En fin de compte, il y aura du hockey de la LNH cette saison.

Je ne sais pas si j'ai envie de rire, de pleurer ou de vomir devant l'absurdité de la situation. Les deux parties sont sorties de leur tanière dimanche matin après une séance de négociations de 16 heures qui a permis de conclure une entente de 10 ans en vue d'un calendrier de 48 ou 50 matchs qui s'amorcerait dans environ deux semaines.

Ce que nous savons, c'est que ça prendra bien plus que quelques banals mots teintés de remords peints sur les patinoires de la LNH pour que les amateurs oublient cette démonstration titanesque de cupidité et d'entêtement.
À moins que la ligue soit prête à se montrer brutalement honnête en admettant que « Oui, nous sommes vraiment aussi stupides, merci de le demander », elle ferait mieux de simplement se taire. « Redonnez simplement leur sport aux partisans et disparaissez » est le sentiment qui fait écho un peu partout sur la planète hockey.

Cette nouvelle convention collective fraîchement signée, bien qu'elle n'a pas coûté une saison entière, a coûté près de la moitié de celle-ci, la Classique hivernale à Detroit, le Match des étoiles à Columbus, sans oublier une bonne dose de crédibilité des deux côtés de la clôture, mais personne ne connaît exactement la sévérité des dommages.
Un exécutif qui possède beaucoup d'expérience dans le milieu ainsi qu'une collection de prix individuels et collectifs importante avançait récemment que de ramener les fans serait une « bataille ».

« J'espère que tout le monde est conscient de tout le travail que nous avons devant nous lorsque nous recommencerons à jouer, avait-il déclaré à ESPN il y a quelque temps. Nous avons une réputation à refaire, les gens sont très déçus de nous. Nous devrons travailler d'arrache-pied pour les encourager à revenir dans les arénas. »

Paul Swangard, un gourou du marketing au Warsaw Sports Marketing Center de l'Université d'Oregon, est d'accord pour dire que la stratégie du « laissons-les jouer » en est une bonne.

« Je crois que la ligue laissera à chaque équipe le soin de délivrer sa stratégie marketing en fonction de son marché, a-t-il déclaré peu après que l'entente ait été signée. Les amateurs blâmeront, je l'espère, la ligue plutôt que leur équipe locale. »

La suite demeure encore un peu floue étant donné que des détails restent à être peaufinés avant que l'entente ne soit officiellement ratifiée par les deux parties. Il reste par exemple à déterminer à quel moment les camps d'entrainement puis les matchs débuteront, soit le 15 ou 19 janvier, tout dépendant de la durée de la saison qui serait de 48 ou 50 matchs.

La courte durée de la saison est tout de même une bénédiction puisque les fans - du moins ceux qui n'ont pas été totalement aliénés par le conflit de travail - seront rapidement embarqués dans la course aux séries, la date limite des échanges, etc.

Swangard croit que la ligue et les organisations doivent tracer une bonne ligne entre les excuses, qui ne ferait qu'enrager davantage les fans déjà désabusés, et le fait d'être conciliant et compréhensif par rapport aux dommages portés à leur relation avec eux. « Les amateurs sont assez intelligents et passionnés, ils comprennent ce qui se passe. »

Faire l'évaluation des dégâts n'est qu'une petite partie du défi auquel doit faire face ce sport qui ne cesse de se tirer dans le pied. Réparer la casse est une étape cruciale.

Comment une ligue et ses joueurs doivent-ils s'y prendre afin de retrouver la formule gagnante qui leur a permis d'engranger des revenus record lors de chacune des cinq dernières campagnes? Est-ce possible ou est-ce que les failles profondes dans la stratégie de négociations de la ligue rendent la chose impossible?

Il y a sept ans, il avait fallu racheter la perte d'une saison entière, mais le lock-out avait au moins mené à une nouvelle formule, à de nouveaux règlements, à la promesse d'un produit plus rapide et intense sur la glace, question de mettre en valeur les Sidney Crosby et Alexander Ovechkin sur qui la ligue fonde ses espoirs de succès.

Cette fois, le scénario est beaucoup plus confus et les sentiments des amateurs nettement plus mitigés, en grande partie parce que les choses allaient pourtant si bien à de nombreux égards. On anticipait que les revenus de la ligue soient de 600 millions de dollars cette saison, soit 220 millions de plus que lors de la saison 2005-2006 qui a suivi le lock-out, et les profits d'opérations devaient atteindre les 470 millions, c'est-à-dire 160 millions de plus.

Lors d'une présentation faite par des exécutifs dans le clan des propriétaires et des joueurs avant le lock-out, on expliquait de quelle façon la ligue prévoyait engranger des revenus supplémentaires de 300 millions au cours des trois années suivantes. Le message envoyé l'été dernier était clair : les choses vont bien, n'allez pas foutre le bordel.

Peu après cette présentation, la ligue mettait ses joueurs en lock-out pour une troisième fois sous l'ère Gary Bettman.
C'est le moment de vous cogner la tête contre le mur en guise de dégoût et de consternation. Maintenant, prenez deux aspirines.

Le hic pour la LNH est que ce lock-out fera en sorte qu'il sera difficile, voire même impossible dans le pire des cas, de rebâtir les relations qu'ils avaient auparavant établies sur le plan des affaires afin d'accroître les revenus. Je parle ici des commanditaires et partenaires, qui ont investis du temps et de l'argent dans la LNH et autres évènements de marque tels que la Classique hivernale et le Match des étoiles, et à qui on avait dit que les négociations ne seraient pas un problème. La plupart se sont déjà commis ailleurs. Par exemple, McDonald's (aux États-Unis) devait être un partenaire clé en s'associant à la LNH pour la Classique, le week-end des étoiles et cie, mais elle s'est finalement tournée vers la NFL lorsque le lock-out s'est déclenché.

Il faudra aussi s'entendre avec les divers distributeurs et là où le service NHL Network est offert (s'il l'est effectivement).
Ce qui est d'autant plus époustouflant, c'est qu'avant le lock-out, la LNH avait fait part de résultats d'études démontrant que le circuit se comparait dorénavant à des évènements d'envergure comme le March Madness dans la NCAA et le Final Four sur le plan de la reconnaissance chez les amateurs. Un sondage sur ESPN.com démontrait aussi que les amateurs de hockey, plus que tous les autres amateurs de sports aux États-Unis, croyaient que les meilleurs jours de leur sport favori étaient devant eux.

Un des objectifs de la ligue était d'accroître la présence et la médiatisation de la LNH dans l'ensemble du Canada pour en faire une force rassembleuse au pays. Qu'en est-il de ce plan maintenant?

La question est donc d'établir comment réparer les dommages causés et de savoir qui devrait payer pour les lacunes évidentes de la ligue dans sa manière de négocier avec ses joueurs. Ces questions ne proviennent pas seulement des détracteurs de Bettman à l'extérieur du cercle restreint de la LNH, mais aussi à l'intérieur même.

Dans la plupart des entreprises, lorsqu'arrive un évènement aussi dramatique, ce sont de hauts dirigeants qui paient habituellement la note en perdant leur emploi. Ceci est le troisième lock-out sous la gouverne de Bettman. C'est donc un échec qui lui revient, à lui, à de hauts placés ou bien au groupe de propriétaires qui sont essentiellement ses « patrons » en ce sens que ce sont eux qui doivent lui attribuer le bon mandat.

À bien y penser, peut-être y a-t-il un slogan qui mériterait sa place sur la glace des arénas de la LNH. Pourquoi pas « Plus jamais »?