BUFFALO – « Je vais te le dire, ce n’est pas un jeune qui en a beaucoup. » Martin Mondou ne parle pas ici des qualités de Samuel Girard, mais bien de ses faiblesses. 

Sans crainte de se tromper, on peut affirmer que le directeur général des Cataractes de Shawinigan s’est fait le porte-parole de nombreux observateurs avec ce verdict.

En fait, le charismatique défenseur des Cataractes de Shawinigan semble présenter une seule faille, celle de sa grandeur. Cependant, au fil du temps, cette carence s’est transformée en une puissante motivation.

Lorsqu’on le questionne sur les doutes qui subsistent à propos de son physique, Girard esquisse un sourire en coin et il attend seulement le moment pour faire feu.

« Depuis que j’ai grimpé dans le Midget AAA à Jonquière, des gens disaient que j’étais trop petit pour jouer là. Je pense que j’ai prouvé que je pouvais (me débrouiller). Mais ça continue pareil et, quand je suis arrivé junior, on disait que j’étais trop petit, que ça ne marcherait pas et que je me ferais geler... 

« C’est tout le temps la même chose. »

« Je ne peux rien faire pour ça, mais c’est tellement une motivation pour moi. Je sais que je vais jouer dans la LNH, c’est mon rêve. Ça m’encourage, ça n’a pas de bons sens. Ce sont eux qui m’encouragent le plus en disant ça. Un jour, je pourrai leur faire un petit salut pour qu’il le regrette », a témoigné Girard avec toute la gentille assurance qui le caractérise.

Girard doit encore vivre avec ce refrain même s’il est devenu seulement le deuxième défenseur de 17 ans (depuis Jean-Jacques Daigneault en 1983) à être nommé l’arrière par excellence dans la LHJMQ.

Son impressionnante deuxième saison (10 buts et 64 passes en 67 matchs) dans le circuit Courteau lui a permis d’influencer positivement les recruteurs. Ainsi, les différents classements prévoient qu’il sera repêché tôt en deuxième ronde ou même en fin de première ronde.

« S’il mesurait six pieds, on sait tous qu’il partirait très tôt. Pour moi, c’est une valeur sûre », a présenté Mondou qui contourne rarement les questions.

Samuel GirardGirard, très au courant des spéculations à son endroit, a confirmé avoir entendu qu’il pourrait reproduire la version 2016 du scénario Anthony Beauvillier. Au repêchage de 2015, les Islanders avaient procédé à une transaction pour s’assurer de le sélectionner avant la fin du premier tour.

« Au début de l’année, j’avais été classé C (un espoir de la 4e à la 6e ronde) et j’ai ressenti une petite déception, mais ça m’a aidé à grandir. Ça m’a permis de me dire que je ne pouvais pas baisser, juste monter. [...] Je vais être content d’être repêché peu importe le rang. Tout ce que je veux, c’est montrer à l’équipe que je suis capable malgré ma grandeur », a relevé le gaucher de cinq pieds neuf pouces et 165 livres.

Tout de même, Girard a eu droit à plusieurs questions sur sa stature. Ces interrogations ont également eu lieu avant son premier rang obtenu au bench press (15 répétitions) avec une charge proportionnelle à son poids.

« Oui, c’est sûr que les équipes m’en parlent. Sur les 18 rencontres, 16 ont dû m’en parler. Je réponds toujours que, si je ne joue pas dans la LNH, ce ne sera pas à cause de mon gabarit. Ça ne me dérange pas d’affronter des grands joueurs, je suis assez intelligent pour jouer contre eux.

« Mais c’est normal qu’ils se fassent des soucis à propos de ça. Ils n’ont pas à s’en faire, je suis capable de jouer contre ces gros bonhommes », a martelé Girard avec son fort et charmant accent du Lac-Saint-Jean.

Brillant comme il l’est, Girard a visé dans le mille avec cette hypothèse.

« Il possède une vision exceptionnelle. Après, il y a un gros point d’interrogation, il ne faut pas se le cacher. Au niveau professionnel, tu peux te mesurer le même soir à des adversaires comme David Backes, Vladimir Tarasenko et Patrik Berglund. La grande question est de savoir s’il peut les contenir profondément dans sa zone. Un risque persiste », a exposé un recruteur d’une formation de l’Ouest.

« Quand tu n’as pas le plus gros physique, tu dois jouer de manière intelligente, c’est ainsi que tu peux arriver à tes fins. Il a montré qu’il peut adapter son jeu et très bien se débrouiller défensivement », a rétorqué Dan Marr, le directeur de la Centrale de recrutement de la LNH.

Question de trancher le sujet, un dépisteur d’une équipe de l’Est a été invité à donner son opinion.

« Dans la LNH, il y a déjà une quinzaine de défenseurs avec un gabarit semblable comme Jared Spurgeon ou Ryan Ellis. Ce qui les sépare des autres, c’est leur sens du hockey et le patin. C’est sûr que ça peut faire peur à du monde, mais les probabilités sont de son côté. Pour avoir été choisi le meilleur défenseur de sa ligue à 17 ans, il faut qu’il possède des qualités spéciales », a remarqué cette source.

Martin Bernard, qui l’a dirigé à Shawinigan, a tenu à préciser que les doutes défensifs à son égard ne sont pas inquiétants.

