Le sujet de la parité dans le football universitaire est revenu à l’avant-plan à la suite des deux victoires écrasantes du Rouge et Or face aux Gaiters et aux Redmen.

Premièrement, ce n’est pas une situation exclusivement présente au Québec. Faites le tour des résultats dans les autres associations au Canada et vous verrez qu’il y a des écarts de plus de 60 points dans celles-ci aussi.

Ce sont des choses qu’on voit partout. Non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis. Lorsqu’Alabama affronte Nevada ou Ball State, ils vont les détruire. Malheureusement, c’est la réalité du football universitaire. Pourquoi? Parce que les équipes sont construites via le recrutement. Ce n’est pas un repêchage comme au niveau professionnel où l’on s’assure d’une parité avec un plafond salarial et des chances égales de repêcher de jeunes joueurs.

Au football universitaire, ce sont les joueurs qui décident où ils veulent aller et les finissants collégiaux choisissent généralement les meilleurs programmes universitaires.

Depuis maintenant plusieurs années, le Rouge et Or s’est établi comme le meilleur programme au Canada. Les bons joueurs au Québec décident en grand nombre de se joindre à l’Université Laval. Ils réalisent qu’ils ont de bonnes chances de remporter une coupe Vanier au courant de leur carrière en allant à Québec. Les probabilités sont également bonnes de décrocher le titre de l’association québécoise, de gagner plus de matchs que d’en perdre et aussi d’être repêché au niveau professionnel. Les formations de la LCF n’hésitent pas à aller puiser dans les meilleurs programmes universitaires.

Deuxième chose expliquant le succès du recrutement du Rouge et Or, les universités ont toutes quelque chose de différent à offrir. L’Université Laval compte près de 40 000 étudiants avec des facultés et des programmes diversifiés. Peu importe la discipline choisie, tu peux étudier à l’Université Laval. Par exemple à Bishop’s, une université de 6000 étudiants environ, ce ne sont pas tous les programmes qui sont offerts. Il y a moins d’options pour les étudiants.

Lorsque j’ai fait le choix de faire mon cours de droit, de facto, je devais éliminer Concordia et Bishop’s. À l’époque, il n’y avait pas encore d’équipes à l’Université de Montréal et à celle de Sherbrooke. Bref, c’était entre McGill et Laval et je n’avais pas les notes pour être admis à McGill. Alors je me suis inscrit à l’Université Laval qui offrait un excellent programme de droit. Les exigences académiques sont différentes d’une université à l’autre. McGill a cette réputation d’une université de pointe qu’elle veut maintenir. Il est donc plus difficile d’y être admis qu’ailleurs.

Ensuite, il y a aussi ce que la ville t’offre. Québec est une belle ville universitaire tout comme à Sherbrooke avec la présence de services autour. Pour certains, Montréal offre la même qualité d’éducation et une belle vie. Ce n’est pas nécessairement la vie étudiante, mais plutôt la vie urbaine qui peut attirer des joueurs.

À Québec, la ville est embarquée derrière le programme. Quand tu visites une université et que tu vois qu’il y a 15 000 spectateurs dans les gradins, c’est fort intéressant d’aller y jouer et d’avoir cette foule derrière toi.

Tout ce qu’une université offre explique pourquoi certaines ont plus de succès que d’autres à recruter.

Lorsque j’analyse la domination du Rouge et Or au Québec, ce que je remarque c’est que les conditions parfaites étaient présentes. Tous les éléments sont là pour bâtir un programme gagnant que ce soit du côté des infrastructures, de la ville ou de l’université. L’UdeM a un excellent programme aussi, je n’enlève rien aux Carabins. Mais depuis plusieurs années, c’est le Rouge et Or qui domine au Québec.

Un autre point est du côté des entraîneurs. Je veux que vous me compreniez bien. Je ne veux pas dénigrer les autres universités.

Le seul programme que je connais de l’intérieur, c’est celui du Rouge et Or et je le connais très bien. Je peux dire une chose : les entraîneurs lavallois travaillent comme des acharnés. Le football est leur vie. Glen Constantin et ses adjoints aiment gagner, mais ils ont encore plus peur de perdre.

