Le Canadien a perdu une bataille, mais il n’a pas perdu la guerre…

Ce n’est pas moi qui le dis, mais bien Michel Therrien qui a lancé cette phrase lorsqu’on lui a demandé de commenter la portée de la défaite de 4-2 encaissée par son équipe. Une défaite qui place le Canadien à un revers des vacances alors que ses grands rivaux de Boston se retrouvent à une victoire d’une autre présence en finale d’association.

L’entraîneur-chef du Canadien a raison : son équipe n’a pas perdu la guerre. Du moins pas encore. Mais si elle joue lundi soir, au Centre Bell, comme elle l’a fait samedi au Garden, on pourra faire fondre la patinoire dès mardi. Car sa saison sera terminée.

Bien que le score final, les tirs au but – 31 pour le Tricolore, 30 pour les Bruins – les tirs décochés – 60 pour le Canadien, 58 pour les Bruins – donnent l’impression que Montréal a été dans le coup, la réalité est toute autre.

Le Canadien s’est fait planter samedi. Il s’est fait dominer à cinq contre cinq par une équipe qui était nettement meilleure, plus incisive, plus impliquée, plus concentrée, plus structurée. Il s’est aussi fait dominer physiquement le long des bandes, devant les buts et dans la majorité des batailles à un contre un. Pis encore, le Canadien a miné ses chances de victoire en jouant du hockey mollasson et en multipliant les pénalités.

Écarter Brière et Bouillon: deux erreurs

Avant même que la rencontre ne commence, on mettait en doute les chances de victoire du Canadien alors que Michel Therrien a décidé d’écarter Daniel Brière de la formation au profit de Brandon Prust et de garder Douglas Murray au sein de sa brigade défensive au lieu de réinsérer Francis Bouillon.

Deux erreurs. Selon moi bien sûr…

On peut reprocher bien des choses à Brière. Sa vitesse, ou son manque de vitesse puisque c’est ce dont il est question ici, des lacunes en défensive, des revirements parfois coûteux, peut-être même parfois un manque de combativité.

Mais ce qu’il est impossible d’enlever à Brière, c’est sa capacité de marquer et de récolter des points. Surtout en séries éliminatoires.

Vrai que Brière n’a rien cassé depuis le début des séries. Malgré tout, malgré surtout une utilisation moyenne de 10 min 26 s par partie, le Gatinois revendiquait un but et quatre points avant la rencontre d’hier.

C’est peu. J’en conviens. Mais c’était quand même mieux que les trois points de David Desharnais et Max Pacioretty (avant le match) qui passent beaucoup plus de temps sur la glace – près de neuf minutes de plus par match – tout en profitant de temps d’utilisation de qualité lors des attaques massives. C’était trois points de mieux que Brandon Prust qui a toutefois disputé deux matchs de moins que Brière.

Pourquoi alors retirer Brière au profit de Prust ?

«On cherchait à donner plus d’énergie à notre quatrième trio», a indiqué Michel Therrien après la rencontre. Une décision mûrie par le coach du Canadien et non un pari de dernière minute alors que Prust a été informé de son retour au sein de la formation vendredi soir et que Daniel Brière a appris on exclusion samedi matin.

À la base, l’idée de Michel Therrien de s’offrir un 4e trio d’énergie était louable. D’autant que ce quatrième trio (Moen-Prust-Weise) lui avait offert du hockey solide et inspiré lorsqu’il a eu la main heureuse en les unissant en fin de saison.

Sauf qu’en confinant Brière sur la galerie de presse, Michel Therrien s’est privé d’un attaquant de qualité. D’un attaquant capable d’aller chercher un but important et opportun dans l’éventualité ou le Canadien devait se retrouver en arrière au pointage.

Ce qui est justement arrivé au cours de cette cinquième partie.

