En octobre 2015, Eugenie Bouchard a institué un recours contre la USTA et le Centre d'entraînement national pour les préjudices subis suivant une chute dans un vestiaire lors les Internationaux des États-Unis en septembre 2015. Elle « aurait perdu l'équilibre et serait tombée en raison d'un objet glissant et dangereux sur le sol ». Elle alléguait que les lieux de l’accident étaient obscurs et que la USTA « aurait dû être au courant » de la présence de cet objet glissant, aurait dû dénoncer et prévenir ce danger.

Jeudi dernier, Bouchard a finalement eu gain de cause après qu’un jury ait conclu que les organisateurs des Internationaux étaient responsables de sa blessure à 75 %.

Responsabilité civile

Même si Bouchard a subi des préjudices suivant cet accident, encore fallait-il démontrer l’existence d’une faute et d’un lien de causalité pour établir la responsabilité de la USTA. Spécifions que sa responsabilité ne pouvait être encourue que s’il était possible de prouver qu’elle avait manqué à ses obligations. Mais quelle est l’étendue de ses obligations face aux athlètes? Elle a une obligation générale de prudence et de diligence dans l'information et la surveillance qu'elle procure à ses joueurs de tennis afin de sauvegarder leur sécurité et leur santé. Cette obligation commande notamment à la USTA de prendre les précautions nécessaires pour prévenir les accidents.

En milieu sportif, il existe des règlements qui imposent à l'organisateur d’assurer le bon fonctionnement de son équipement et de ses installations en plus de veiller à ce qu'ils soient exempts de vices. Un organisateur pourrait être fautif s'il met à la disposition des joueurs des équipements et des installations non conformes. Or, si l'organisateur respecte vigoureusement les normes en matière d'installation et d'équipement, il sera plus difficile de démontrer sa faute advenant un accident.

Partage de responsabilité

Il peut y avoir un partage de responsabilité lorsqu’il existe des causes d’exonération comme l’acceptation des risques, la faute de la victime et la force majeure. Ici, la responsabilité a été partagée entre Bouchard et la USTA dans une proportion 25/75.

Initialement, la USTA niait toute responsabilité, estimant que Bouchard était responsable de son propre malheur. La USTA réfutait l’argument de Bouchard quant à l’éclairage inadéquat dans le vestiaire en précisant qu’une lumière tamisée y reste toujours allumée même lorsque l'éclairage principal est éteint. Elle soutenait aussi que les dommages allégués dans la requête de Bouchard semblaient incompatibles avec ses publications sur les médias sociaux. Cela dit, le principal argument de la USTA reposait sur le fait qu’il est interdit aux athlètes de se trouver à l'intérieur des salles de physiothérapie en dehors des heures d'ouverture en l’absence d'un thérapeute. Elle indiquait que Bouchard n’avait pas respecté les consignes et qu’elle avait détourné l’utilisation des équipements. Par contre, l’équipe légale de Bouchard a réussi à prouver que cette directive ne faisait pas partie des règlements des Internationaux.

De plus, Bouchard a indiqué avoir ressenti une sensation de brûlure sur la peau lors de sa chute. Il a été établi qu’un produit nettoyant laissé sur le plancher en aurait été la cause. Lors de l’audition, il a été expliqué que cette substance doit agir une quinzaine de minutes avant d'être rincée. Bouchard est entrée dans la pièce durant ce temps pour prendre un bain de glace après une conférence de presse. Il appert qu’en vertu d’un règlement de la USTA, il faut attendre la sortie du dernier athlète des vestiaires avant de les nettoyer. À ce titre, Bouchard a révélé que la visibilité de son sac sur le banc du vestiaire suggérait qu’il y avait encore des athlètes sur l’aire d’entraînement. La USTA aurait donc enfreint son règlement en nettoyant les lieux sans vérifier au préalable s’il y avait encore des athlètes présents. Elle a un devoir de mettre à la disposition des usagers des vestiaires exempts d'obstacles. Elle doit s'assurer de correctement leur signaler les endroits où il est possible de glisser.

Or, leur devoir de prudence ne leur impose pas l’obligation de les mettre à l’abri de tout risque d'accident. Bouchard devait aussi assumer une part de responsabilité. En tant qu’usager des lieux, elle doit adapter ses déplacements à un degré de prudence exercé. Bien que la USTA ait été négligente dans l’entretien de ses lieux, Bouchard devait elle-même faire preuve de vigilance sachant que circuler dans un endroit peu éclairé présente toujours un certain risque. Avait-elle adapté son comportement et la vitesse de ses pas en fonction de l’éclairage de la pièce? Portait-elle attention à l’endroit où elle posait le pied? Est-ce que son accident résultait d'une maladresse de sa part? Ces questions ont servi pour déterminer son niveau de responsabilité.

Pourquoi avoir réglé hors cour le montant des dommages?

Même si la faute de la USTA a été prouvée à 75 % lors de l’audition, il n’y avait néanmoins aucune certitude quant au montant que Bouchard aurait eu droit. Le tribunal aurait pu accorder un montant inférieur à ce qui était demandé par Bouchard. Dans le cadre de ce règlement, un montant compensatoire lui a été offert, lequel est toutefois confidentiel. Cela dit, il est possible d’évaluer hypothétiquement les dommages compensés, sans pour autant établir un montant fixe. D'abord, cette somme aurait pu comprendre la perte de capacité de gains qui s’évalue à partir de ses revenus en dépit de l'accident en tenant compte de l’âge de Bouchard à ce moment précis, de sa situation antérieure quant à ses habitudes de vie et à son occupation. Ce montant aurait pu aussi couvrir la perte de gains futurs. La difficulté ici aurait été de démontrer que la commotion cérébrale de Bouchard était la conséquence directe de son mauvais classement. Ce qui n’est pas certain. Plusieurs autres facteurs peuvent avoir contribué à ses difficultés de rendement. De surcroît, l’entente aurait probablement garanti le paiement de ses frais juridiques partiels ou complets en plus du remboursement des frais engagés pour les soins et les médicaments. Par ailleurs, les préjudices non pécuniaires subis par Bouchard tels que la perte de jouissance de la vie, les inconvénients, les souffrances physiques ou morales, auraient pu être compilés dans la compensation. Sans oublier qu'un montant pour atteinte à son intégrité physique aurait pu être inclus dans cette entente, lequel est normalement établi par expertise médicale. Dans la mesure où il y a une entente, elle devrait normalement être conclue à l’entière satisfaction des deux parties.