MONTRÉAL – Hassoun Camara n’a joué que pendant six minutes dimanche soir dans la victoire de 2-1 face à Toronto FC. Mais l’Impact se préparerait probablement à débuter ses séries à l’étranger n’eut été de son intervention divine en toute fin de rencontre.

Inséré dans le match à la 88e minute, Camara s’est retrouvé en marquage individuel sur Sebastian Giovinco, la grande vedette offensive des Reds, alors que ces derniers recherchaient activement le but égalisateur dans les arrêts de jeu. Aimanté vers le haut de son territoire, le défenseur français a perdu la trace de son homme pendant juste assez longtemps pour que celui-ci s’offre en cible pour une passe précise et orchestre un savant échange avec son coéquipier Michael Bradley.

Une menace sérieuse venait de prendre forme.

« J’ai vu Giovinco recevoir le ballon puis s’avancer et je crois que tout le monde, à ce moment, pensait qu’il allait s’essayer sur une frappe d’une vingtaine de verges. En tout cas, je sais que c’est ce que je pensais », relatait le gardien Evan Bush au lendemain du match.

Mais le meilleur buteur de la MLS n’a pas tiré. Le petit Italien a plutôt décidé de relayer le ballon à Jozy Altidore, un autre solide buteur, qui venait de pénétrer dans la surface de réparation sur sa gauche. Bush s’est avancé pour le défier, mais ses chances de remporter le duel semblaient alors aussi minuscules que le taux d’absentéisme dans un Stade Saputo où le temps, l’instant de quelques secondes, s’est arrêté.

Alors qu’on ne l’attendait plus, un miracle est arrivé sous la forme des longues jambes de Camara, qui a jailli de l’arrière avec un brillant tacle pour affecter la trajectoire du tir au tout dernier instant.

Biello travaille bien dans l'ombre

« Il est arrivé de nulle part et a littéralement sauvé notre journée », reconnaissait Bush.

« L’intervention du siècle! », a lancé avec enthousiasme un passant venu lui serrer la main à l’entrée du complexe d’entraînement, lundi.

« Bon, peut-être pas du siècle… du jour, on va dire », a timidement répondu Camara, qui a ensuite pris le temps de revenir sur son action déterminante avec le représentant de RDS.

« C’est sûr que j’ai quelques pépins physiques qui m’empêchent d’être à 100 %, mais quand je suis sur le côté, je ne suis pas en détente ou en amusement. Je regarde comment le match évolue et j’essaie d’analyser ce que je vais faire au moment où je vais entrer. Quand j’ai vu Giovinco fixer la défense, je savais que les deux seules solutions qu’il avait, c’était de frapper ou de décaler sur l’attaquant. J’ai vu la fenêtre s’ouvrir devant moi, où Altidore essayait de se faire oublier de Laurent, alors j’ai lâché Giovinco et j’ai anticipé son coup. »

La décision était risquée parce qu’elle nécessitait une précision impeccable. Un synchronisme moindrement défaillant aurait pu mener Camara dans les mollets d’Altidore et procurer un penalty aux Torontois, mais ce scénario ne s’est jamais immiscé dans les pensées du défenseur.

« L’action, je l’avais en tête trois secondes auparavant. Je savais ce que j’allais faire et je sentais qu’il aurait besoin d’un contrôle pour placer sa frappe. Dans des moments comme ça, on ne réfléchit pas trop et on se fie à l’instinct. J’avais de bonnes sensations, alors je l’ai fait sans y penser. »

Le sauvetage semble avoir rapidement tombé dans l’oubli. Ce sont les deux buts de Didier Drogba qui ont inspiré la plupart des manchettes. Certains ont aussi reconnu les arrêts opportuns réalisés par Bush plus tôt dans la rencontre. Mais lorsqu’on prend en considération l’importance de l’avantage du terrain en MLS – l’Impact n’a signé que quatre de ses quinze victoires sur les terrains adverses cette saison –, le geste de Camara devrait assurément lui valoir le titre de héros obscur de la rencontre.

Le microcosme du succès

Dans la même veine, la séquence et le résultat qui en a découlé représentent la synthèse de tout ce qui explique le succès de l’Impact à l’aube de la « vraie » saison.

De manière concrète, il a symbolisé le doigté avec lequel l’entraîneur Mauro Biello utilise son effectif depuis qu’il en a pris la charge à la suite du congédiement de Frank Klopas. Comme la modification rapide apportée en milieu de terrain avec la substitution de l’inefficace Johan Venegas par Dilly Duka au début de la deuxième demie, l’arrivée tardive dans le match de Camara en remplacement du milieu de terrain Nigel Reo-Coker s’est avérée une décision aussi payante que peu orthodoxe.

« Vous parlez souvent des ajustements qu’apporte Mauro en cours de match. On n’en voit pas souvent comme celui-là, mais Hassoun a fait LE jeu qu’on avait besoin qu’il fasse et on en est très reconnaissant », soulignait Bush.

Patrice Bernier, lui, a vu dans la glissade désespérée de son coéquipier l’illustration du changement de mentalité qui s’est opéré au sein du club montréalais au cours des derniers mois.

« L’année passée, vous n’auriez jamais vu ça, a osé dire le capitaine. Là, les gars veulent gagner, peu importe s’ils jouent 1 minute ou 90 minutes. »

Bernier touche ici à un autre point flagrant qui se reflète dans le comportement de Camara. Le temps de jeu que l’entraîneur doit distribuer entre ses joueurs n’a pas changé depuis le début de la saison, mais tout le monde semble aujourd’hui accepter son rôle sans rechigner. Les mécontents, ceux qui ne sont pas déjà partis, se font discrets.

« Quand on dit qu’on est un groupe et qu’on se sacrifie les uns pour les autres, ce ne sont pas que des mots, insiste Camara. Moi, j’y crois et je suis là pour apporter ma pierre à l’édifice. »

« Hassoun a eu une année difficile avec toutes les blessures qui lui sont tombées sur la tête, mais jamais son esprit n’a dévié de la mission collective de l’équipe, vante Evan Bush. Un jeu comme celui qu’il a réalisé dimanche va avoir un effet bœuf sur son moral et je suis convaincu qu’il sera plus prêt que jamais pour les séries. »

Camara le voit de la même façon. Limité à seulement neuf matchs en 2015 après avoir été l’un des défenseurs les plus utilisés de l’équipe lors des deux saisons précédentes, il voit les prochaines semaines comme l’occasion parfaite d’oublier ses déveines et de repartir à neuf.

« C’est sûr que je n’ai pas eu la meilleure des préparations avec les blessures à répétition qui ont freiné ma saison. Mais j’ai vécu des bons moments, j’ai contribué à aider l’équipe à des moments clés et je vois les séries comme un avenir qui peut être radieux pour nous. »