Remarquez que ça ne veut pas dire que Michel Therrien, qui semble vraiment avoir une dent – peut-être même une molaire – contre Brière, l’aurait utilisé. Mais bon. Il aurait au moins eu l’occasion de le faire. Avec Brière au centre, la présence du 4e trio du Canadien sur la patinoire, lors d’une mise en jeu en territoire des Bruins après un dégagement refusé, alors qu’il tirait de l’arrière par trois buts aurait été moins gênante. Du moins, il me semble…

Non seulement il était peu probable de voir Prust – qui n’a asséné qu’une mise en échec lors du match confirmant ainsi les doutes quant à son état de santé – multiplier les occasions de marquer comme Brière aurait pu le faire, mais le Gatinois aurait pu venir en relève à Tomas Plekanec qui aurait eu bien besoin d’un répit en première moitié de rencontre tant il connaissait une soirée difficile. Non : moribonde.

Brière aurait aussi pu aider aux cercles des mises en jeu où Plekanec et les autres centres du Canadien ont été dominés hier aussi.

Mais non ! Il était sur la galerie de presse ou déjà assis dans l’autobus…

Quant à Murray, il fallait voir les joueurs de Bruins trépigner en espérant obtenir la chance d’aller sur la glace quand le gros défenseur du Canadien y était. Pas surprenant que Claude Julien envoyait dès qu’il le pouvait ses meilleurs joueurs sur la glace dès que Murray y posait les patins.

«Il nous a offert du bon hockey dernièrement», m’a répondu Michel Therrien lorsque je lui ai demandé d’expliquer ce qui l’avait poussé à garder Murray au sein de sa formation.

Du bon hockey ? Vraiment ? Murray distribue des mises en échec. C’est vrai. Il bloque aussi des tirs. Et à ce chapitre oui il a bien fait lors des deux matchs à Montréal. Je l’ai d’ailleurs récompensé d’une bonne note lors du quatrième match.

De là à dire qu’il offre du gros hockey, il y a un fossé qu’il est impossible de traverser sans profiter d’une grosse poussée.

À Montréal, où Michel Therrien profite du dernier changement, où il est en mesure de placer son défenseur dans des circonstances plus favorables, ou moins défavorables, je veux bien. Mais à Boston, où c’est Claude Julien qui jouit de ce privilège, il me semble que la présence de Francis Bouillon, qui est plus rapide, meilleur avec la rondelle et malgré sa petite taille très solide physiquement aurait été bien plus appropriée que celle de Murray.

Michel Therrien a multiplié les décisions osées au cours de la saison. Il a pris des paris qui ont souri au Canadien et à son coach bien plus souvent qu’ils ne lui ont coûté.

Cette fois, ce pari très risqué n’a rien donné.

Déséquilibre numérique

Il serait bête et injuste de prétendre que la décision de remplacer Brière par Prust et de garder Murray à la ligne bleue plutôt que d’y ramener Francis Bouillon a coûté le match au Canadien.

Car la liste des raisons qui expliquent ce revers dans un match aussi important est longue. Bien longue.

Une fois encore, le premier trio du Canadien n’a rien fait. Ou pas assez. Oui Max Pacioretty a obtenu six tirs au but. Mais une seule de ses charges au filet s’est concrétisée par une vraie bonne occasion de marquer.

David Desharnais s’est battu et débattu. Il a déployé des efforts évidents, mais il n’a pas été en mesure de faire débloquer son trio.

Après un match difficile lors de la quatrième rencontre, Brendan Gallagher a offert le plus de hargne et de combativité dans le camp du Canadien. Une combativité qui lui a d’ailleurs permis de marquer le premier but de son équipe, son 4e des séries, après qu’il eut été vissé dans la bande par le défenseur Matt Bartkowski quelques secondes plus tôt.

Avec Michael Bournival rapide comme le vent, mais incapable de compléter les jeux à sa gauche et Thomas Vanek encore une fois transformé en courant d’air à sa droite, Tomas Plekanec a connu un match terrible.

