-Non Obélix !
-C'est pas juste, moi aussi je veux de la potion magique !

La réponse était toujours la même, Obélix ne pouvait avoir de potion magique parce qu'il était tombé dedans étant petit ! Mais la force et la puissance d'un Obélix ou la vitesse d'un Astérix ne sont pas des cadeaux du ciel dans la vraie vie, ils se développent grâce à des années de travail ardu et de discipline.

Julien Gauthier est certainement tombé dedans quand il était petit. Et on ne parle pas ici de potion magique, mais plutôt de la culture de l'entraînement physique et d'un bagage génétique intéressant. S'il a été capable de gravir les échelons du hockey jusqu'à la LNH, c'est parce qu'il a toujours travaillé extrêmement fort pour atteindre ses objectifs, mais aussi parce que son père Martin lui en a enseigné beaucoup sur le développement musculaire de son corps, pour devenir l'athlète qu'il est aujourd'hui.

«Avec mon père, c'est intense les entraînements qu'on fait !» souligne Julien, assis aux côtés de son père dans une entrevue réalisée via Skype.

Et pour cause, développer des muscles, c'est la grande force de Martin Gauthier. Fils de culturiste, Martin a suivi les traces de son père, accédant même au titre de Monsieur Canada, en 1984.Martin et Julien Gauthier

«Mon père avait des salles d'entraînement à Saint-Jean-sur-Richelieu et Montréal. J'ai tout le temps été trempé là-dedans. Dès l'âge de 10 ans, j'allais au gym, se souvient Martin. J'ai commencé plus sérieusement à l'âge de 14 ans et j'ai participé à des concours de culturisme. J'ai aussi fait des études dans le domaine de la santé, je suis chiropraticien. »

Il était donc tout naturel pour Martin de donner au suivant pour enseigner à son fils les bénéfices d'un mode de vie sain, jumelé à de bonnes méthodes d'entraînement.

«Julien a compris ça très jeune, ça a été facile. Il s'entraîne énormément et c'est un très bon élève. »

C'est donc vers l'âge de 9 ans que Julien a commencé à s'entraîner sur le plan musculaire, une étape à la fois.

Il faut que ce soit fait intelligemment, souligne Martin. Je n'ai pas demandé à un petit gars de 9 ans de lever 300 livres au bout de ses bras ! Mais je lui ai montré des exercices reliés au sport qu'il pratiquait. Un jour il s'est aperçu qu'il était plus vite et plus fort que les autres. »

«Il ne m'a jamais obligé, mais il m'a dit que si je voulais atteindre le niveau professionnel au hockey, il fallait que je fasse les choses différemment des autres, se souvient Julien. Je l'ai écouté et en vieillissant, le niveau de compétition a grandi et les sacrifices à m'imposer aussi. C'est un mode de vie, c'est toujours un combat contre les poids pour t'améliorer et les résultats sont vraiment agréables. »

Julien reçoit souvent des messages de coéquipiers qui ont été inspirés par ses efforts en gymnase. Il raconte aussi avec le sourire que les préparateurs physiques de ses équipes de hockey ont toujours été ses meilleurs amis ! Pendant la saison de hockey, Julien est l'un des seuls joueurs de son équipe qui continue l'entraînement avec des poids, à raison d'une vingtaine de minutes après les séances sur glace. Cela lui permet de garder sa puissance bâtie pendant la saison morte. Certains joueurs finissent par en perdre pendant la saison.

«Ils respectent les gars qui s'entraînent fort. Les autres joueurs te voient et cela a un effet d'entraînement. Dans mes équipes, les gars me disent souvent qu'ils veulent s'entraîner avec moi. »

«Mais ils ne sont pas capables de suivre ! » ajoute Martin du tac au tac, avec le regard rempli de fierté envers son fils.

Évidemment, l'entraînement de Julien n'est pas uniquement basé sur la levée de poids, comme il n'est pas seulement constitué méthodes d'entraînement reliées spécifiquement au hockey ou en faisant seulement du vélo stationnaire ou de la course. Il s'agit d'un ensemble d'exercices qui sont mis en place pour bâtir un athlète complet.

