Luc Robitaille trône déjà parmi les très grands joueurs de l’histoire des Kings de Los Angeles. Parmi les grands de l’histoire du hockey tout court.

Samedi, lorsque Robitaille dévoilera la statue immortalisant sa place dans l’histoire des Kings, il rejoindra les plus grands athlètes ayant marqué le sport à Los Angeles. Pas seulement le hockey. Bien en vue devant le Staples Center, Robitaille retrouvera bien sûr Wayne Gretzky, qui a donné un second souffle au hockey en Californie lorsqu’il a été échangé des Oilers d’Edmonton aux Kings en 1988, mais aussi les immortels des Lakers que sont Magic Johnson, Kareem Abdul-Jabbar et Jerry West, sans oublier Oscar de la Hoya, le Golden Boy de la boxe professionnelle.

«Je me sens choyé», a humblement convenu Luc Robitaille dans le cadre du point de presse qu’il a accordé avant le duel Canadien-Kings jeudi.

En plus d’avoir sa place au Temple de la renommée du hockey, d’avoir son chandail numéro 20 accroché au plafond du domicile de l’équipe dont il a été l’une des grandes vedettes et est aujourd’hui le président aux opérations administratives, d’avoir soulevé une coupe Stanley, comme joueur avec les Red Wings de Detroit, deux autres comme président des Kings en plus du trophée Calder remis à la recrue de l’année en 1987 (84 points, dont 45 buts), Robitaille obtient maintenant une statue confirmant son statut dans l’histoire du hockey et du sport à Los Angeles.

Pas mal pour un joueur repêché au 171e rang en 1984 parce que l’ensemble des recruteurs de la LNH le trouvait trop frêle et surtout trop lent pour répéter dans la LNH ses exploits offensifs multipliés dans la LHJMQ avec les Olympiques de Hull.

Surprise bien gardée

Visiblement embarrassé par l’attention qu’un tel honneur lui vaut depuis quelques semaines, Robitaille a sorti son sens de l’humour légendaire lorsqu’un collègue de Los Angeles lui a demandé si le jeune homme qui ne disait pas un mot d’anglais à son arrivée en Californie en 1986 avait déjà envisagé une telle cascade d’honneurs couronnant une si brillante carrière.

«J’avais tout prévu. J’aurais dû vous dire, vous verrez : un jour j’aurai une statue devant le Staples Center alors qu’on jouait au Forum et qu’on ne savait pas qu’il y aurait un Staples Center», a lancé Robitaille avec un rire agacé.

«Au moins, ce n’est pas comme si on me rendait un hommage après que je sois décédé», a-t-il ajouté en riant cette fois de bon cœur.

Samedi, Robitaille sera entouré des membres de sa famille. Son épouse (Stacia) et leurs enfants seront là. Tout comme son père, son frère et sa sœur qui ont fait le voyage de Montréal plus tôt cette semaine. Il y aura bien sûr des membres de l’organisation actuelle et des invités de choix. Mais Robitaille n’a pas dressé une liste d’anciens coéquipiers, entraîneurs et autres hommes de hockey qui l’ont aidé à atteindre la LNH et à y devenir l’étoile aujourd’hui honorée de sa propre statue.

Luc Robitaille sait depuis un bon moment que son équipe lui réserve l’honneur d’une statue.

«Quand j’ai été convoqué par Dan (Berkerman) je me suis initialement demandé ce que j’avais fait de mal. Quand ton chef de la direction (CEO) te convoque et que tu ne sais pas pourquoi, c’est stressant. Une fois dans son bureau, il m’a indiqué vouloir donner plus de visibilité au hockey en ajoutant une statue à celle de Wayne devant le building. Je trouvais que c’était une très bonne idée. Avec nos deux conquêtes de la coupe Stanley en trois ans et le fait que le hockey n’a jamais été aussi populaire qu’il l’est présentement en Californie et qu’il est en pleine croissance, il faut donner plus d’envergure encore au hockey», racontait Robitaille.

Parce que Marcel Dionne, qui a parrainé Robitaille lors de son arrivée à Los Angeles, Rogatien Vachon, Dave Taylor et Charlie Simmer étaient et sont toujours des candidats de choix pour recevoir un tel honneur, l’ami Luc a été désarçonné lorsque son patron lui a dit qu’il était l’élu pour être coulé dans le bronze.

«À titre de l’un des présidents de l’équipe, je vais toujours pousser pour que le hockey obtienne le plus de visibilité possible. D’autres statues viendront rejoindre celle de Wayne et la mienne. Je ne sais pas qui suivra, mais on a plusieurs joueurs qui méritent un tel honneur», a ensuite plaidé Robitaille.

Samedi, lorsque Robitaille tirera sur le drap noir qui recouvre sa statue depuis qu’elle a été installée sur son socle devant le Staples Center, il l’a verra pour la première fois.

«Je tiens à ce que ce soit une surprise. La seule chose que j’ai exigée, c’est que ma femme puisse la voir. Si elle a donné son OK c’est que c’est bien correct», a tranché Robitaille qui s’est assuré de bien être dans l’uniforme des Kings et non des autres formations dont il a défendu les couleurs: Pittsburgh, New York (Rangers) et Detroit.

Pause familière

Malgré le drap qui la recouvre, il est facile de voir que le bronze coulé au cours des dernières semaines immortalise Robitaille dans une position qui lui est familière : les bras en l’air, le sourire aux lèvres, l’immortel des Kings vient de marquer l’un de ses 668 buts enfilés en 19 ans de carrière ou qu’il célèbre l’un de ses 1394 points. Deux records absolus pour tous les ailiers gauches qui ont évolué dans la LNH.

