MONTRÉAL – Nicholas Narbonne Bourque n’est pas le genre de joueur dont on peut évaluer l’importance chez les Carabins par ses statistiques.

Son influence sur les succès des doubles champions québécois est loin de se limiter à ses verges par la passe ou à ses plaqués sur les unités spéciales.

Néanmoins, une catégorie statistique qu’il domine illustre bien le genre d’athlète – et de personne – qu’il est : le nombre de matchs joués en carrière à l’Université de Montréal.

Le centre-arrière des Bleus n’a raté aucune rencontre depuis qu’il a été recruté par les Carabins. Il a revêtu l’uniforme de l’UdeM à 51 reprises depuis sa toute première rencontre disputée le 1er septembre 2012. Un record certain dans l’histoire du programme, bien que ce ne soit pas comptabilisé.

Mieux encore, il l’a fait en ayant eu très rarement recours aux services des physiothérapeutes du CEPSUM.

« Nous avons un genre de compétition dans l’équipe. C’est une liste qui s’appelle le "Ironman". C’est à savoir quels joueurs n’auront pas recours à la physiothérapie durant la saison. À la fin de l’année, le physiothérapeute en chef donne un petit cadeau à ces joueurs. Il n’y a qu’une année que je n’ai pas été dessus. Cette année, je le suis encore », a indiqué Narbonne Bourque au cours d’un généreux et intéressant entretien d’une quarantaine de minutes dans la cafétéria du CEPSUM.

Nicholas Narbonne BourqueSi Nicholas Narbonne Bourque passe un peu inaperçu dans l’œil externe, c’est loin d’être le cas chez ses coéquipiers et entraîneurs. On parle souvent du travail de la ligne offensive dans les succès au sol des Carabins, mais il ne faudrait pas oublier la contribution de celui qui est le premier à ouvrir le chemin aux porteurs de ballon.

« C’est tout un phénomène. S’il y a un joueur dans l’ombre dans cette équipe, c’est bien lui, a relaté le secondeur Alex Cromer-Émond. Il n’a quasiment jamais le ballon. Ce n’est pas celui qui se fait remarquer en faisant des jeux. Lui, il se fait remarquer en faisant des blocs et en frappant des gars sur le terrain. »

« Si Sean Thomas Erlington brille autant, c’est en partie grâce à lui, a ajouté celui qui en est à sa quatrième campagne en tant que coéquipier de Narbonne Bourque. Sean va toujours le dire et Narbonne le sait aussi. Mais il laisse la gloire à Sean parce qu’il est comme ça. Narbonne a toujours priorisé les autres avant lui. C’est un "bon Jack" à cause de cela parce que ça ne le dérange pas. »

Thomas Erlington, les autres demis offensifs et les quarts-arrières doivent être très contents de pouvoir compter sur les services de leur centre-arrière de cinquième année.

Avant même de savoir s’il allait être repêché ou invité à un camp d’une équipe de la LCF, Narbonne Bourque avait fait le choix de revenir disputer sa dernière année d’admissibilité universitaire. Une décision mûrie qu’il n’a jamais remise en question durant un hiver où sa vie a pris un tournant inattendu.

Un fils attentionné

Pendant qu’il était le « Ironman » chez les Carabins, Nicholas Narbonne Bourque a dû jouer en quelque sorte au « Superman » à la maison.

Dans les semaines suivant le revers crève-cœur des Bleus face à UBC à la Coupe Vanier, une nouvelle bouleversante est venue frapper de plein fouet sa famille : sa mère a reçu un diagnostic de cancer de la gorge et devait se soumettre à des traitements pour éradiquer la maladie.

« Du mois de décembre au mois de juin, ce fut des moments plus difficiles, a raconté en détail celui qui a été au chevet de celle qui l’a mis au monde durant cette dure épreuve. Les médecins, ils ne se prononcent pas. C’est de vivre toujours dans l’attente et l’incertitude qui est difficile surtout que je suis une personne qui sait où elle s’en va et qui se fixe des buts et des points. »

Comme il le fait dans le sport qui le passionne, Narbonne Bourque a priorisé les besoins des autres avant les siens et a fait preuve de leadership. Le foyer familial – où ce dernier habite toujours – étant à Saint-Jérôme, la famille a loué un condo à Montréal pour être plus près de l’hôpital Notre-Dame où sa mère était traitée.

