Carey Price a fait le coup tellement souvent aux adversaires du Canadien cette saison que le Tricolore peut bien se faire prendre à son propre jeu de temps en temps.

Surtout que cela n’arrive pas souvent.

Si je me fie à mes notes accumulées depuis le début de la saison, Ondrej Pavelec avec ses 20 arrêts en première période et ses 39 réalisés au cours du match est devenu le troisième gardien seulement à servir un «Carey Price» au Canadien en 75 matchs cette année : Jhonas Enroth l’a fait deux fois en signant des victoires de 4-3 en tirs de barrage et de 3-2 aux dépens du Canadien qui avait pourtant dominé 44-26 et 34-18 les tirs au but ; Roberto Luongo l’a fait aussi en battant le Canadien 3-2 en tirs de barrage lors de sa dernière visite au Centre Bell le 19 février dernier. Luongo avait fait face à 39 tirs alors que ses Panthers avaient tiré 21 fois seulement sur Carey Price.

L’inverse est arrivé plus souvent. Beaucoup plus souvent. Mais voilà, l’auteur de ces vols favorisant le Canadien était assis sur le banc et non devant le filet hier alors qu’on a donné congé à Carey Price et le mandat de le remplacer à Dustin Tokarski.

Trop généreux

S’il est vrai qu’Ondrej Pavelec a été très bon, très spectaculaire et parfois très chanceux devant la cage des Jets, il est tout aussi vrai que Dustin Tokarski n’a pas été à la hauteur devant celle du Canadien.

Après deux périodes, Pavelec avait bloqué 30 des 31 tirs du Canadien. Après les deux mêmes périodes, Tokarski s’était montré très généreux avec trois buts accordés sur les 13 tirs seulement cadrés par les Jets.

Tokarski n’a pas été bon. C’est clair. Il a été très généreux sur le premier but alors que le tir de Dustin Byfuglien lui a traversé le corps. Oui Byfuglien a un tir frappé aussi lourd que le poids trop lourd du Canadien Devante Smith-Pelly. Mais personne ne voilait Tokarski. Personne ne convergeait vers lui pour le distraire un brin ou deux. Dans ces circonstances, il devait effectuer l’arrêt.

ContentId(3.1120944):Pavelec domine, Tokarski en arrache
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Il ne pouvait rien sur le deuxième but alors que Max Pacioretty a décidé de laisser la rondelle à David Desharnais devant le filet du Canadien, alors que Desharnais croyait que Pacioretty l’a prendrait. Pris de court, Desharnais s’est retrouvé dans les pattes de Jeff Petry qu’il a sorti du jeu avec une mise en échec. Quand ça va mal…

Tyler Myers a hérité de la rondelle dans le coin il a remis à Mark Scheifele seul dans l’enclave qui a marqué dans un filet désert.

Jim Slater a ensuite profité d’un retour accordé par Tokarski pour pousser la rondelle derrière lui avec la lame de son patin. Parce qu’il freinait et qu’il n’a jamais effectué de mouvement pour botter la rondelle, le but a été accordé. Si Tokarski avait été plus combatif sur le tir de Stempniak, il aurait mieux maitrisé ce retour et il n’y aurait pas eu de but.

Blake Wheeler a aussi traversé Tokarski ce qui a fait grimper à trois le nombre de cadeaux sur les cinq buts des Jets. Le 5e ne peut être imputé à Tokarski. Le tir initial a été bloqué devant le gardien du Canadien et la rondelle s’est retrouvée libre dans l’enclave d’où Adam Lowry a tiré dans une cage déserte.

Non seulement Tokarski a été généreux, mais il a permis aux Jets de répliquer rapidement aux deux buts du Canadien – le 9e de la saison d’Andrei Markov, un but marqué sur un tir anodin de la ligne bleue et le 23e de Brendan Gallagher – tuant dans l’œuf toute possibilité de remontée de son équipe.

Patiner dans le sable

Est-ce à dire que Tokarski est le seul responsable du revers du Canadien?

La réponse est non!

Après le match, Michel Therrien a décidé de défendre son équipe. Il a assuré que ses joueurs étaient prêts. Qu’ils avaient travaillé. Qu’ils s’étaient dressés contre la fougue des Jets qui ont dicté l’allure du match malgré la domination des tirs du Tricolore. Qu’ils avaient multiplié les tirs et les occasions de marquer, mais que tous ces efforts avaient été annulés par Pavelec.

Therrien n’a pas menti. Et à ce stade-ci de la saison, Michel Therrien aurait été bien mal avisé de planter ses joueurs après ce revers sans trop grande signification.

Mais le coach du Canadien n’a pas dévoilé toute la vérité non plus.

