Je me demande sincèrement si Marc Bergevin ne vient pas de connaître la période la plus stressante de sa carrière de directeur général. Il avait déjà posé des gestes importants dans les mêmes circonstances dans le passé, mais il y avait peut-être cette fois une urgence qui n’existait pas au cours des années précédentes. Notamment, en raison des fortes attentes créées par les changements majeurs de l’été dernier qui n’ont pas eu l’effet escompté.

Au début de la saison, ces changements laissaient entrevoir des moments nettement plus heureux. À la suite de la venue de Shea Weber, d’Alexander Radulov et d’Andrew Shaw, on croyait s’être approché un peu plus de l’objectif d’une 25e coupe Stanley, ce qui est très loin d’être le cas. On est actuellement au beau milieu d’un cinquième plan quinquennal depuis le remplacement de Serge Savard. Cinq directeurs généraux plus tard, la coupe reste un mirage.

Bergevin n’a pas modifié son mode d’opération, dans le sens où il continue de vouloir améliorer son équipe en refusant de faire des concessions substantielles. En l’espace de deux jours, il a ajouté à son organigramme cinq joueurs qui serviront à boucher des trous à court terme, comme il l’a fait si souvent depuis qu’il est en poste.

Est-ce que le Canadien forme une équipe mieux équilibrée en vue des séries éliminatoires, après l’ajout de quatre colosses mesurant au moins six pieds et deux pouces, dont le moins lourd pèse 210 livres? Un cinquième joueur, Steve Ott, est un agitateur reconnu. La réponse est évidemment affirmative.

Est-ce que l’équipe peut logiquement espérer battre Washington, Pittsburgh, Columbus, les Rangers et Minnesota dans une confrontation de sept matchs? Plusieurs n’oseraient pas parier leur maison là-dessus. Personnellement, je ne miserais même pas mon boyau d’arrosage.

Bergevin a sans doute eu du mal à trouver le sommeil depuis une semaine. Son état-major et lui avaient identifié les joueurs les plus susceptibles de faire une différence à Montréal. Or, où les demandes étaient démesurées pour un joueur d’impact, où il n’était pas question pour Bergevin de céder le moindre joueur ou choix de repêchage jugé essentiel pour profiter de la « fenêtre d’opportunité » qui s’offre à lui, où il ne disposait pas d’une assez grande marge de manoeuvre sur sa masse salariale.

Même si Bergevin dit n’attacher aucune importance à cette prétendue fenêtre, elle existe vraiment et elle est loin de s’agrandir avec le temps. Incapable de mettre la main sur un attaquant de niveau top 6 et de régler son grave problème au centre, la situation pèsera lourd sur les épaules de Carey Price si jamais l’équipe participe aux séries.

Chaque année, quand le Canadien rate le grand rendez-vous du printemps ou se fait éliminer très tôt en séries, le même reproche est adressé au directeur général. L’équipe est trop petite, sûrement pas assez lourde pour s’embarquer dans une bataille éreintante de quatre séries contre des adversaires qu’on a justement bâtis pour l’occasion. Bergevin y a travaillé cette fois. Dommage, cependant, que le poids obtenu ne représente pas le dixième du talent dont on avait besoin.

Ce qu’on a réussi à changer, c’est la physionomie des troisième et quatrième trios qui n’apportaient pas d’eau au moulin depuis trop longtemps. Ce qui ne veut pas dire que Steve Ott (6 pieds, 195 livres), Dwight King (6’4, 230) et Andreas Martinsen (6’3, 220) vont pouvoir mieux seconder les deux premiers trios à l’attaque. À trois, ils ont marqué 14 buts cette saison. Au mieux, ils pourront physiquement faire réfléchir l’adversaire. Bref, le Canadien est plus gros, mais il n’est pas vraiment meilleur.

Les Capitals croyaient avoir besoin de Kevin Shattenkirk pour gagner la coupe. Le Wild du Minnesota a voulu consolider ses chances d’aller jusqu’au bout avec l’acquisition de Martin Hanzal. Deux transactions justifiés quand on est de sérieux aspirants à la coupe. Bergevin, de son côté, ne pouvait pas se déculotter pour acquérir un de ces deux éléments car Shattenkirk ou Hanzal n’aurait pas permis au Canadien de se hisser au rang des organisations les plus puissantes. Il en aurait fallu davantage.