Non seulement s’est-il rendu responsable du dégagement refusé au Canadien qui a procédé le premier but, mais c’est lui qui a perdu la mise en jeu dont les Bruins ont su profiter pour marquer. Il était aussi au cachot pour les deuxième et troisième buts des Bruins. Quand ça va mal…

Parlant de pénalités, les arbitres en ont distribué onze au cours de la rencontre. À ce jeu, le Canadien aurait normalement dû sortir gagnant. Grand gagnant. Ce n’est pas ce qui est arrivé. Oui le Canadien a su marquer deux fois lors des cinq attaques massives qu’il a obtenues. Deux buts en avantage numérique pour la troisième fois en cinq matchs face aux Bruins ce n’est pas rien. C’est même excellent.

Mais les Bruins ont prouvé au Canadien comme à tous ceux, et ils sont nombreux, qu’ils sont loin d’être seulement des brutes sans talent y allant eux aussi de deux buts marqués lors des quatre attaques massives qu’ils ont obtenues.

Pis encore pour le Canadien, c’est qu’il a bousillé ses avantages numériques en début de rencontre alors que les Bruins ont plus rapidement capitalisé.

«Si nous avions marqué plus tôt dans le match, l’allure de cette partie aurait été bien différente. On aurait pu imposer notre rythme et empêcher les Bruins de prendre le leur. Mais il fait leur rendre hommage. Ils étaient venus pour jouer et ils l’ont fait», a convenu P.K. Subban qui aurait pu ajouter que son équipe ne l’avait pas fait elle.

Mais bon!

Parlant de Subban, il a été victime d’un geste stupide de la part de Shawn Thornton qui l’a aspergé d’eau pendant le déroulement du jeu en fin de match.

Un geste qui obligera l’homme fort des Bruins à verser quelque chose comme 2500 $ d’amende lorsque la LNH lui imposera une sanction au cours de la journée de dimanche.

Est-ce que ce geste repartira une controverse impliquant P.K. Subban à Boston?

Je ne crois pas. Mais il fallait voir Subban d’un côté insister auprès des journalistes pour que cette histoire ne soit pas montée en épingle, mais qui s’assurait de la répéter à tous les collègues qui se succédaient devant lui dans le vestiaire du Canadien…

C’est de bonne guerre on est en séries.

Mais si le Canadien joue lundi comme il l’a fait samedi, cette série se terminera en six parties à la faveur des Bruins.

Les chiffres du match

6 : Carl Soderberg est devenu le 6e Bruins à marquer son premier but en série en carrière ce printemps. Il a imité : Reilly Smith, Matt Fraser, Jordan Caron, Justin Florek et Dougie Hamilton…

7 : Milan Lucic a asséné 7 des 39 mises en échec distribuées par les Bruins samedi. Le Canadien a répliqué avec 29…

14 : P.K. Subban a décoché 14 tirs au cours du match de samedi. 6 ont atteint la cible, dont son plomb des grandes occasions qui lui a permis d’enfiler le 2e but du Canadien, son 4e but et 12e point des séries, 6 ont été bloqués et deux ont raté la cible…

20 : les Bruins ont remporté 20 des 24 séries au cours desquelles ils ont pris une avance de 3-2. Ironiquement, ils affichent toutefois un dossier de 10 victoires et 14 revers dans les sixièmes matchs des séries qu’ils menaient 3-2…

29 : Patrice Bergeron a disputé 29 des 54 mises en jeu lors du match de samedi. Il en a gagné 15 et perdu 14…

30 : les Bruins ont maintenu un dossier parfait de 30-0-0 en saison régulière dans le cadre de matchs au cours desquels ils se sont offert une avance de trois buts…

39 : le but en avantage numérique de Rilley Smith a mis fin à une séquence de 39 désavantages parfaits du Canadien aux dépens des Bruins en séries. Une séquence amorcée lors du 2e match entre les deux clubs en 2009…