MONTRÉAL – Il faut beaucoup de persistance pour arracher une confession à Samuel Morin. Quand on mesure 6 pieds 7 pouces avant même d’avoir chaussé les patins, on apprend une multitude de façons de s’exprimer qui ne nécessitent pas l’usage de la parole.

Mais parfois, même la plus sincère modestie doit déclarer forfait devant l’irréfutabilité de la preuve.  

Morin a bien malgré lui mis le feu aux réseaux sociaux la semaine dernière au camp de développement des Flyers de Philadelphie, lorsqu’un panneau de la baie vitrée du complexe d’entraînement de l’équipe a éclaté sous l’impact de l’un de ses lancers frappés.

Il tentera de vous convaincre que c’était un concours de circonstances. Une rondelle bien placée sur une surface affaiblie, vulnérable. Ça aurait même pu vous arriver, finissez-vous par croire. Mais ses arguments connaissent éventuellement le même sort que sa transparente victime.

« Ouais, ok. C’était un bon petit shot », finit-il par avouer.

Morin a attiré l’attention lors de son deuxième passage au camp estival des Flyers, et pas seulement en raison de ce littéral coup d’éclat. Le choix de première ronde de l’équipe en 2013 s’est présenté au rendez-vous dans une forme splendide, ayant ajouté une dizaine de kilos à une silhouette déjà très imposante.

Et selon les observateurs, il ne s’est pas gêné pour se servir de son principal atout.  

Avec une expérience de trois années juniors dans ses bagages, Morin a pris la route de Philadelphie avec la bénédiction de Serge Beausoleil. Son entraîneur chez l’Océanic de Rimouski, préparé à la possibilité de ne pas revoir le pilier de sa brigade défensive à l’automne, a conseillé à son jeune protégé de poursuivre son rêve sans aucune retenue.

« Je lui ai dit que je ne voulais pas qu’il ait d’autre objectif que celui de faire l’équipe, raconte Beausoleil. C’est toujours ce qu’on demande à nos jeunes, qu’ils se dépassent. Un choix de première ronde qui dit ouvertement qu’il ne veut que vivre une belle expérience, je ne pense pas qu’il soit dans le bon état d’esprit. Samuel s’en allait là-bas pour impressionner. »

Morin, qui attire les comparaisons avec Chris Pronger, rêve de suivre les traces du méchant géant qui l’a accueilli sur scène après qu’il soit devenu le onzième joueur repêché de sa cuvée. Mais c’est entre les mains d’un autre ancien défenseur des Flyers, Kjell Samuelsson, que repose présentement son avenir.

Samuelsson, employé au sein du département du développement des joueurs des Flyers, est un tuteur idéal pour le spécimen de Lac-Beauport, jeune membre d’une impressionnante filière francophone qui a bourgeonné dans la Ville de l’Amour Fraternel. L’ancien défenseur suédois a écopé de 1225 minutes de pénalité en 813 matchs dans la Ligue nationale et du haut de ses deux mètres, il est l’un des rares à pouvoir regarder Morin droit dans les yeux sans avoir à fixer le ciel.

Samuel Morin« Kjell est venu nous voir à plusieurs reprises à Rimouski, confie Beausoleil. On a eu l’occasion d’aller manger ensemble, de jaser et de partager nos opinions sur bien des aspects du hockey. Il est même embarqué sur la glace pour quelques entraînements. C’est un gars qu’on a en haute estime et le courant passe très bien avec Samuel. »

Morin est évidemment trop jeune pour avoir vu jouer son professeur. Il avait 4 ans lorsque celui-ci a pris sa retraite après une carrière de 16 saisons dans la LNH, dont neuf avec les Flyers. Mais il a fait ses devoirs.  

« Je connais un peu son style. C’était un grand défenseur, mobile pour sa taille. Ça va dans mes cordes », résume l’espoir de 19 ans.

« On parle de plein d’affaires. Je veux m’améliorer, alors je pose beaucoup de questions. On travaille sur mon coup de patin, mes mains, mon jeu de position. Il m’apprend à bien placer mon bâton dans différentes situations. Il me donne des bons trucs, c’est sûr que c’est un bon mentor pour moi. J’ai pas mal le même style de jeu qu’il avait, alors c’est le match parfait. »

« Si on se souvient bien, Kjell n’était pas un gars qui faisait dans la dentelle. Ça colle très bien à Samuel », renchérit Beausoleil.

Morin croit avoir amélioré plusieurs facettes de son jeu au cours de la dernière année. Il patine mieux, son tir a gagné en vélocité et même s’il est conscient qu’on ne le remarque pas d’abord pour ses talents offensifs, il dit pris de l’assurance en possession de rondelle.

Son entraîneur corrobore. « Il était vraiment catalogué au niveau de la défensive, mais je pense qu’il est capable de se démarquer dans les deux sens de la patinoire. Il a un tir puissant. Son gros défi était et demeure de rester en contrôle dans ce qu’il fait et de ne pas essayer de trop en faire. »

À cet égard, Beausoleil a eu du travail à faire avec son jeune diamant, qu’il décrit comme « un gars bouillant, qui joue avec beaucoup d’intensité ». Morin, aux yeux de du coach, dosait mal ses énergies au retour de son premier camp professionnel et a eu besoin d’effectuer quelques ajustements pour se retrouver.  

« Quand tu essaies de dominer à tout prix, c’est facile de te faire prendre hors position. Or, le jeu de positionnement est la grande force de Samuel. Il a arrêté de jouer selon son identité et ça lui a pris quelques semaines avant de revenir à la base. C’était un passage obligé dans sa progression vers un autre niveau, ce qu’il a atteint par la suite. On a éventuellement retrouvé un bonhomme beaucoup plus aguerri. »

Morin passera le reste du mois de juillet à Philadelphie. Puis, au début août, il arrivera à Montréal pour participer au camp estival d’évaluation d’Équipe Canada junior, une escouade qui s’était débrouillée sans lui l’an dernier en Suède.

« Il le reconnaissait lui-même d’emblée, il ne jouait pas son meilleur hockey quand il est allé au camp d’essai, et même à la Série Subway. Mais je pense que cette année, c’est quelque chose de beaucoup plus intéressant et important pour lui », devine Beausoleil.

Et ensuite, ce sera le retour à Rimouski. À moins que...

« Je vis dans la présent et j’y vais étape par étape », se contente de dire Morin, qui laisse à son bâton le soin de passer les messages.