« C’est la chose qui m’a surpris de lui. Déjà, à 16 ans, il se positionnait bien, il utilisait son bâton efficacement et il avait de bons réflexes instinctivement. Cette année, il a continué à progresser, il a pris soin de le faire et il voulait toujours finir les matchs dans les plus. Avec son intelligence, il n’a pas à toujours se placer en corps à corps, il va se servir de sa tête pour bien se débrouiller », a décrit Bernard à propos de celui dont certains éléments de son jeu font penser à une version plus petite de Nicklas Lidstrom.

« Je l’ai toujours trouvé bon défensivement. Il sera à sa place contre les premiers trios adverses, il ne présente pas du tout de problème défensivement contrairement à d’autres défenseurs offensifs », a aussi déterminé Mondou.

Rarement à court de mots, Girard a abondé dans le même sens lors d’une intéressante conversation après ses tests physiques à Buffalo, samedi dernier.

« Il y a beaucoup de grands joueurs donc je dois ajuster mon jeu. Si je vois un grand, je ne vais pas aller jouer au plus fort avec lui, je vais le contenir et, quand je vais avoir l’occasion, je vais partir avec la puck. À ma grandeur, je dois être intelligent sur la glace et je pense que je le suis.

« Quelques personnes ne croient pas en moi défensivement, mais j’ai prouvé que je peux le faire en grimpant de plus-15 à plus-24 en une saison », a fait valoir Girard.

Meilleur que Kristopher Letang?

Exceptionnel, extraordinaire et excellent. Les qualificatifs sont très élogieux à propos de la vision et du patin de ce défenseur de 18 ans. Mais ça ne bat guère le compliment selon lequel il serait, au même âge, meilleur offensivement que Kristopher Letang.

Ce constat est venu de Claude Bouchard qui a dirigé Girard, cette saison, et Letang, à son époque avec les Foreurs de Val-d’Or. Ça tombe à merveille puisque le patineur de Roberval épie justement le défenseur des Penguins.

« C’est certain que je pense à Kristopher Letang, c’est un bon exemple pour moi. Il est fort sur ses patins, excellent offensivement et incroyable en avantage numérique », a confié Girard qui se réjouit de l’évolution du hockey.

Avec leur expérience, les recruteurs se tiennent souvent loin de ce jeu des comparaisons. Par contre, ils n’hésitent pas à dévoiler leur admiration envers le potentiel de Girard.

« Je l’adore ce jeune-là! Il a tout pour jouer dans la LNH. Son lancer doit peut-être devenir plus puissant, mais c’est tout un passeur et il anticipe le match un ou deux jeux avant les autres », a vanté un dépisteur de l’Ouest.

« En autant que je suis concerné, son sens du hockey est nettement au-dessus de la moyenne. On ne peut pas nier sa stature, mais il a toujours été parmi les plus dominants malgré tout », a rappelé un éclaireur d’une équipe de l’Est.

Dans son rôle de DG des Cataractes, Mondou jouit de plus de latitude.

« Je le vois devenir un genre de Ryan Ellis, un quart-arrière en relance qui voit toutes les options devant lui. Oui, il devra s’acclimater aux pros, mais j’ai confiance qu’il puisse garder le même style que dans le junior », a-t-il prétendu.

En ce qui concerne Marr, il adore la maturité dans son jeu, ce qui n’est pas l’apanage de plusieurs espoirs de 17 ou 18 ans.

« Souvent, les défenseurs qui transportent la rondelle peuvent être risqués à son âge. Mais, dans son cas, il gère bien ses risques pour ses récompenses. Il ne se met pas dans le trouble inutilement », a noté Marr dans la colonne des pour.

Samuel Girard, Alexis D'Aoust, Brandon Gignac et Dennis YanUn côté rassembleur 

Girard fascine également par sa personnalité. Reconnu comme un petit comique, il aime détendre l’atmosphère.

« C’est un jeune formidable dans une équipe, il est très enthousiaste et positif. Tout le monde aime avoir Samuel autour de lui, c’est un jeune qui a de la vie », a confirmé Bernard, qui œuvre maintenant pour le Drakkar de Baie-Comeau.

« Je viens du Lac alors j’ai un petit accent. Je fais juste parler et les gars partent à rire. Ils me trouvent bien drôle et j’aime faire des blagues, je suis content d’être un des plus drôles de l’équipe, j’aime me sentir comme ça », a reconnu le boute-en-train qui affectionne la pêche.

Au départ, il faisait aussi rire par son anglais, mais il assure avoir effectué de beaux progrès.

« Quand je suis arrivé à Shawi, c’est pas mal ‘yes, no, toaster’. Maintenant, je me débrouille à 75% et ça allait bien dans les entrevues. On va se le dire, au Lac, il y a juste une personne sur un million qui parle anglais! », a raconté Girard avec son langage amusant.

Ses années à Shawinigan, ses moments avec Hockey Canada et ses expériences avec son agence (celle de Pat Brisson et André Ruel) ont développé son vocabulaire.

Certes, l’équipe qui parviendra à le repêcher ne risque pas de s’ennuyer en le voyant filer sur la glace ou en l’entendant raconter ses histoires les plus drôles.

« Sam, c’est de l’élite! Tout ce qu’il a réalisé cette année, ça vient de lui. Je sais qu’il a donné beaucoup de crédit à l’équipe, mais il est dans une classe à part et son rang de sélection va le prouver », a prédit Mondou avec conviction.