BRASILIA, Brésil - La présidente du Brésil Dilma Rousseff a mis fin, vendredi soir, à un silence quasi total sur les troubles qui agitent le pays sud-américain, affirmant dans une déclaration télédiffusée à heure de grande écoute que des manifestations pacifiques étaient un élément d'une démocratie forte mais que la violence ne pouvait être tolérée.

Mme Rousseff a aussi promis d'améliorer les services publics et de tenir un dialogue avec les leaders du mouvement de protestation. Mais il n'a pas été possible de savoir qui, exactement, pourrait représenter les imposants et hétéroclites groupes de manifestants envahissant les rues, et qui déchargent leur colère contre de piteux services publics alors que la population fait face à un imposant fardeau fiscal.

Faisant référence à la perception de vaste corruption dans le monde politique du Brésil, qui est devenue un point central des manifestations, Mme Rousseff a annoncé qu'elle rencontrerait les leaders des manifestations pacifiques et affirmé qu'elle voulait des institutions plus transparentes et plus résistantes aux méfaits. Selon Mme Rousseff, il faut d'abord entendre les citoyens et non les représentants du pouvoir économique.

Sans donner de détails, Mme Rousseff a déclaré que son gouvernement allait créer un projet national de transport en commun dans les villes. C'est d'ailleurs une hausse des tarifs des billets d'autobus et de métro dans plusieurs villes qui a été la source des premiers mouvements de protestation.

La présidente a aussi réitéré son soutien à un projet devant le Congrès grâce auquel toutes les redevances des revenus pétroliers seraient réinvesties dans l'éducation, et une promesse faite précédemment pour attirer des médecins étrangers dans les secteurs en manque de docteurs.

Mme Rousseff, une ancienne membre de l'opposition gauchiste qui a été emprisonnée et torturée durant la dictature militaire de 1964-1985, a fait référence aux précédents sacrifices réalisés afin de libérer la nation de la dictature.

« Ma génération s'est beaucoup battue afin que la voix de la rue soit entendue », a noté Mme Rousseff. « Plusieurs ont été persécutés, torturés et tués pour ceci. La voix de la rue doit être entendue et respectée et elle ne peut être confondue avec le bruit et l'agressivité de quelques fauteurs de trouble. »

Edvaldo Chavez, un portier âgé de 61 ans d'un quartier huppé de Rio, était d'avis que Mme Rousseff avait livré un discours convaincant.

« J'ai trouvé qu'elle est demeurée calme et en contrôle, De plus, parce qu'elle a été une guérilléro et en exil, elle parle de la question des manifestations avec conviction », a-t-il analysé. « Je pense que la situation va se calmer. Nous verrons probablement encore quelques personnes dans les rues, mais probablement en moins grand nombre. »

Toutefois, Bruna Romao, une caissière de Sao Paulo âgée de 18 ans, doute que les propos de Mme Rousseff changent quelque chose à la situation.

« Les Brésililens sont des passionnés », a-t-elle noté. « Nous bouillons de colère rapidement, mais nous nous calmons également rapidement. Mais cette fois-ci, c'est différent, et les gens sont pleinement révoltés. Je ne vois pas les gens se calmer de sitôt. »

Tenter de comprendre le manque de réaction du gouvernement est devenu une obsession nationale, surtout après qu'un million de manifestants eurent descendus dans les rues de plusieurs villes brésiliennes jeudi soir afin de dénoncer tant les lacunes des services publics que les milliards de dollars dépensés par le Brésil pour accueillir la Coupe du monde de football l'an prochain et les Jeux olympiques d'été en 2016.

Les manifestations ont continué vendredi alors qu'environ 1000 personnes se sont réunies à Rio de Janeiro, certaines envahissant un immense centre culturel dont la construction a coûté 250 millions $ mais qui n'a jamais été utilisé. Les forces de l'ordre ont tenté de disperser les protestataires avec du gaz lacrymogène pendant que des hélicoptères survolaient les lieux.

Des rassemblements se sont aussi déroulés à Sao Paulo, la plus grande ville du Brésil, et à Fortaleza, dans le nord-est du pays. Les contestataires prévoyaient également manifester dans dix villes samedi.

Vendredi, plusieurs appels à une grève générale pour la semaine prochaine ont été lancés sur les réseaux sociaux et par courriel, mais les deux plus grands syndicats nationaux du Brésil ont dit ne pas être au courant qu'un tel événement devait avoir lieu.

Le rassemblement qui s'est déroulé jeudi soir à Sao Paulo a été le premier à réunir un nombre important de syndiqués, qui ont revêtu des chandails aux couleurs de leur syndicat et défilé sur la rue principale de la ville précédés d'une fanfare.

De nombreux manifestants préfèrent toutefois que le mouvement n'ait aucun lien avec des partis politiques et des syndicats, qui sont souvent considérés comme étant corrompus.

Le manque d'organisation et de demandes claires de la part des contestataires empêche le gouvernement d'offrir une solution globale au problème. Beaucoup de municipalités ont cependant annulé la hausse des tarifs des transports en commun ayant provoqué les premières manifestations il y a une semaine.

L'un des groupes ayant réclamé l'annulation de ces augmentations a annoncé vendredi qu'il n'organiserait plus de rassemblements. L'impact de cette annonce sur un mouvement qui a depuis largement dépassé sa cause originelle reste cependant à déterminer.

Au moins un protestataire a été tué dans l'État de Sao Paulo lorsqu'un automobiliste, apparemment furieux de ne pas pouvoir circuler, a foncé dans des manifestants avec son véhicule.

Les médias brésiliens ont aussi rapporté la mort d'une femme de ménage de 54 ans vendredi. La dame serait décédée après avoir inhalé du gaz lacrymogène alors qu'elle se cachait dans un tramway.

Cette vague de manifestations survient alors que le pays accueille le tournoi de soccer de la Coupe des Confédérations, auquel assistent des dizaines de milliers de visiteurs.