En soulevant la coupe Stanley et le trophée Conn-Smythe, les Penguins de Pittsburgh et leur capitaine Sidney Crosby ont servi des leçons importantes au monde du hockey.

Quelles sont ces leçons?

Qu’il est dangereux, voire périlleux, dans le hockey d’aujourd’hui de sauter à des conclusions trop hâtives quant à la valeur réelle d’une équipe et d’un de ses joueurs. Surtout si ce joueur est membre de l’élite de la Ligue nationale de hockey.

Je crois toujours que Phil Kessel méritait davantage le trophée Conn-Smythe que son capitaine. Je crois même que Kristopher Letang l’aurait mérité plus que son ami Sidney.

Mais parce qu’aucun joueur ne se démarquait vraiment du reste de l’équipe, parce que Kessel partait avec deux prises sur les bulletins de vote de tous les collègues de Toronto, que Crosby était un choix quand même logique en raison de son statut, de son rôle de leader, de ce qu’il a accompli en séries même s’il n’a pas multiplié les points comme il l’a fait dans le passé et du fait qu’il ne l’avait pas encore gagné, le Conn-Smythe s’est retrouvé entre ses mains.

Sidney Crosby n’a pas volé ce trophée. Loin de là. Même qu’il couronne non seulement ce qu’il a accompli en séries, mais aussi tout ce qu’il a accompli en deuxième moitié de saison lorsque Mike Sullivan est venu lui rappeler qu’il avait le droit de s’amuser sur la patinoire au lieu de simplement s’y présenter comme il le faisait en début de saison sous les ordres de Mike Johnston.

On a lu et entendu bien des choses sur Crobsy et le fait qu’après avoir été LE joueur de la LNH il avait amorcé sa lente descente, mais descente quand même, vers des rôles moins flamboyants. Vers une déclassification d’exceptionnel qu’il était à très bon joueur qu’il était devenu. Du moins selon ce qu’on croyait.

Que non!

Crosby a prouvé qu’en étant un joueur différent sur la patinoire, il était encore parmi les exceptionnels du monde du hockey. Que si les Tavares, Toews, McDavid et prochainement Matthews l’ont rejoint au sein des centres élite de la LNH, ils ne l’ont pas encore dépassé! Encore moins chassé de ce groupe sélect.

Sidney Crosby a pris de l’âge et de l’expérience. Il a appris à composer avec les risques associés aux conséquences d’une prochaine commotion cérébrale. Tout ça est sans doute vrai. Mais ses performances en deuxième moitié de saison et celles qu’il a présentées en séries démontrent qu’en dépit de tous ses ajustements, Sid qui n’est plus un Kid est devenu grand et qu’il est en mesure encore de mener son équipe vers la victoire de plusieurs façons au lieu de simplement dominer ses adversaires comme il l'a fait à son arrivée dans la LNH.

Et ça c’est un plus pour le « petit gars » et son équipe.

Meilleurs ou plus complets? 

Parlant de son équipe : les Penguins de Pittsburgh forment-ils la meilleure équipe de la LNH?

Peut-être pas. Peut-être que les Capitals de Washington que Crosby et sa bande ont vaincus en deuxième ronde sont meilleurs. Peut-être que les Blackhawks de Chicago et les Kings de Los Angeles tombés dès la première ronde ou les Blues de St Louis le sont également.

Mais qu’ils soient meilleurs ou non, ce sont les Penguins qui se sont rendus jusqu’au bout. Et ils l’ont fait après avoir été sortis des séries à la mi-saison parce que leurs performances étaient nettement en deçà des attentes. Et c’est là le plus grand exploit des Penguins cette année. D’un club qui devait accéder assurément aux séries, les Penguins sont passés de club exclu à club qui devra se battre pour y accéder, à club qui pourrait surprendre une fois les séries arrivées à champion en titre de la coupe Stanley.

Méchante courbe de vie. Une courbe tout à l’opposé de celle du Canadien qui est parti de très haut pour finir bien bas. Comme quoi il est vrai que c’est lors des derniers « slows » qu’on reconnaît les vrais danseurs…

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Bien malin est celui ou celle qui peut assurer que les Penguins forment la meilleure équipe de la LNH. Ce que la saison et les séries ont toutefois prouvé, c’est qu’ils forment l’équipe la plus complète de la LNH.

La profondeur de cette formation et les moyens qu’a pris le directeur général Jim Rutheford pour trouver cette profondeur – je vous invite à lire la chronique de mon ami Bertrand Raymond sur le courage et le flair du DG des Penguins – et la faire fructifier grâce aussi à un changement d’entraîneur-chef aussi important qu’opportun ont joué un très grand rôle dans les succès des Penguins.

Pittsburgh était très bien nanti à l’attaque. Avec Sidney Crosby et Evgeni Malkin au sein des premier et deuxième trios, avec Phil Kessel au sein d’un troisième trio, on peut même dire que les Penguins avaient les mains pleines.

En prime, leur quatrième trio était solide et efficace. Capable d’éteindre les menaces ennemies et aussi de contribuer de temps en temps. Ce qui est essentiel pour mousser les chances de se rendre jusqu’au bout.

