PARIS - Une nouvelle génération prend le pouvoir, a estimé Christian Pruhdomme, le directeur du Tour de France, au vu de la 100e édition qui s'achève dimanche à Paris.

« Froome a 28 ans, Quintana et Sagan ont 23 ans », a relevé le directeur du Tour à propos des détenteurs des maillots distinctifs, le jaune pour le Britannique Chris Froome, le blanc et les pois rouges pour le Colombien Nairo Quintana, le vert pour le Slovaque Peter Sagan.

Christian Prudhomme a souligné que cette 100e édition « marque plus encore l'internationalisation »: « Ce Tour a eu un maillot jaune australien, un autre sud-africain, son futur vainqueur est né au Kenya et a vécu en Afrique du Sud, ça montre que les frontières s'étendent encore. »

Le directeur du Tour s'est félicité du retour de la Colombie, remarqué les mois précédents dans les classiques ardennaises, le Tour du Pays basque, le Giro: « C'est important parce que la Colombie représente la légende des grimpeurs. »

« Le Tour rayonne de plus en plus à l'étranger, avec cette année un parcours cent pour cent français », a relevé son directeur. « On doit ouvrir le vélo le plus possible et on le fait notamment avec le Tour, grâce aux images vues dans 190 pays, le départ ou le passage par l'étranger. »

« L'exception du cyclisme s'efface pour être comme le monde en général. Dans les montées, les admirateurs qui parlent anglais sont de plus en plus nombreux. Je ne suis pas sûr que ce soit 50/50 par rapport au français dans les montées comme le Ventoux ou l'Alpe d'Huez, je penche plutôt vers 75/25 », a ajouté Christian Prudhomme « Mais, a-t-il insisté, il faut respecter les racines, l'histoire, la légende. Et le fait qu'un jeune Colombien soit un champion, c'est bien pour le cyclisme ». Peut-on s'attendre d'ores et déjà à des duels entre Quintana et Froome ?
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« Je me méfie toujours de ce qu'on imagine parce qu'on se trompe souvent, a répondu le directeur du Tour. Mais j'imagine mal qu'il n'y ait pas de joutes exceptionnelles en montagne dans les prochaines années, il y aura des bagarres formidables ».

Vitrine de la nouvelle génération colombienne

La remarquable performance du jeune Colombien Nairo Quintana, deuxième du Tour de France, meilleur grimpeur et meilleur jeune, consacre une année 2013 qui a marqué le retour du cyclisme sud-américain après plusieurs années d'absence.

Depuis dimanche, le cyclisme colombien croit bien avoir trouvé un successeur au "pionnier" Lucho Herrera, vainqueur de trois étapes (dont l'Alpe d'Huez et Avoriaz) et maillot à pois sur la Grande Boucle (1985 et 1987), vainqueur et meilleur grimpeur de la Vuelta 1987 et meilleur grimpeur du Giro 1989.

Pour sa première année pro, à 23 ans, Quintana a fait mieux que la troisième place de Fabio Para en 1988 (sous les couleurs de l'équipe espagnole Kelme). Il a également rejoint Mauricio Soler, vainqueur d'une étape et meilleur grimpeur 2007, originaire comme lui de la province de Boyaca et à qui il a dédié sa victoire en haut du Semnoz samedi.

La nouvelle « perle de Boyaca » s'inscrit dans la grande lignée des grimpeurs colombiens. Sur le Tour de France, le coureur de poche (1,67 m, 59 kg) a été un des seuls à rivaliser en montagne avec Chris Froome et a posé problème à tous les autres prétendants au podium.

Mieux que ses prédécesseurs, il a également montré de belles aptitudes en contre-la-montre, l'autre exercice où se décident souvent les Grands tours. Après avoir souffert sur le premier chrono plat du Mont-Saint-Michel (3 min 28 sec de retard sur le vainqueur Tony Martin), il est apparu à son aise sur celui en côte de Chorges où il a perdu à peine plus d'une minute (6e à 1 min 11 sec de Froome).

Ces qualités le posent déjà comme un des futurs prétendants aux plus grandes courses. Après avoir pris le relais d'Alejandro Valverde en tant que leader de l'équipe Movistar en cours de Tour, il semble être durablement installé.

Uran en chef de file

« Je ne sais pas si je jouerai encore le général dans un Tour de France », souligne d'ailleurs Valverde sans cacher son admiration pour son jeune partenaire. « Quintana est un grand grimpeur, il l'a montré. Je suis fier d'être dans l'équipe à ses côtés. Je pense qu'un jour il gagnera cette course. »

« Mon résultat me donne beaucoup de confiance pour envisager viser le maillot jaune, peut-être pas l'année prochaine, mais en 2015, assure de son côté Quintana. Je vais continuer à travailler au jour le jour pour y arriver ».

Si Quintana a attiré les regards ces dernières semaines, plusieurs de ses compatriotes s'étaient également illustrés cette saison.

Carlos Betancur, recruté cette saison par l'équipe AG2R La Mondiale, a terminé 5e et meilleur jeune du Tour d'Italie (trois fois deuxième d'étape). Le coureur de 23 ans a également terminé à la quatrième place de Liège-Bastogne-Liège et à la troisième place de la Flèche Wallonne... derrière son compatriote Sergio Henao.

Âgé de 25 ans, Henao a rejoint la prestigieuse équipe Sky en 2011. Il n'a encore jamais couru le Tour de France mais a terminé 9e du Giro 2012. Il courait cette année dans la formation britannique avec le chef de file de cette génération, le vice-champion olympique Rigoberto Uran (26 ans), qui a également brillé cette saison avec une deuxième place au Giro et une victoire d'étape.

Après deux saisons chez Sky, le coureur originaire du département d'Antiquioa (qui a pour capitale Medellin) est sur le point de signer en faveur de la formation belge Omega Pharma l'année prochaine.

Mais ces quatre champions ne courent pas pour l'équipe étendard de leur pays, la formation Colombia créée en 2012 sous l'impulsion du ministère des Sports pour faire fructifier son vivier de coureurs. Basée en Italie, elle est financée par Coldeportes (Instituto Colombiano del Deporte, Institut colombien du sport), organisme qui chapeaute les fédérations sportives du pays.

La formation courait en Continental pro en 2013, le deuxième échelon mondial. Elle ne désespère pas de prendre place dans l'élite avec dans ses rangs un de ses jeunes talents exilés en Europe.