«C'est certain qu'au hockey, il y a des exercices spécifiques, des exercices pour travailler le jeu de pieds ou en position de patinage, avec une charge au niveau du bas du dos par exemple. Mais il faut développer la base, les muscles des cuisses, des fessiers ou des ischio-jambiers, souligne Martin. Au hockey, les muscles qui sont les plus sollicités se situent sous la poitrine et en haut des genoux, mais tu dois être complet. Tu ne peux pas seulement avoir de grosses jambes et te disloquer une épaule dès que tu reçois une mise en échec. Il faut un équilibre. C'est donc important de travailler les muscles des épaules, ou les stabilisateurs des omoplates ou des pectoraux, par exemple. »

«Je dis souvent à Julien qu'un joueur qui est plus grand et gros est plus dur à développer. Mais quand un gros devient bon, à talent égal, il va battre un plus petit. Il est plus fort, plus grand, plus vite et il développe une plus grande puissance. Il y a des exceptions, c'est certain, mais règle générale, c'est ce qu'il arrive. »

«Mon père m'a toujours dit de pratiquer mes habiletés, ajoute Julien. Je fais des exercices pour développer la vitesse de mes mains tous les jours et je tire environ 1000 rondelles par semaine. En jumelant le tout, les résultats sont venus. J'ai toujours été un bon joueur, mais surtout, je ne plafonnais jamais. La force, la vitesse, les mains, c'est un mode de vie pour moi et je n'ai jamais voulu m'arrêter. J'encourage beaucoup les gens à le faire. Des fois, on peut sentir qu'on plafonne, mais quand on s'entraîne on peut toujours s'améliorer. On peut toujours ajouter du poids pour être meilleur. Je joue au hockey, mais je suis construit comme un secondeur au football ! Il y a d'excellents joueurs dominants dans la LNH qui ne font pas du tout ce que nous faisons sur le plan de l'entraînement et c'est parfait, mais pour MOI, c'est la formule qui a marché. »

Briser les mythes

Pour Julien, la recette a très bien fonctionné jusqu'à présent et il se sent très à l'aise dans cette façon de faire qui lui permet de s'améliorer chaque année. Et malgré sa charpente de 6 pieds, 4 pouces et 230 livres, il ne faut pas croire qu'il a négligé les choses sur le plan cardio-vasculaire.

«Certains entraîneurs au niveau junior trouvaient que Julien s'entraînait trop comme un culturiste. L'année passée quand il a fait ses tests physiques, avec Charlotte, il a pulvérisé tout le monde et il a terminé en première place au niveau de la force cardio. Quand on voit un gars comme lui battre les autres sur le bicycle, on se dit qu'on a peut-être fait quelque chose de correct ! »

À une époque où les débats sont nombreux concernant le développement dans plusieurs sports plutôt que dans une seule spécialité, il est important de souligner l'importance de développer un athlète, plutôt qu'un joueur de hockey, de baseball ou de soccer. Martin Gauthier regrette également que plusieurs parents demeurent réfractaires quand vient le temps de développer les jeunes sur le plan musculaire. Il a souvent fait face à des commentaires dans le passé, mais il a gardé le cap, en se basant sur ce qu'il connaissait.

«On voit un jeune sur la glace qui fait des push-up ou qui tire son ami et on se dit que ce sera bon pour développer ses muscles. Mais si j'amène le jeune dans un gymnase et que je le couche sur un banc pour pousser un poids, on dit que c'est dangereux. Pourtant, ce sont les mêmes muscles ! souligne Martin. On a juste été mal éduqués. On nous a dit que si tu t'entraînes à un jeune âge, tu vas rester petit et que ce ne sera pas bon pour ta santé. C'est totalement faux ! La mentalité a changé avec les années, mais les parents vivent souvent avec une peur qui n'est pas fondée. »

«Je voyais mon rêve se détériorer »

Si l'histoire de Julien peut être perçue comme une recette à succès, elle n'a pas toujours été de tout repos. Sélectionné au premier tour par les Hurricanes de la Caroline en 2016, il a dû surmonter énormément d'adversité pour atteindre la LNH.Julien Gauthier

À ses premiers pas avec les Checkers de Charlotte dans la ligue américaine, il était employé de façon très limitée par l'entraîneur Mike Vellucci.

