C’est Pierre Lapointe, le frère de Guy, qui m’a un peu dicté l’allure de cette chronique. Dans le salon des anciens, au Centre Bell, après le match de samedi et à la suite de l’émouvante cérémonie du retrait du chandail de son frère, il revenait sur certains moments vécus sur le tapis rouge avec les autres membres de la famille. Il était particulièrement intéressant de l’entendre parler de la montée de la bannière, le seul moment où Guy a craqué et n’a pu retenir ses larmes.

« J’ai aussi remarqué les yeux mouillés de P.K. Subban et le moment où son regard et celui de Guy se sont croisés. C’était vraiment particulier », de dire celui qui est très proche de son frère.

Je ne sais pas combien de fois au cours de la dernière semaine j’ai entendu des collègues et des amateurs de hockey établir un parallèle entre le style de jeu et les statistiques exceptionnelles de Guy Lapointe et celui et celles de P.K. Subban. Et ma foi, indéniablement, il y a des similitudes fort intéressantes, même si la carrière de Subban n’a pas encore les assises de celle de Lapointe. Ce dernier, au cours de nos différentes entrevues, a répété à plusieurs reprises comment il aimait se porter à l’attaque, à quel point il adorait être part intégrante de cette machine offensive qu’était le Canadien de l’époque. Pas pour rien qu’il a récolté 28 buts en 1974-1975, qu’il en a marqué plus de 20 à trois reprises, qu’il en a inscrit 59 sur le jeu de puissance et qu’il a atteint ou dépassé la barre des 75 points à deux occasions. Lapointe était aussi un joueur intense, qui ne reculait devant personne et qui a dépassé les 100 minutes de pénalité à deux occasions. Mais Lapointe était aussi un joueur « à risque » dont les audaces étaient parfois responsables de certaines de ces pénalités et qui obligeaient ses partenaires plus prudents, comme Serge Savard, à surveiller davantage la zone défensive et à réparer certaines situations critiques issues du jeu de son coéquipier.

Au cours du match qui a suivi les cérémonies, P.K. Subban a joué de façon très intense, même si son nom n’apparaît pas au sommaire officiel de la rencontre. Un match au cours duquel il a passé plus de 26 minutes sur la patinoire, a décoché deux tirs au but, a été victime de quatre revirements, mais a aussi bloqué quatre tirs. Un match à la P.K., les points en moins, diront plusieurs! Lui qui disputera une 300e rencontre en carrière, mardi, a déjà 176 points en banque, marqué 45 buts dont 26 en supériorité numérique et a aussi passé plus de 400 minutes au banc des pénalités, pour toutes sortes de raisons dans son cas lui aussi. Subban dépasse régulièrement les 25 minutes de jeu par match, autre parallèle indéniable avec Lapointe, qui était aussi utilisé abondamment comme les deux autres membres du « Big Three ». Et Subban évolue maintenant avec Andreï Markov qui, lui aussi, vient parfois réparer les ambitions trop grandes de son jeune et talentueux coéquipier.

« On m'a pris par surprise »

Sans vouloir exagérer l’impact de la cérémonie de samedi dernier sur les jeunes joueurs actuels du Canadien et surtout en évitant toutes comparaisons boîteuses entre différentes époques, je ne peux m’empêcher de penser que si Subban cherchait un modèle à son image et à sa ressemblance dans la glorieuse histoire du Canadien, il l’a peut-être enfin trouvée en Guy Lapointe. Tiens, on pourrait même ajouter que les deux ont des personnalités semblables, qu’ils sont dynamiques, qu’ils aiment mordre dans la vie, qu’ils aiment rire et taquiner leurs coéquipiers, qu’ils ont un certain sens théâtral dans la vie en général. Je connais moins Subban, mais je suis convaincu qu’il est aussi, au fond de lui-même, un grand sensible, comme Guy Lapointe.

La notion du « passage du flambeau » est intimement liée à l’histoire du Canadien de Montréal. Elle est inscrite en grosses lettres dans le vestiaire de l’équipe, mais elle est souvent évoquée dans différentes situations. Elle se manifeste parfois concrètement et elle soulève alors beaucoup d’émotions, comme quand Ken Dryden a remis ce même flambeau à Carey Price avant le match d’ouverture à domicile, il y a quelques semaines. Elle est utilisée parfois à bon escient par les entraîneurs, comme l’a fait Michel Therrien samedi dernier, en invitant ses joueurs à ne jamais cesser de respecter le port du chandail du Canadien de Montréal.

Peut-être qu’il y a eu un « passage du flambeau » particulier samedi, au centre de la patinoire, quand s’est élevé le numéro 5 de Guy Lapointe vers les hauteurs du Centre Bell. Cette fois, ce n’est pas vraiment la flamme qui fut partagée entre deux joueurs talentueux de générations différentes. Ce furent plutôt quelques gouttes d’eau…