(ESPN.com) - Nous devons lever notre chapeau à Lou Lamoriello.

Personne d'autre que lui n'aurait pu faire du congédiement de son entraîneur chef - avec trois matchs à faire à la saison et 102 points en poche - la décision la plus logique au monde. C'est exactement ce qu'il a fait lundi en montrant la porte à Claude Julien, l'homme qu'il avait choisi l'été dernier pour succéder à… lui-même.

On ne sait pas s'il a été inspiré par son sixième sens ou par quelconque rêve prémonitoire, mais Lamoriello ne semble avoir aucun doute qu'il a fait ce qu'il fallait pour le bien de son équipe.

"La décision la plus facile aurait été de ne pas en prendre", a dit Lamoriello à ESPN.com dans les heures suivant le coup de théâtre.

Mais avec Lou, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Il sentait que son équipe ne se comportait pas comme une formation qui est établie comme deuxième favorite avant d'entrer dans les séries, alors il s'est assis avec Julien lundi matin et lui a dit que son temps était écoulé.

"Je ne dirais pas que c'est une décision difficile parce que c'est la bonne", a-t-il dit, convaincu.

"Il a dû faire quelque chose qui n'a pas plu à Lou", n'a pu que constater une source proche de l'organisation des Devils, en parlant de Julien.

Lamoriello insiste pour dire qu'il n'y a aucune rancoeur entre lui et son ancien entraîneur. En fait, Julien demeurera dans l'entourage de l'équipe dans un rôle qui n'est pas encore défini.

Plusieurs observateurs notent qu'aucune équipe n'est plus respectée que les Devils à travers la LNH pour leur dévouement à bâtir leur structure autour du travail d'équipe. C'est la façon de travailler qu'a implantée Lamoriello quand il a été nommé directeur général en 1987. Mais ils ajoutent que le patron n'en échappe pas une et que tout le monde marche sur des œufs de peur de ne plus être dans ses bonnes grâces.

Et voilà qu'aujourd'hui, Claude Julien, qui a su livrer la marchandise malgré des blessures à John Madden, Patrik Elias, Brian Gionta et Scott Gomez, n'a plus d'emploi.

Une touche d'ironie? Pendant que les Devils se débarrassaient sans difficulté des Bruins de Boston dimanche, Dave Lewis recevait l'assurance qu'il serait de retour à son poste l'an prochain.

Lamoriello a juré qu'il n'avait rien de personnel contre Julien et que sa décision en était purement une d'affaires. Si c'est bien le cas, Lou a lui aussi des comptes à rendre. C'est lui qui a mis son équipe dans un pétrin financier en donnant des contrats insensés à Vladimir Malakhov, Dan McGillis et Alexander Mogilny. Cette saison, Julien a souvent dû composer avec des alignements réduits à cause des contraintes du plafond salarial et ne pouvait se permettre de donner congé à Martin Brodeur parce que son patron ne pouvait pas se payer un auxiliaire décent.

Lamoriello n'a pas voulu entrer dans les détails lorsqu'on lui a demandé d'expliquer ce qui lui a fait passer à l'acte alors que les séries sont si près, mais il est facile de deviner que l'atmosphère entourant son équipe ne lui plaisait pas. Au lieu d'attendre qu'il soit trop tard, Lamoriello a suivi son intuition et a bougé, comme il l'avait fait en 1999-2000 en congédiant Robbie Ftorek pour le remplacer par Larry Robinson. Les Devils avaient par la suite gagné la Coupe.

Un ancien de l'organisation des Devils m'a déjà dit que le talent n'était pas une priorité pour Lamoriello et qu'il préférait les joueurs un peu moins habiles mais plus intelligents, qu'il pouvait façonner à son image. On peut dire la même chose du personnel qui gravite autour de l'équipe.

Malgré les blessures, les Devils sont considérés parmi les équipes favorites dans l'Association Est parce qu'ils ont développé l'une des qualités les plus rares : une mentalité de gagnants. Ils n'ont peut-être pas le punch en attaque des Sénateurs ou des Sabres et leur brigade défensive a déjà été plus intimidante, mais ils savent comment gagner.

La décision de Lamoriello place son équipe sous les projecteurs au moment le plus crucial de la saison. Si les Devils passent au moins la première ronde, la preuve sera faite qu'au New Jersey, ce n'est pas tant la personne qui est derrière le banc qui importe, mais le système et la mentalité qui transpirent du vestiaire.

Par contre, si les Devils sont sortis au premier tour, Lamoriello devra faire face à la musique puisque la nouvelle LNH ne lui permettra peut-être plus de mettre la main sur le genre de joueurs qui ont fait le succès de son organisation.

Seul le temps nous dira si le congédiement de Julien n'est que le premier d'une série de pas dans la bonne direction pour les Devils ou une mauvaise nouvelle qui en engendrera d'autres pour les partisans de l'équipe.