«Il a mangé son pain noir, se rappelle Martin.Martin et Julien Gauthier Il était un premier choix et il était assis sur le banc environ 55 minutes par match la première année. »

«J'avais deux choix, soit pleurer ou continuer à travailler. Chaque année, je revenais meilleur que la saison précédente au niveau hockey et de la force physique. Je me disais qu'ils ne pourraient plus m'ignorer. Je m'entraînais toujours dans le but qu'ils me feraient jouer, pour leur forcer la main. »

Julien a tout de même produit 16 buts à sa saison recrue, avant d'enchaîner avec une production de 27 buts la saison suivante.

«Je ne suis pas revenu beaucoup là-dessus, mais à un moment je pensais retourner à l'école. Je voyais mon rêve se détériorer, confie Julien. »

«Je lui disais de ne pas lâcher, on se parlait tous les soirs », se rappelle Martin.

Les choses ont pris un virage positif quand un changement d'entraîneur est survenu et que Ryan Warsofsky a pris la relève. Cet entraîneur adorait Julien et s'assurait de lui confier des tâches importantes.

«C'était un changement complet. Tout à coup, j'étais le joueur à qui on confiait la rondelle en avantage numérique et tout était centré vers moi. Avant son arrivée, je n'avais plus de plaisir à jouer au hockey. Je lui en dois beaucoup. »

Julien a été dominant avec les Checkers la saison dernière, alors qu'il a inscrit 26 buts en 44 matchs, avant de changer d'adresse. Le 18 février, les Rangers de New York ont fait son acquisition, en retour du défenseur Joey Keane.

«C'est le début d'une belle aventure, New York c'est tellement trippant. C'est mieux que tout ce que tu peux penser, » raconte Julien avec des étoiles dans les yeux.

Son père Martin est fier de voir que son fils est heureux, au sein d'une organisation qui s'occupe bien de lui et de voir que son nouvel entraîneur, David Quinn, n'hésite pas à l'encourager.

La première est au Centre Bell

Comme si la génétique de Julien n'était pas assez riche, rappelons que son oncle Denis a également évolué dans la LNH, avec les Flames, les Coyotes, les Flyers et les Kings. Réputé pour son jeu physique, Denis Gauthier a disputé 554 matchs dans le circuit.

Celui qui est devenu analyste hockey à RDS a d'ailleurs partagé un moment très particulier avec son neveu, lors du premier match de Julien au Centre Bell, le 27 février dernier. C'est Denis qui s'est chargé d'interviewer Julien au banc des joueurs lors de la séance d'échauffement. Un moment qui restera gravé longtemps dans la mémoire des membres de la famille !

«C'était vraiment spécial comme moment. Dès la première seconde que j'ai sauté sur la patinoire, les images se sont mises à défiler dans ma tête. Je me revoyais quand j'étais un petit gars qui allait voir jouer le Canadien. J'ai réalisé que je n'étais plus assis dans les gradins, que ma famille était là pour me voir jouer et que c'était à mon tour ! C'était quelque chose de gros. J'en parle et j'en ai encore des frissons ! »

Avec sa vivacité d'esprit, papa s'empresse de taquiner fiston en rigolant :
«J'ai déjà joué au Centre Bell pour une équipe de RDS et j'ai marqué un but ! Lui, il n'a pas encore marqué ! »

L'ambiance est bonne chez les Gauthier, malgré le fait que Julien est présentement privé de ce qu'il aime le plus faire dans la vie. Il est difficile d'être privé de sa passion,  mais on mise sur la situation pour continuer de travailler fort, en attendant d'avoir une mise à jour plus formelle concernant la suite des choses. Peu importe le scénario qui sera présenté par la LNH, on peut être certain d'une chose, Julien sera prêt physiquement lorsque la rondelle sera déposée sur la patinoire, parce que l'entraînement, c'est dans son ADN.