Je ne voudrais pas être naïf, mais entre vous et moi, j'ai du mal à imaginer les Sénateurs sortir gagnants de la série qui s'amorce ce soir.

Je sais, je sais, chacune des 16 formations impliquées dans ces séries est susceptible de passer à la ronde suivante. J'ai été témoin de plusieurs revirements aussi inattendus que spectaculaires durant mon modeste parcours de plus de quatre décennies. Qu'il suffise de rappeler la victoire impensable du Canadien contre les super-puissants Bruins de Boston en 1971. Le genre de revirement qui devrait d'ailleurs m'inciter à la plus grande des prudences dans le cas présent.

ContentId(3.1127317):De quoi doit se méfier Price?
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Les Sénateurs sont sur une lancée remarquable. Ils sont extrêmement confiants. Ils ont déniché leur homme miracle, peut-être leur sauveur, en Andrew Hammond. C'est ce qu'ils croient, sans doute. Déjà que d'y croire est une source de réconfort de première importance pour les athlètes.

Mais on est tous d'accord pour affirmer que Hammond n'est pas Carey Price. Il n'est pas Pekka Rinne, pas Braden Holtby, pas Corey Crawford et pas Jonathan Quick qui, pourtant, est déjà éliminé. Il est un gardien sorti de nulle part qui surfe sur un nuage, probablement à son propre étonnement.

Néanmoins, s'il n'endossait pas l'uniforme des Sénateurs en ce moment, les partisans du Canadien ne seraient pas aussi inquiets. Mais d'un autre côté, s'il n'était pas dans la formation des Sénateurs, cette équipe serait déjà en vacances. Or comme il est là et qu'il est plutôt dérangeant, on va s'arrêter un instant sur ce curieux personnage.

Sans lui manquer de respect, si cette série devait se jouer dans les buts, on devrait parler d'un affrontement inégal entre deux gardiens qui ne sont pas dans la même ligue. Price est considéré comme le joueur numéro un de la Ligue nationale, devant Sidney Crosby et tous les autres, et Hammond est une recrue de 27 ans dont la carrière n'allait nulle part dans la Ligue américaine avant son rappel.

ContentId(3.1127036):La saison de Price en 75 secondes
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Hammond doit son statut de héros à un concours de circonstances. Il a été rappelé en désespoir de cause quand les deux gardiens réguliers, Craig Anderson et Robin Lehner, ont subi des blessures. Son arrivée au sein d'une équipe déjà en difficulté allait provoquer l'effondrement des Sénateurs, se disait-on. Toutefois, comme les Sénateurs se dirigeaient déjà vers une exclusion quasi certaine des séries, la présence de Hammond dans le décor s'avérait un moindre mal. Comme c'était un peu perdu d'avance, on ne voyait pas comment il pouvait faire une différence.

Croyez-vous en ses chances de vaincre le Canadien? Pour mieux juger du réalisme de la situation, on va comparer le statut des deux gardiens.

Dans le c.v. de Price

- Repêché au 5e rang dans la Ligue nationale.

- Médaille d'or au championnat mondial junior.

- Nommé le gardien junior par excellence au Canada.

- Coupe Calder (championnat dans la Ligue américaine).

- Joueur le plus utile de la coupe Calder.

- Médaille d'or aux Jeux olympiques.

- Gagnant quasi assuré des trophées Vézina et Hart.

- Gagnant du trophée Bill Jennings.

- Il a participé à trois matchs des étoiles.

--Expérience des séries: 24 matchs dans les rangs juniors, 22 dans la Ligue américaine et 42 dans la Ligue nationale. Total: 88 parties dont plusieurs disputées sous une pression énorme.

Dans le c.v. de Hammond

Rien. Zéro. Zip. Page blanche.

- N'a jamais été repêché.

- N'a mérité aucun honneur individuel.

- N'a pas disputé un seul match des séries éliminatoires, que ce soit dans la ligue British Columbia, au niveau universitaire ou professionnel.

Faites vos jeux maintenant en gardant en tête que le Canadien représente aussi la deuxième meilleure équipe de la ligue et que les Sénateurs viennent au 14e rang.