Certains pourraient penser que le Rouge et Or prend à la légère des adversaires comme Bishop’s et McGill, mais ce n’est pas le cas. Les joueurs et entraîneurs ont une peur noire de perdre ces matchs. Ils se préparent chaque semaine comme si c’était la coupe Vanier. Ils prennent chacun de leur adversaire au sérieux. S’ils ne le faisaient pas, il n’y en aurait pas de match de 70-3 comme le résultat de la victoire face aux Redmen le week-end dernier.

L’équipe au complet travaille fort. Tout le monde rentre tôt et quitte tard. Les joueurs embarquent là-dedans. Ça crée une culture et une discipline auprès des joueurs. C’est une organisation d’excellence qui n’a pas encore été égalée. Ce qui a été bâti à l’Université Laval n’a pas été imité nulle part. On tente de trouver des recettes qui ressemblent à celle-là, et on réussit à beaucoup d’endroits, mais ce n’est pas encore à la même échelle que le Rouge et Or.

Au-delà de tout ça, et encore une fois, ce n’est pas pour dénigrer aucun programme, mais l’engagement des joueurs est aussi à considérer dans la domination du Rouge et Or. Les joueurs commencent à s’entraîner en janvier et ne manquent pas d’entraînement. C’est 12 mois par année. Ils restent à Québec pendant l’été et se trouvent un emploi pour s’entraîner avec la formation. Le championnat ne se gagne pas à partir du mois d’août. Il se gagne à compter du mois de janvier.

Tous ces éléments mis ensemble font en sorte que ce programme a pris le contrôle de la division du Québec.

Les solutions

Ceci étant dit, il n’y a pas 1000 solutions. J’ai entendu parler de l’idée d’un repêchage, mais ce n’est pas une avenue possible étant donné que les étudiants doivent avoir le libre choix de leur institution scolaire.

Il y a l’idée de créer des divisions au sein du Canada. Cette solution est plus intéressante. Cela permettrait au Rouge et Or d’aller jouer contre les Dinos de Calgary et les Marauders de McMaster, pour ne nommer que ceux-là, une fois par année. Il pourrait y avoir une division plus forte. Le modèle du football collégial pourrait être reproduit alors que les équipes qui remportent le championnat montent d’une division l’année suivante.

Mais combien coûterait ce modèle avec tout le voyagement que cela impliquerait? La logistique d’un tel changement serait énorme. On ferait voyager des jeunes à travers le pays pendant une année scolaire. Les joueurs demeurent des étudiants avant tout.

Je crois que l’option est intéressante. Une équipe du Québec voyagerait une fois dans l’Ouest, une fois en Ontario et une fois dans les Maritimes. Ensuite, il y aurait encore trois équipes de chaque ligue par division, donc elles pourraient s’affronter entre elles à deux reprises chacune. Bref, il y a sûrement une façon de limiter les voyages pour les étudiants et pour aider les universités en ce qui a trait au financement.

Ceci est un peu à l’extérieur de mon expertise et de mes connaissances. Mais je peux dire que c’est une option qui a été soulevée et qui mérite d’être prise en considération.

Ensuite, on pourrait changer la formule des éliminatoires. Comme aux États-Unis, il pourrait y avoir des « bowls ».

Il y aurait un championnat national comme la Coupe Vanier. Mais pour d’autres universités, qui ne peuvent aspirer aux grands honneurs en raison de leur situation particulière, on pourrait leur permettre d’obtenir des victoires d’une différente manière. Par exemple, les universités de moins de 10 000 étudiants pourraient avoir leur propre championnat attitré à eux.

Chose certaine, il ne faut pas niveler vers le bas. Je pense qu’on ferait une grave erreur en descendant des programmes comme ceux des Carabins, du Rouge et Or et des Dinos de Calgary.

Ce qu’il faut faire, c’est de trouver des solutions pour aider les universités qui figurent au bas du classement à rejoindre et à élever la qualité et le standard établis par les universités de premiers plans.   

L’écart au classement entre les Carabins et le Rouge et Or ne reflète pas l’écart entre les deux programmes. Pas plus tard que l’an dernier, l’Université de Montréal a passé très près de vaincre le Rouge et Or à la Coupe Dunsmore. L’Université Laval l’emporte depuis des années, mais c’est serré. C’est une question de temps avant que les Carabins gagnent un championnat de division.

*Propos recueillis par Christian L-Dufresne