Le rythme de vie de Narbonne Bourque était effréné. Il accompagnait sa mère le matin pour ses traitements et la ramenait au condo lorsqu’elle avait fini sa dose quotidienne de radiothérapie. Puis, c’était les cours et l’entraînement. Parfois, il devait même choisir entre les deux et qui peut le blâmer d’avoir quelquefois fait l’école buissonnière pour aller se défouler dans le gymnase.

Il allait ensuite faire à souper à sa mère, lui qui est aussi habile dans une cuisine que pour sceller un corridor de course avec un bloc percutant.

« La terre n’arrête pas de tourner quand tu es malade alors on a pris chacun une part de responsabilité », a décrit celui qui semble avoir une force mentale hors du commun en précisant qu’il n’a pas pris soin de sa mère tout seul puisque son beau-père a toujours été là pour l’épauler.

Nicholas Narbonne Bourque au camp d'évaluation de la LCF.Malgré cette période difficile, Narbonne Bourque n’a pas mis sa vie en veilleuse. Jamais n’a-t-il pensé à prendre une pause académique alors qu’il complétait sa dernière session pour obtenir son baccalauréat en communication politique. Et encore moins de délaisser l’entraînement et sa participation au camp régional d’évaluation de la NFL, à Baltimore en février, et à celui de la LCF, à Montréal en mars.

« Je m'étais mis en tête que si je voulais qu’elle garde le moral, je devais lui donner quelque chose, a expliqué celui qui est très proche de sa mère. Si j’étais capable de la rendre fière, je serais en mesure de la garder positive et forte. À ce moment-là, elle aurait plus d’énergie pour continuer ses traitements. Je me suis dit que son esprit positif devait passer par moi et j’ai tout donné pour elle et pour moi. »

La salle d’entraînement devenait donc son exutoire. Et ses coéquipiers des Carabins l’ont soutenu comme c’est le cas dans toute équipe sportive lorsqu’un membre de celle-ci vit de l’adversité.

« Entre l’hôpital, ma mère et l’école, il n’y avait pas grand-chose. Avec les combines, j’étais soit avec ma mère, avec ma blonde ou ici (CEPSUM), s’est-il souvenu. J’avais amené une pancarte et les gars l’ont tous signé en plus d'écrire des mots de rétablissement. Autant que ça m’a aidé, je crois que ça l’a aidée aussi. Les gars ont toujours pris des nouvelles d’elle et de moi à savoir comment je me sentais dans tout ça. »

Après les tests physiques et les exercices dans la NFL et la LCF, l’appel des professionnels n’est jamais venu. Une mince déception puisqu’il avait déjà pris la décision de retourner à l’UdeM, offre de contrat ou pas. Mais le plus important, c’était la fin des traitements de sa mère.

Lorsque sa mère a terminé ses traitements de radiothérapie, Narbonne Bourque a pris du temps pour se reposer puisqu’il était épuisé avec toutes les courtes nuits accumulées au fil des mois.

Et finalement, au mois de juin, la bonne nouvelle est finalement tombée : sa mère avait vaincu le cancer. « Elle va mieux, disait Narbonne Bourque mercredi. On a eu les confirmations au mois de juin et elle a réussi à passer au travers du cancer. Ce sont des nouvelles qui sont arrivées au bon moment pour que je passe un été un peu plus relax. »

Un rassembleur

Au fil des années, le rôle de Nicholas Narbonne Bourque au sein des Carabins a évolué quelque peu. La blessure au centre-arrière Alexandre Dupuis en 2012, maintenant avec les Argonauts de Toronto, et les formations musclées pour la course ont fait en sorte qu’il a vu du terrain en attaque dès son année recrue.

Déjà, même si son rôle offensif était limité, on l’identifiait comme un leader. Ces personnes avaient vu juste puisqu’il est aujourd’hui l’un des capitaines de l’équipe et un motivateur, que ce soit par ses actions ou ses paroles.

« J’ai tranquillement pris un peu plus de place chaque année, a convenu celui qui a capté deux passes pour 12 verges cette saison. En devenant partant en 2014, j’ai amené le leadership à un autre niveau en étant plus présent. Je pouvais plus influencer les autres joueurs. On avait un idéal et on a changé la mentalité. Avec Byron Archambault, Gabriel Cousineau, Anthony Coady et les autres, on a solidifié ce qu’on voulait faire pour finalement arriver à quelque chose qui nous amènerait loin. »

Dans tous les films ou séries de football qui se respectent, on retrouve toujours une scène où l’un des personnages principaux livre un discours motivateur avant que ses coéquipiers et lui n’aillent à la guerre sur le terrain.

