Section spéciale : 2020, plus jamais les mêmes

La vie a changé en 2020, c'est aussi vrai dans le monde du sport, où l'expérience de match a été grandement modifiée. L’apparition des spectateurs virtuels dans la NBA n’est que la pointe visible d’un iceberg de tout ce que représente la transformation techno-médiatico-sportive qui s’est opérée en 2020. La technologie est venue à la rescousse du sport pour lui permettre de sauver les meubles au niveau économique. « Tout ce qui est réseaux sociaux, toute la nouvelle technologie, a permis aux sports professionnels et au sport en général de jouir d'une grande visibilité» constate Donald Beauchamp, consultant en communications pour la LHJMQ.

Après la pause forcée printanière, les amateurs de sports ont eu droit à un buffet sans pareil. Tous les sports étaient en compétition l’un versus l’autre pour retenir l’attention de l’amateur. Devant cette surabondance d’offres, les cotes d’écoute ont chuté pour presque tous les sports. Un article du New York Times publié le mois dernier démontrait que la NBA a perdu près de la moitié de son auditoire pour les Finales comparativement à l’année précédente, malgré une série qui opposait les Lakers de Los Angeles de Lebron James au Heat de Miami, deux marchés importants. Pour la LNH, la baisse serait de 61% pour la finale entre Dallas et Tampa Bay. Le baseball, le golf, le tennis, les courses de chevaux et d’autres sports auraient subi des baisses importantes. Même la NFL enregistrait des baisses de 13% après la 5e semaine d’activités de son calendrier. L’article mentionne également que les droits télé sportifs américains pour tous les sports totalisaient 21 milliards de dollars en 2020.

De nombreux observateurs relativisent ces baissent et l’attribuent à plusieurs facteurs dont la surabondance de l’offre, la tenue de championnats hors de leurs calendriers traditionnels respectifs et aussi l’intérêt important pour l’élection présidentielle américaine.

Toutefois ces résultats arrivent à un bien mauvais moment pour la LNH, alors que son entente de 10 ans avec NBC pour les droits de télédiffusion aux États-Unis, d’une valeur totale de 2 milliards de dollars, vient à échéance à la fin de la saison 2021. «Les conversations pour le renouvellement sont déjà entamées », indique France Margaret Bélanger, qui occupe le poste de vice-présidente exécutive et chef des affaires commerciales du Canadien de Montréal. « Indépendamment de ce qui se passe avec la pandémie, c'est sûr qu'on croit qu'on va avoir de bons résultats avec le commissaire Gary Bettman. »

Pour ce qui est des autres ententes, que ce soit au niveau national canadien ou régional, France Margaret Bélanger assure qu’il n’est pas question de les rouvrir, même si la Ligue et les clubs sont à la recherche de revenus.  « Ouvrir les ententes commerciales avec un partenaire avec qui on fait affaire,  juste pour le simple fait que maintenant ça nous prend plus d'argent, ce n'est pas le bon motif pour ouvrir la conversation. Il faut qu'on offre de la valeur. »

La question des droits de diffusion deviendra encore plus cruciale pour certaines ligues, comme la LNH, la MLS et surtout la LCF,  qui ont constaté que leur modèle d’affaires repose en trop grande partie sur leurs revenus aux guichets, un secteur vulnérable comme la démontrée la pandémie de COVID-19.  « La crise a généré des questions sur la manière dont le produit est mis en marché, sur l'âge des téléspectateurs, sur la manière dont les produits sont regardés» explique le Directeur de l'Observatoire international en management du sport de l’Université Laval, Frank Pons. « Ce qui m'intéresse de savoir, c'est comment on va renégocier ces droits, comment on va cibler la valeur d'un match. »

Entrevue avec Frank Pons sur les médias

« Oui les ratings sont en baisse, mais en même temps, le sport reste un gros vecteur pour les organisations pour mettre en marché leurs produits, donc il y a toujours un potentiel publicitaire intéressant. » Le professeur Pons concède toutefois que l'incertitude économique peut compliquer le portrait pour les ligues et les diffuseurs. « C'est un effet domino : quand l'économie va mal on peut se retrouver avec des droits télés en baisse et des ligues qui sont en difficultés. »

Les médias et les équipes en changement

La pandémie aura aussi accéléré une tendance qui devenait inévitable avec le développement de la technologie, et qui a modifié le travail des journalistes pour la cueillette et la livraison d’information. «D'un point de vue technologique, ça a sauvé notre travail » constate le journaliste Luc Gélinas. « On n'aurait pas pu faire ça, travailler de la maison,  il y a 3-4 ans, avoir une qualité d'être à la maison et de travailler à RDS en direct.» Cette manière de travailler via la plateforme Zoom a toutefois ses limites selon le journaliste de RDS. « On avait accès à toutes les entrevues Zoom, on ne décidait pas à qui on parlait, on était limité à une question et on n'avait pas accès aux entrainements. »

Entrevue avec Luc Gélinas sur le changement des médias

Déjà en mars, la Ligue nationale avait interdit aux journalistes l'accès aux vestiaires. La Ligue veut éventuellement reprendre cette coutume selon le relationniste du Canadien Paul Wilson, mais ce n'est peut-être pas pour la prochaine saison. « Je ne pense pas que l’accès des vestiaires aux journalistes soit révolu, mais avant que ça redevienne comme c'était, ça va prendre du temps. »

Entrevue avec Paul Wilson sur les changements des médias