Parce que Crosby et Malkin attiraient beaucoup d’attention, parce que Kessel et les membres du troisième trio se sont élevés au rang de vedettes en fin de saison régulière et en séries, le quatrième trio et sa contribution sont passés dans l’ombre un brin ou deux.

Mais quand on parle aux dirigeants des Penguins, ils rappellent vite que si l’équipe a eu la chance de revenir dans la course aux séries en deuxième moitié de saison, c’est parce que le gardien Marc-André Fleury et le vétéran Matt Cullen ont gardé le club à flot lorsque les choses allaient mal en début d’année. Ce sont eux qui ont évité la catastrophe quand tout allait mal et ils sont passés dans l’ombre quand tout s’est mis à bien aller et à très bien aller une fois en séries…

Les Penguins ne sont pas les premiers à soulever la coupe Stanley avec un gardien inconnu comme rempart devant leur but. Mais bien qu’il soit impossible de dire si Matt Murray suivra les traces glorieuses de Ken Dryden ou celles moins glorieuses de Cam Ward, ce que je le jeune gardien a accompli est rien de moins que phénoménal.

Ce qui l’est plus encore, c’est que les Penguins, en plus de compter sur un gardien sans la moindre expérience de la LNH, ont protégé ce gardien vert avec une brigade défensive suspecte pour employer un terme poli.

Kristopher Letang a prouvé qu’il est l’un des meilleurs défenseurs de la LNH. Il a multiplié les présences, les minutes passées sur la patinoire et les exploits sur la glace. Autant à l’attaque qu’en défensive. Il a pris des chances, il s’est brûlé quelques fois, mais il s’est aussi toujours assuré de bien se reprendre. D’être là quand ça comptait pour vrai.

Letang a prouvé qu’il mérite sa place parmi les meilleurs arrières du hockey. Son absence de la brigade défensive au sein d’Équipe Canada en vue de la coupe du Monde est un non-sens bien plus difficile à comprendre que celle de P.K. Subban. Mais bon! On ne se lancera pas dans ce débat alors qu’il se prépare à défiler avec la coupe Stanley et ses coéquipiers dans les rues de Pittsburgh.

Derrière Letang, les Penguins pouvaient compter sur Trevor Daley. J’espère qu’on sera tous d’accord pour dire qu’en dépit de tout ce qu’il a offert aux Penguins, Daley n’est pas un membre de l’élite de la LNH. Il est un solide arrière. C’est vrai. Il est bon pour relancer l’attaque, il est rapide, mais il est loin de l’élite. En plus, il n’a pas chaussé les patins en grande finale, laissant un vide encore plus grand entre Letang et le reste des membres de la brigade défensive des Penguins. Une brigade au sein de laquelle tous les arrières du Canadien auraient facilement pu se greffer tant elle est ordinaire.

Hommage à Jacques Martin

Mais derrière l’exceptionnel Letang et le solide sans plus Daley, cette brigade bien ordinaire a fait le travail.

Pourquoi? Comment? Parce que le système orchestré par le groupe d’entraîneurs, un système que l’entraîneur-chef Mike Sullivan s’est assuré de faire respecter à la lettre, était parfait.

Quand on regarde comment les Penguins ont joué devant un gardien anonyme, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec la stratégie de Jacques Martin qui a permis à Jaroslav Halak et au Canadien de sortir les Capitals et les Penguins en première et deuxième rondes en 2010 pour se rendre en finale de l’Est.

Contre des adversaires plus forts, Jacques Martin avait implanté un système défensif qui visait à étouffer l’adversaire. À le contraindre à tirer de loin, même s’il le fait souvent, facilitant le travail du gardien et aussi de ses coéquipiers qui bloquaient des tirs à la pelle. Souvenez-vous : aussi bon avait été Halak – et il avait été très bon – Hal Gil et Josh Gorges avaient réalisé autant d’arrêts que lui… ou presque.

En maximisant le rendement de la défensive anonyme, une défensive qui a aussi bénéficié de l’appui des attaquants et de leur vitesse grand V aussi efficace pour mettre de la pression à l’attaque qu’en échec avant et en replis défensifs, Jacques Martin a permis à son patron Mike Sullivan de mousser l’enthousiasme d’un club qui croyait visiblement en ses moyens.

Un club qui est parti lentement, très lentement en saison, mais qui a maintenu une croissance constante pour atteindre son apogée au bon moment : une fois en séries.

Meilleur club de la LNH les Penguins? Peut-être pas. Mais les Penguis ont prouvé qu’un club bien dirigé, un club uni, qui croit en lui en ses joueurs et au système imposé, un club qui mise sur le talent et la vitesse sur toutes ses formes bien plus que sur la robustesse bête et méchante, un club dont tous les éléments performent au diapason en offrant le meilleur d’eux-mêmes alors que ça compte pour vrai devient difficile à battre.

Et une fois en séries, les Penguins, même si on peut débattre longtemps du fait qu’ils sont les meilleurs de la LNH ou non, étaient tout simplement imbattables. C’est pour ça qu’ils défileront avec la coupe dans les rues de Pittsburgh pour la quatrième fois de leur histoire mercredi alors que leurs adversaires passeront l’été à se dire qu’ils auraient dû les battre.