'est préparé en regardant, en posant des questions. Il y aura une courbe d'apprentissage derrière le banc pendant les matchs. Il devra s'ajuster à la vitesse du jeu, aux changements et au jumelage de ses trios face à ceux de l'adversaire. Il y a tellement de choses à gérer pendant un match. Il va gagner de l'expérience. En même temps, il a vécu tellement de situations en tant que joueur, la transition se fera en douceur. »

 

La gestion d'un match est importante, mais il faut également réaliser que le travail d'entraîneur-chef en est aussi un de psychologue d'une certaine façon. Il n'y a pas une seule façon d'aborder les joueurs. Chacun réagit différemment face à une situation donnée. À ce chapitre, Tortorella reconnaît qu'il faudra donner le temps à St-Louis d'apprendre à maîtriser cette facette de son nouvel emploi.

« La chose la plus importante sera d'apprendre à connaître la personnalité de ses joueurs. Quand les pousser ou quand leur donner de l'espace quand ce n'est pas le bon moment. Quand un joueur est assez mature pour faire face à une situation. Il devra comprendre son équipe. Il est un gagnant, il veut gagner. Il demandera à ses joueurs d'avoir de bonnes habitudes de travail, de l'intensité pour se préparer en vue des matchs. »

 

Finalement, être entraîneur-chef du Canadien vient avec un lot de pression médiatique. Martin St-Louis devra faire face aux questions des journalistes à tous les jours. Il sera questionné et remis en question à propos de ses décisions, il devra aussi réagir après des matchs frustrants à l'occasion. 

 

« Il sera remis en question et savez-vous quoi ? J'espère qu'on le remettra en question ! Il a toujours carburé à ça, c'est ce qui a défini sa carrière ! C'est une ville de hockey fantastique, mais son travail sera scruté à la loupe. »

 

John Tortorella a vécu son lot d'échanges intenses avec les représentants des médias dans sa carrière. Peut-on s'attendre à ce que St-Louis ait retenu cette facette de son entraîneur de longue date ? 

 

« Je sais ce que Caufield vit présentement »

Tortorella éclate de rire, de bon coeur, avant de répondre.

 

« Je ne sais pas si ce sera la même chose, mais je peux dire que nous sommes un peu bâtis de la même façon. Il est très honnête. C'est un qualité que les gens apprécient, mais parfois cela peut mener à des conflits. Si des conflits surviennent avec des joueurs, il devra simplement demeurer honnête et fidèle à lui-même. »

 

La première conférence de presse de Martin St-Louis n'a fait que confirmer les dires de John Tortorella. Après avoir poussé St-Louis et plusieurs joueurs à la dure au cours de sa carrière, il a été aux premières loges pour voir à quel point cet homme carbure aux défis et qu'il est animé par un grand désir de faire taire ses dénigreurs.

 

La maman de Martin lui disait toujours : « Va leur montrer ». C'est exactement ce qu'il a l'intention de faire et John Tortorella est assurément devenu l'un de ses plus grands admirateurs.

 

« Cette équipe a besoin d'avoir du plaisir »