Nicholas Narbonne Bourque en 2013Chez les Carabins, ce joueur, c’est Nicholas Narbonne Bourque.

« Il est un rassembleur. Avant les rencontres, c’est Nic qu’on écoute et il a les bons mots pour nous motiver, a reconnu le spécialiste des longues remises, Louis-Philippe Bourassa. Il est ensuite capable d’appuyer ce qu’il dit parce qu’il laisse tout sur le terrain. »

« C’est toujours lui qui fait le discours d’avant-match et ce n’est pas pour rien. Il a beaucoup de vécu dans sa vie. Ça fait de lui une personne complète autant à l’école, qu’au football, que dans la vie. Les gens aiment ça et le remarque et c’est pourquoi c’est un aussi bon leader chez nous », a soutenu Cromer-Émond qui est aussi un capitaine des Bleus.

Narbonne Bourque ne limite pas son leadership qu’à l’intérieur des murs du CEPSUM.

Cuisinier et mixologue hors pair, le numéro 33 montre que le concept de famille chez les Carabins ne s’arrête pas qu’au football. Une fois par année, il invite les gros bonshommes de la ligne offensive pour leur concocter un souper.

Pour la troisième édition de cette activité, Narbonne Bourque les a conviés à une fin de semaine sauvage au camping de sa famille à L’Annonciation. Au menu : descente de tripes, quelques bières, du soleil, un feu, de bonnes jasettes et, évidemment, de la bonne bouffe.

« C’était vraiment cool, a lancé celui qui compte effectuer des études en droit dès l’an prochain. Je pense que ça reflète un peu c’est quoi la culture des Carabins. Nous sommes des joueurs de foot. Mais on est des chums. On a eu une fin de semaine "de gars". »

« C’est tout un leader et ce n’est pas seulement entre les lignes du terrain ou dans le vestiaire, a lancé son entraîneur-chef, Danny Maciocia. Son leadership, on le sent aussi à l’extérieur. Pendant la saison morte, il organise des activités et des soirées. Il y a une tendance à tenir les choses pour acquises (au football), mais ces activités peuvent aider grandement pendant la saison. »

Un moteur 12 cylindres

Lorsqu’on lui parle des Carabins et de l’Université de Montréal, on sent que c’est bien plus qu’une question de football et d’études pour Nicholas Narbonne Bourque.

« C’est un peu cliché à dire, mais je ne pense pas que tu peux retrouver ça ailleurs dans les autres équipes que ce soit au Québec ou au Canada. Ce qu’on vit ici, le rythme de vie, les entraîneurs, les joueurs, l’ambiance, le vestiaire, le gymnase et la structure, c’est quelque chose qui est... wow! », a-t-il dit avec une expression faciale qui montre sa fierté d’être un Carabin.

Adamo Iadeluca, Danny Maciocia, Nicholas Narbonne Bourque et Hantz BoursiquotAprès ses cinq années en bleu, qu’est-ce qu’il aura laissé comme legs à ce programme qu’il a aidé à amener où il est aujourd’hui?

« L’enthousiasme et la hargne. Le fait que quand ça commence, c’est à 100% du début à la fin. Que le pointage soit 50-0 ou 0-50, il n’y a rien qui change. Tu mets la clé dans le moteur et tu pèses dans le fond. That’s it, that’s all », a-t-il lancé avec conviction.

Et ses coéquipiers, qu’est-ce qu’ils retiendront du passage de ce dernier?

« On utilise l’expression "stud" de football. Mais lui, c’est un "stud " tout court. C’est quelqu’un qui est là pour les autres. Il a une copine pour qui il est un très bon copain. Il s’occupe beaucoup de sa mère. La plupart du temps, il pense aux autres avant lui et c’est un peu le reflet de sa position », a illustré Alex Cromer-Émond.

Il reste encore beaucoup d’essence dans le réservoir de Nicholas Narbonne Bourque. Du super plomb en plus. Samedi, il foulera le Stade Percival-Molson pour la première fois depuis qu’il a soulevé la Coupe Vanier en novembre 2014, le plus beau souvenir de sa carrière avec les Carabins.

Reste à savoir si les étoiles seront alignées pour qu’il termine sa carrière universitaire avec le précieux trophée au bout des bras, comme l’avaient fait Byron Archambault, Mathieu Girard, Anthony Coady et Mikhaïl Davidson, des joueurs qui ont aussi marqué le programme à leur façon.