Car bien que le Canadien ait travaillé, il ne l’a pas fait avec assez d’efficacité. Et s’il est vrai que les Gallagher, Subban, Markov et De La Rose ont disputé des rencontres solides, beaucoup trop de leurs coéquipiers ont été éclipsés ou ont carrément patiné dans le sable pour qu’on puisse suivre le coach du Canadien les yeux fermés dans son plaidoyer visant à défendre son club.

Emelin et Petry – il a disputé plus de bons que de mauvais matchs depuis son arrivée d’Edmonton – ont connu une soirée très difficile à la ligne bleue. Leur différentiel de moins-4 le confirme d’ailleurs avec éloquence.

Malgré la passe récoltée par Desharnais – mise en jeu gagnée – sur le but de Markov, le premier trio du Canadien – avec Pacioretty et Parenteau – a été bien discret.

Gallagher a été fidèle à lui-même à la droite de Plekanec, mais sur le flanc gauche Galchenyuk a prolongé à 11 sa série de matchs consécutifs sans but. C’est long.

Dale Weise a été un brin meilleur que Devante Smith-Pelly au sein du troisième trio, mais pas deux.

Plus lent que lent, DSP a trouvé le moyen de ralentir Brandon Prust et Torrey Mitchell au sein du quatrième trio. S’il s’était imposé physiquement, s’il était venu en aide à ses coéquipiers plus petits qui se sont fait brasser toute la soirée par des Jets plus gros et tout aussi rapides – du moins jeudi soir – que les petits joueurs du Tricolore, on pourrait lui pardonner son manque de production. Mais avec une telle timidité sur la glace, il est impossible d’afficher quelque forme d’empathie que ce soit à l’endroit de DSP.

Il est même permis de se demander si le temps ne serait pas venu de lui faire sauter quelques matchs. Peut-être que cela le fouetterait et qu’à l’image d’un vieux piton ragaillardi par des effluves d’avoine frais, DSP retrouverait ses jambes en humant l’odeur des séries.

Le mot clef ici est peut-être…

Attaque passive

La défaite encaissée à Winnipeg n’empêchera personne de dormir dans le camp du Canadien puisqu’il est loin de mettre en péril ses chances d’accéder aux séries, voire de terminer au premier rang de sa division, peut-être même dans l’Est au grand complet.

Remarquez qu’à mes yeux les Rangers ont bien plus de chances de terminer premiers dans l’Est que le Tricolore. Mais vous n’êtes pas obligés d’être d’accord.

Sauf que ce revers donne à réfléchir.

Il confirme que sans Carey Price en pleine possession de ses moyens, les chances de victoire du Canadien en séries fondent au même rythme que la neige depuis quelques jours.

Il confirme aussi la très grande timidité de l’attaque massive du Tricolore. Une timidité qui doit commencer à inquiéter Michel Therrien. Si elle ne l’inquiète pas déjà depuis un moment.

Le Canadien a bousillé ses quatre attaques massives hier. Il a obtenu une occasion, peut-être deux lors de ses huit minutes passées à cinq contre quatre.

C’était la 53e fois en 75 matchs cette saison que l’attaque massive du Canadien était blanchie. Lors des 15 derniers matchs, le Canadien n’affiche que trois buts en 36 occasions pour une efficacité anémique de 8,3 %.

Vrai que les unités spéciales fonctionnent par séquences.

Mais voilà, la plus longue séquence de matchs consécutifs avec au moins un but en attaque massive est de trois (5 buts en 12 occasions) chez le Canadien cette saison. Sa meilleure séquence est de quatre matchs en cinq avec au moins un but en avantage numérique : séquence de 8 buts en 23 occasions (34,8 %).

Quand tu formes un club rapide et petit, quand tu pousses les adversaires à écoper des pénalités à tes dépens, tu dois leur faire mal en attaque massive de façon à réduire leurs ardeurs. Sans quoi, ils te frapperont rondement et souvent.

Ce que les Jets ont fait allègrement hier.

Frappé rondement encore hier, le Canadien n’a pas su répliquer aux assauts des Jets. Cette anémie de l’attaque massive a autant contribué au revers du Canadien que la générosité de Tokarski.

Et une fois en séries, si le Canadien n’arrive pas à freiner les ardeurs de ses adversaires avec des buts marteaux lors d’attaques massives, il exigera encore des miracles de son gardien pour s’offrir des chances de gagner.

Souhaitons au Canadien et à ses partisans que ce gardien soit Carey Price, car à la lumière de sa deuxième moitié de saison, Dustin Tokarski n’a pas ce qu’il faut pour donner, soir après soir, des chances réelles de gagner à son club.