En plus d’être l’ailier gauche le plus prolifique de l’histoire de la LNH, Robitaille occupe le premier rang dans l’histoire des Kings pour le total des buts (557), des buts enfilés lors d’attaques massives (210) et des filets gagnants (73)

Deux records seulement échappent à Robitaille à Los Angeles. Il est deuxième derrière Dave Taylor pour le nombre de matchs disputés (1077 contre 1111 pour Taylor) et deuxième derrière Marcel Dionne pour le nombre de points récoltés (1154 vs 1307 pour Dionne).

S’il n’avait pas disputé 364 de ses 1431 matchs en carrière avec les Penguins, les Rangers et les Red Wings, Robitaille serait fin seul tout en haut de la pyramide offensive des Kings.

Cela dit, Robitaille ne regrette pas son exil de quelques saisons. Il est d’ailleurs très heureux d’avoir pu soulever la coupe à Detroit. «Cette conquête (2002) a fait de moi un meilleur homme de hockey. J’ai appris et compris bien des choses avec les Red Wings cette année-là. L’expérience que j’ai acquise à Detroit m’a beaucoup servi et me sert encore parce que je sais ce que ça prend pour se rendre au bout. Pas seulement ce que ça prend sur la glace et dans le vestiaire, mais ce que ça prend aussi autour de l’équipe.»

Croissance soutenue

Luc Robitaille a connu une saison de rêve en 1992-1993 récoltant 125 points, dont 63 buts. Le plus haut total pour un ailier gauche en une saison autant chez les Kings que dans la LNH.

L’arrivée de Wayne Gretzky avait propulsé les Kings à l’avant-scène du sport à Los Angeles en plus de le hisser parmi les meilleurs clubs de la LNH.

Malheureusement pour Robitaille, les Kings et le hockey en Californie, le Canadien s’est dressé devant eux cette année-là. De grandes performances de Patrick Roy et le coup de maître de Jacques Demers qui avait fait chasser Marty McSorley en raison d’une courbe illégale de la lame de son bâton avaient entre autres choses contribué à la 24e conquête de la coupe Stanley du Tricolore.

«Je croyais qu’on reviendrait dès la saison suivante pour gagner la coupe. Mais ce n’est pas arrivé», se souvenait Robitaille jeudi.

Non seulement les Kings n’ont pu se rendre à la coupe dès la saison suivante, mais ils ont amorcé une descente en enfer ratant les séries quatre saisons de suite; cinq fois en six ans.

Cette glissade a peut-être ralenti un peu la croissance du hockey en Californie. Mais elle ne l’a pas freinée. Et voilà que les récents succès des Kings moussent la popularité d’un sport de plus en plus en vue sous le soleil de la Californie.

«Je suis fier de ce que nous avons accompli en tant qu’organisation au cours des dernières années. On a remis cette équipe sur le chemin de la victoire et c’est très bon pour le sport. J’ai toujours aimé le hockey et l’aime encore autant aujourd’hui dans mon nouveau rôle. La croissance du hockey à Los Angeles et en Californie, me tient donc à cœur. J’aime ce qu’on fait avec les Kings, mais j’aime plus encore le fait qu’une dizaine de nouveaux arénas ont été construits au cours des trois ou quatre dernières années. D’autres projets auxquels les Kings sont associés s’en viennent également. C’est rendu gros le hockey ici», assurait Robitaille.

Cette croissance du hockey a une valeur de coupe Stanley pour Robitaille. Une croissance qui profitera bientôt d’un nouvel élan avec le transfert en Californie des clubs-écoles des trois équipes californiennes de la LNH et plus de ceux des Flames de Calgary et des Oilers d’Edmonton.

«C’est énorme pour nous ces transferts. On travaille sur ce dossier depuis 2008-2009. Ça a pris du temps, mais c’est une belle récompense. À Ontario – petite ville de banlieue où les Kings installeront leur club-école – notre équipe de la Ligue de la Côte-Est attire 7000 personnes par match. Et ce n’est pas du gros hockey. Nos deux gardiens ont été rappelés la semaine dernière. On a pris des gars de ligues de garage pour les remplacer. Mais le monde va aux matchs. Ils aiment ça. Wayne a fait beaucoup pour le développement du hockey en Californie. C’est lui qui a amorcé le grand virage. Mais on a appuyé et on appuie encore ce qu’il a fait en travaillant très fort.»

Après l’entrée en scène de cinq clubs de la Ligue américaine, Luc Robitaille verrait d’un bon œil l’éclosion du hockey universitaire en Californie. Un rêve possible assure le président des Kings. «Le dernier relevé indique que 70 jeunes joueurs originaires de la Californie jouent dans la Ligue junior de l’Ouest ou ailleurs aux États-Unis dans les rangs universitaires. Avec ces 70 gars, on pourrait bien avoir deux clubs universitaires ici.»

D’ici à ce qu’ils aient l’âge de s’exiler au Canada, ailleurs aux USA ou de jouer pour une université californienne pour poursuivre leur ascension vers la LNH, les jeunes accrocs du hockey, comme les moins jeunes, pourront défiler dès samedi devant la statue consacrée à Luc Robitaille, à sa carrière dans l’uniforme des Kings, une carrière qu’il prolonge avec la même passion, la même bonne humeur et surtout la même efficacité maintenant qu’il est installé dans son bureau de président.