MONTRÉAL – Kristian Nicht était tout fin seul, dans l’obscurité d’une taverne d’Indianapolis, lorsque les joueurs de l’Impact sont sortis du tunnel du Stade Azteca pour le premier match de la finale de la Ligue des champions.

Même à des milliers de kilomètres de Mexico, le grand Allemand pouvait facilement s’imaginer fouler la surface du mythique terrain dans le maillot bleu montréalais. L’Impact avait déjà fait appel à ses services deux fois depuis le début de la saison.

Pas question pour lui de rater une seule seconde de la partie.

« Le propriétaire du bar n’était pas trop de bonne humeur parce que j’étais son unique client et il voulait fermer, mais je lui ai dit ‘Pas question! On attend que le match soit terminé’ », racontait-il dans son anglais légèrement guttural, mardi.

Nicht est de retour à Montréal avec cette fois la pression d’une ville entière sur les épaules. C’est à ce gardien de 33 ans, portier du Indy Eleven dans la NASL, que le personnel technique du club a décidé de lancer un signal d’alarme en réponse à la décision de la CONCACAF de rejeter l’appel visant à faire renverser la suspension du gardien Evan Bush, qu’une accumulation d’avertissements a rendu inadmissible pour le match retour face à Club América.

Le gentil barbu avait prévu une fin de semaine de vacances à Nashville avant d’apprendre qu’il était attendu sur un vol pour Montréal. Son entraîneur l’a appelé pour lui annoncer la nouvelle alors qu’il était en route pour la maison après un entraînement. Son avion décollait dans quatre heures.

« J’ai annulé mes plans avec joie », a-t-il confirmé sans une once de nervosité dans la voix.

Il s’agira du troisième séjour de Nicht en trois mois dans la métropole québécoise. Dans l’anonymat total, il avait accompagné l’Impact à Pachuca en février et avait secondé Bush lors du premier duel contre Alajuelense. Aujourd’hui, tout le monde cherche à connaître celui qui devrait avoir la mission de bloquer les tirs du géant mexicain devant plus de 60 000 personnes mercredi soir.

« Il y a quelques vidéos de moi sur YouTube. Il leur reste environ 24 heures pour les regarder! », a-t-il lancé en souriant lorsqu’on lui a fait remarquer que la grande majorité de cette foule record n’avait pas la moindre idée de son existence.

« Tout ce qui s’est passé entre moi et Montréal au cours des derniers mois a toujours été un peu fou, alors j’imagine qu’on s’habitue. Je suis capable de faire mes bagages en un temps record maintenant », a-t-il ajouté à la blague.

Nicht a évolué pendant six ans dans les première et deuxième divisions de la Bundesliga, dans son pays natal, et a effectué un bref passage en Norvège avant de traverser en Amérique du Nord il y a trois ans. Il a porté les couleurs des Rhinos de Rochester, avec qui il a remporté le titre de gardien de l’année dans l’USL, avant de déménager à Indianapolis.

« Je n’ai pas tout vu encore, mais j’en ai vu beaucoup. J’ai parcouru le monde et je crois que je peux amener mon expérience de vie et mon expérience de soccer dans l’équation. J’ai l’habitude des grosses foules, ce n’est rien de nouveau pour moi. Je suis très confiant de pouvoir faire le boulot. »

Klopas veut disperser la pression

Frank Klopas n’a pas l’habitude de dévoiler son jeu avant le tout dernier instant. L’entraîneur de l’Impact n’a donc pas voulu confirmer que Nicht serait son homme mercredi soir, mais il s’est dit heureux de son retour dans le giron de l’équipe.

« On le connaît très bien et il nous connaît très bien. Je vous mentirais si je vous disais qu’on n’a pas étudié plusieurs autres options, mais en bout de ligne, nous avons acquis quelqu’un qui cadre très bien à l’intérieur de notre groupe », a statué Klopas.

« Peu importe le remplaçant que vous désignez, c’est difficile de devoir remplacer son gardien numéro un. Mais si vous pouvez écrire un scénario idéal dans ces circonstances, vous souhaitez trouver un gars qui vous est familier et qui a de l’expérience dans les gros matchs, qui ne sera pas dépassé par les événements », a poursuivi le sélectionneur montréalais.

Frank KlopasBush, qui s’est exprimé publiquement pour la première fois depuis la confirmation de sa sentence, a insinué sans grande subtilité qu’il confierait le filet à Nicht si la décision lui revenait. Celui-ci possède des atouts que John Smits et Maxime Crépeau, les autres gardiens à la disposition de Klopas, n’ont pas dans leur coffre d’outils.

« On ne doit pas nécessairement chercher qui est le meilleur gardien, mais plutôt qui sera le plus en mesure d’être à la hauteur d’une pareille situation. Parce qu’il y aura 60 000 spectateurs, parce que c’est une finale de Ligue des champions, il ne s’agit pas que d’attraper ou de dégager un ballon. Il faut un gardien capable de supporter la pression qui vient avec un moment d’une telle ampleur. »

D’un naturel très calme, le défenseur Bakary Soumaré ne s’en faisait pas outre mesure devant la perspective de jouer devant un nouveau gardien.

« Quand on a joué le premier match contre Pachuca, les quatre défenseurs derrière, on n’avait jamais joué ensemble. C’est le football, hein? Ce sont des choses qui arrivent. Ça fait partie de la beauté du sport. Je ne sais pas qui on va mettre, mais peu importe qui ce sera, on lui fait confiance. Ça va bien se passer. »

« Peu importe notre choix, on ne peut mettre toute la pression sur un seul gars. Ça serait injuste envers n’importe lequel de nos gardiens d’exiger qu’il soit notre sauveur, a précisé Klopas. On s’est rendus jusqu’ici grâce à un effort collectif et on est tous dans le même bateau, peu importe ce qui arrive. »

Bush persiste... sans signer

En bon vétéran, Bush cachait du mieux qu’il le pouvait la déception provoquée par la décision des hautes instances de la CONCACAF. Il était au courant du verdict final depuis un peu plus de 24 heures lorsqu’il s’est présenté devant la presse mardi après-midi.

Evan Bush« Je ne me faisais pas trop d’illusions, a admis le jeune titulaire. C’est un appel, alors la loi des probabilités dit que vous n’aurai pas gain de cause. Je me suis quand même préparé toute la semaine comme si j’allais jouer et quand la nouvelle est devenue officielle, ça m’a fait un peu plus mal que lorsqu’on était seulement au stade des spéculations. Ça n’a pas fait mon bonheur, mais j’ai rapidement mis ça de côté. Ce n’est pas le moment de m’apitoyer sur mon sort. »

Au cours des derniers jours, Bush a eu amplement de temps pour rejouer dans sa tête les événements qui lui ont coûté sa place dans le plus grand match de sa carrière.

« Je persiste à croire que je ne méritais pas de carton jaune dans ni l’une ni l’autre des situations. Le premier m’a été décerné sous prétexte que je gaspillais du temps dans la première demie d’un match, ce que je ne comprends toujours pas. Le deuxième, c’est pareil. Je voyais un gars célébrer dans le coin du terrain et ses coéquipiers qui s’en allaient le rejoindre. Ce n’est pas comme si je gardais le ballon pendant qu’ils étaient prêts à le remettre en jeu au centre du terrain... »

« En même temps, il faut toujours être conscient des situations dans lesquelles on se trouve, de la façon dont les matchs sont arbitrés. Dans ce sens, oui, il y a des choses que je ferais différemment », a conclu Bush.