Ce soir, jamais dans sa carrière cahoteuse, Hammond n'aura pris place devant un filet dans une ambiance aussi survoltée et devant une aussi grosse foule. Son système nerveux sera éprouvé. Comment réagira-t-il? Même s'il a l'impression d'avoir livré quelques performances dignes des séries au cours des dernières semaines, rien ne sera comparable à ce qu'il a vécu jusqu'ici. Il a sauvé la peau des Sénateurs depuis une vingtaine de parties. Il devra maintenant les garder en vie. Pas une mince tâche.

« Hammond représente l'une des plus belles histoires de la saison dans la Ligue nationale. Souhaitons que ça reste une belle histoire de la saison régulière », a fait remarquer Pierre-Alexandre Parenteau qui profitera ce soir du bain de foule dont il a souvent rêvé en grandissant à une vingtaine de minutes du Centre Bell.

Son expérience des éliminatoires dans la Ligue nationale se limite à une série de sept matchs avec le Colorado l'an dernier, série perdue de justesse à la fin du match ultime contre Minnesota.

Il sait à quel point ce sera fou au cours des prochaines heures. Il était dans les gradins, grâce à des billets offerts par David Desharnais, pour le match inaugural de la série Canadiens-Rangers, le printemps dernier. À 32 ans, il jouit d'un vécu professionnel qui devrait lui permettre d'être utile dans les séries.

« Rendu là, une expérience de 20 ou de 30 ans ne fait pas de différence, ajoute-t-il. J'ai confiance entre notre gang. Carey est notre meilleur joueur. On va le suivre. Ce n'est pas n'importe qui, c'est notre chef. » Pas de revanche Au cours des deux derniers jours, on est revenu avec les joueurs du Canadien sur la série précédente entre les deux équipes qui s'est soldée par une humiliante élimination en cinq matchs au cours de laquelle Carey Price, Brian Gionta, Brandon Prust, Ryan White et Lars Eller, qui s'est fait assommer dès le départ, ont été blessés.

Le Canadien a été battu par un gardien, Craig Anderson, dont la performance a été époustouflante, mais c'aurait été beaucoup demander que d'espérer une victoire quand Peter Budaj a perdu ses deux matchs en relève de Price.

Cette série a aussi été marquée malheureusement par le comportement désagréable de l'ex-entraîneur Paul MacLean qui s'est plu à ridiculiser les joueurs du Canadien et à déconcentrer Michel Therrien. Bref de très mauvais souvenirs à chasser de son esprit avant de les affronter à nouveau.

En insistant sur la charge vicieuse d'Eric Gryba, qui a sorti Eller de la patinoire dévisagé et à demi-conscient, on a voulu savoir des joueurs actuels s'il y avait un sentiment de vengeance dans l'air. Inutile d'insister là-dessus, cela n'arrivera pas.

Il a coulé beaucoup d'eau sous les ponts depuis. Quinze joueurs des Sénateurs ont participé à la série de 2013 comparativement à 10 seulement pour le Canadien. On est passé à autres choses depuis longtemps. Le Canadien veut écarter les Sénateurs pour une seule raison: passer à la série suivante, avec ou sans Max Pacioretty.

On est encore en plein brouillard concernant sa blessure, mais si jamais le meilleur marqueur de l'équipe a subi une commotion cérébrale, il n'a pas d'affaire dans cette série. J'espère qu'on ne prendra pas le risque d'hypothéquer la carrière d'un athlète doué de 25 ans dans le but unique de gagner une série.

Prédiction: Canadien en 6

Grâce à Jarome Iginla

Carey Price a appris très tard durant le dernier soir de la saison qu'il allait partager le trophée Bill Jennings, attribué au gardien dont l'équipe a accordé le moins de buts, avec Corey Crawford, des Blackhawks. Il doit cet honneur à Jarome Iginla, de l'Avalanche, qui a déjoué Crawford avec 34 secondes à jouer dans la saison. Le gardien des Hawks est donc passé à 34 secondes près d'être l'unique détenteur du Jennings.

Patrick Roy et Martin Brodeur ont gagné chacun cinq trophées Jennings, un record.