(ESPN.com) - Et ainsi, nous devons dire adieu au grand numéro 68, cinq fois champion compteur de la Ligue nationale de hockey. Un homme à l'esprit vif, contrarié et brillant, avec un sens de l'humour étonnant. Et tout un joueur de hockey, même à 36 ans.

Les journalistes les plus alarmistes - et croyez-moi, il y en a - croient que la décision de Jaromir Jagr de tourner le dos à la LNH pour retourner avec l'Avangard Omsk, l'équipe de la Ligue élite russe avec laquelle il avait joué durant le lock-out, entraînera un raz-de-marée de joueurs qui déserteront l'Amérique du Nord pour aller empiler les billets verts de l'autre côté de l'Atlantique.

Ha bon.

S'il y a une chose que Jagr n'est pas, c'est bien un lanceur de nouvelles tendances. Il marche à son propre rythme, et quand il s'est rendu compte que les Rangers de New York avaient choisi de prendre une autre voie, il a décidé que la sienne le mènerait à Omsk. Pas à Edmonton, ni ailleurs en Amérique.

Quiconque a déjà passé un hiver en Russie - ou qui a seulement parlé avec quelqu'un qui a vu le soleil se coucher sans se relever pendant des jours - vous dira qu'il n'y a pas plus de chances de voir une pléiade de vedettes quitter pour l'Europe de l'Est que d'assister à un défilé de la coupe Stanley à Toronto le printemps prochain. À moins que la présence d'Alexander Perezoghin et Alexei Kaigorodov sur le quatrième trio de votre équipe favorite vous manque, l'exode des joueurs de la LNH vers la Russie relève de la fantaisie.

C'est vrai qu'il y a de l'argent en Russie (ne vous demandez toutefois pas d'où il provient et ne posez pas de questions si vous ne recevez pas votre chèque à temps), mais le hockey ne sera jamais ce qu'il est ici, même avec Jagr pour faire les manchettes.

Reverrons-nous Jagr lors de compétitions internationales? Qui sait. Paraîtrait-il que son nouveau contrat contient une clause qui l'empêche de renier ses obligations pour la durée du pacte, c'est-à-dire au moins deux ans, peut-être trois. Si ça s'avère vrai, nous avons probablement vu le colosse ailier pour la dernière fois et il y a de quoi être triste.

Sur la feuille de pointage, Jagr vient de connaître l'une de ses pires saisons à vie avec seulement 25 buts et 71 points, des statistiques insuffisantes pour lui permettre de toucher certains bonus rattachés à son contrat. Mais tout de même, à l'approche des séries, il est redevenu un joueur dominant, de loin le meilleur de son équipe jusqu'à ce qu'elle soit éliminée en deuxième ronde.

Même quand les Rangers tiraient de l'arrière 3-0 face aux Penguins au deuxième tour éliminatoire, on se souvient de Jagr, assis devant son casier au complexe d'entraînement des Rangers, nous racontant avec passion qu'il croyait encore aux chances de son équipe et qu'il voulait écrire l'histoire.

Même quand les Rangers lui ont définitivement fermé la porte en mettant sous contrat Markus Naslund, le grand Tchèque avait d'autres options intéressantes devant lui. Les Oilers auraient payé cher pour son expérience et son talent. Les Penguins, même avec l'ajout de Miroslav Satan et Ruslan Fedotenko, auraient été prêts à faire une place à leur ancienne vedette.

Mais pour Jagr, c'était New York ou rien. S'il demeure avec Omsk pour les trois prochaines saisons, ESPN a appris qu'il touchera la rondelette somme de 35 M$.

En entrevue avec Larry Brooks, du New York Post, Jagr a terminé la conversation en disant : "Je voudrais aussi dire aux gens comme Mike Milbury, qui se sont fait un devoir de passer leur temps à me critiquer, qu'ils peuvent bien me baiser le derrière."

Du Jagr tout craché.

Les Rangers et leurs partisans ont vu Jagr à son meilleur. Quand tout le monde les comptaient pour battus au retour du lock-out, Jagr a promis qu'il amènerait cette équipe en séries. Cette saison-là, il a récolté 123 points pour terminer au deuxième rang du classement des pointeurs derrière Joe Thornton et être élu parmi les finalistes pour l'obtention du trophée Hart.

Mais l'été dernier, alors que les Rangers tentaient de trouver les ingrédients qui feraient d'eux de sérieux prétendants à la coupe Stanley, ils ont, par inadvertance, affecté la chimie qui régnait dans le vestiaire. Avec l'arrivée de Scott Gomez et Chris Drury, la balance du pouvoir a changé. Ça n'a rien à voir avec une question d'egos - Jagr n'a aucun problème à partager la vedette avec d'autres joueurs talentueux - mais une question de dynamique.

Pendant les deux saisons qui ont suivi le lock-out, Jagr a travaillé en parfaite harmonie avec le joueur de centre Michael Nylander, qui a été sacrifié après l'arrivée du duo Gomez-Drury. Jagr n'a jamais pu trouver son rythme avec un nouveau joueur de centre et a terminé l'année au côté de la recrue Brandon Dubinsky.

Maintenant que Jagr est parti, les Rangers doivent tourner la page pour de bon.

Gomez et Drury seront maintenant les visages de l'organisation, avec dans leurs rangs les petits nouveaux : Nikolai Zherdev, Dan Fritsche, Wade Redden et Naslund.

Est-ce que ça fonctionnera? Zherdev est un jeune joueur imprévisible et Naslund n'a pas été l'ombre de lui-même au cours des dernières saisons. Mais les ingrédients sont là