Ken Dryden est devenu si habitué de remporter des championnats avec le Canadien de Montréal que l'ancien grand gardien de but a de la difficulté à comprendre l'incapacité des équipes canadiennes à gagner la coupe Stanley.

« C'est bizarre », a réagi Dryden lors d'une entrevue téléphonique avec l'Associated Press, depuis son domicile de Toronto.

« Si vous retournez en arrière, de 1944 à 1979, les équipes canadiennes l'ont gagnée 24 fois ou quelque chose du genre. C'est tout simplement incroyable que ç'ait été le cas. Puis, depuis 1993, aucune fois. Il s'agit d'une étrange anomalie. »

Dans les faits, le total est de 27 pendant cette période de 35 ans, et Dryden en a gagné six dans l'uniforme tricolore entre 1971 et 1979.

Mais qui fait le décompte?

« Oui, c'est le temps », a ajouté le membre du Temple de la renommée. « Ça fait longtemps que c'est le temps qu'une équipe canadienne gagne. Et je pense que ce serait fantastique si ç'a se produisait. »

Et sur une patinoire canadienne, de surcroît.

Les séries éliminatoires de la LNH doivent se tenir exclusivement au Canada, avec des matchs prévus à Toronto et à Edmonton à compter de samedi. Ce sera la première fois depuis 1925 que toutes les parties éliminatoires se tiennent au nord de la frontière américaine, alors que Montréal, Toronto, Vancouver et Victoria s'étaient qualifiés.

Et pourtant, même avec six des sept formations canadiennes en lice cette saison, il n'y a aucune garantie que l'une d'elles soulèvera le précieux trophée pour la première fois en 27 ans, soit depuis que le Canadien a vaincu les Kings de Los Angeles en cinq parties.

La disette est si longue que Kieffer Bellows, un espoir de 22 ans des Islanders de New York, n'était pas né lorsque son père, Brian, a gagné la coupe avec le Tricolore.

« Nous en avons parlé à l'occasion », a raconté Bellows, qui a vu le jour au Minnesota, où sa famille gardait un pied-à-terre pendant l'entre-saison.

« Puisqu'il vient du Canada (mon père) va encourager Montréal. Il aura toujours une place spéciale pour eux dans son coeur. »

Si, jadis, une telle disette aurait perturbé le psychisme collectif d'une nation passionnée de hockey, on ne peut plus tenir un tel discours aujourd'hui. Dryden croit que le Canada est un pays beaucoup plus confiant en soi.

« Le Canada en 2020 est différent du Canada en 2000 ou en 1980 », affirme Dryden, tout en faisant remarquer à quel point les Canadiens ont craint de perdre une emprise sur le hockey à la suite d'expansions dans des marchés américains non traditionnels, incluant le transfert des Jets de Winnipeg en Arizona après la saison 1995-1996.

« C'est un endroit qui a acquis beaucoup d'assurance », estime Dryden. « Nous sommes bons dans plusieurs domaines et nous savons que nous avons créé quelque chose d'assez spécial ici. »

Le sport, jadis composé principalement de joueurs canadiens, réunit maintenant de nombreuses vedettes américaines et européennes.

On en a une preuve dans la lutte pour le trophée Hart, remis au joueur le plus utile à son équipe, dont les trois finalistes sont l'Allemand Leon Draisaitl, le Russe Artemi Panarin et le Canadien Nathan MacKinnon.

« Ces choses auraient pu nous ébranler, et peut-être que ce fut le cas, avoue Dryden. Mais je ne pense pas que ce soit encore vrai aujourd'hui. »

Bien sûr, Dryden espère que la disette se terminera. Mais il place le tout en perspective.

« Ça demeure un espoir profond, et merveilleusement attendu, mais je ne pense pas que ce soit plus que ça. »