En définitive, la recette du Canadien reste la même. On entre en séries avec Carey Price et on prie pour que ce soit suffisant.

Coup de chapeau

C’était inévitable que David Desharnais poursuive sa carrière ailleurs. Il faut se réjouir de le voir se retrouver au sein d’une équipe dynamique qui est en plein développement. Ses talents de passeur lui permettront peut-être de se faire une niche à cet endroit. Il devient aussi une intéressante police d’assurance si jamais un centre des Oilers subit une blessure.

On a toujours su que Desharnais était fier de porter les couleurs du Canadien. On l’a vraiment senti dans son au revoir face aux médias. Sa remarque la plus significative, il l’a offerte quand on lui a demandé s’il avait exigé une transaction.

«Moi, je ne demande jamais rien quand j’ai le chandail du Canadien sur le dos», a-t-il dit.

Paul Byron et Torrey Mitchell sont des anglophones qui ont le mérite de s’exprimer en français, mais le départ de Desharnais laisse le Canadien avec un seul Québécois francophone dans la formation. Cela n’allègera pas les responsabilités de Phillip Danault qui aura des caméras dans la face quasi quotidiennement et qui devra effectuer des sorties publiques, chaque fois que l’organisation aura besoin d’un joueur qui parle la langue du peuple, dans ses opérations communautaires et de marketing.

On a souvent reproché à Marc Bergevin de lui avoir accordé un contrat de quatre ans évalué à 3.5 millions de dollars par saison. J’étais d’avis que c’était une bonne idée et je le crois encore. Pendant longtemps, on a eu la désagréable impression qu’on tenait les Québécois pour acquis. En accordant cette entente à Desharnais, on lui a témoigné qu’il était plus qu’un porteur d’eau.

Desharnais est arrivé de nulle part pour devenir le premier centre de l’équipe. Ce n’était peut-être pas la chaise idéale pour lui, mais s’il a joué ce rôle pendant quelques saisons, c’est sûrement parce qu’il n’y en avait pas de meilleurs que lui à ce moment-là.

C’est toujours désolant de voir partir des athlètes qui ont tout donné au Canadien parce qu’ils étaient fiers d’en faire partie.

Que le spectacle commence

Maintenant que la journée folle de l’année est du passé, on devrait s’amuser un peu plus demain soir avec la venue de P.K. Subban. Plus de 21 000 paires de yeux seront rivées sur lui durant le match. Il sera bien accueilli, on en doute pas. L’ovation, qu’il recevra quand la direction du Canadien aura la délicatesse de le saluer et de le remercier pour ses loyaux services, sera pleinement méritée.

Subban a mentionné qu’il ne sautera pas sur la glace avec l’intention d’offrir un spectacle, mais comment un «showman» aussi naturel que lui pourrait-il se priver de ce plaisir? Ses montées à l’emporte-pièce, ses coups de hanche qui ont fait pirouetter tant de rivaux et ses quelques buts réussis à la suite de manoeuvres spectaculaires sont encore très frais à la mémoire de ses fans.

On n’oublie pas pour autant les raisons qui ont incité le Canadien à effectuer cette transaction. Si c’était à refaire, Bergevin poserait le même geste. Il fallait calmer le vestiaire et on y est parvenu.

Néanmoins, Subban a été un gentilhomme en toutes circonstances. À son arrivée dans la Ligue nationale, il avait déclaré avoir deux objectifs: être reconnu comme un bon joueur et une bonne personne. C’est effectivement ce qu’il est devenu. À l’extérieur de la patinoire, malgré sa très grande visibilité et son statut de superstar, il n’a jamais placé le Canadien dans l’embarras.

Subban sera toujours un être différent. Quand il affirme être resté un ambassadeur du Canadien, il pousse la note à l’extrême. Après tout, il faut un certain cran pour se proclamer l’ambassadeur d’une organisation quand on est payé 9 millions $ par une autre.