Hier, après cinq longues années de durs labeurs, Joannie Rochette a terminé son cours en médecine. Diplômée de l’Université McGill depuis quelques heures, elle s’apprête maintenant à aller prêter main-forte dans les CHSLD.

« Je viens tout juste de finir mon cours. Je vais envoyer mon application pour aller aider, explique l’ancienne médaillée olympique. J’ai plein d’amis qui vont y aller aussi et j’en ai plusieurs autres qui sont déjà en train de faire du bénévolat. Peu importe ce que l’on fait, c’est un devoir d’aider. Mon grand-père Arthur est toujours en vie, il a 94 ans et je voudrais mieux pour lui s’il ne vivait pas avec mon oncle. Il n’est pas hébergé dans un CHSLD, mais je me mets à la place des gens et j’aimerais savoir que les personnes que l’on aime sont bien et qu’elles finissent leurs jours dans la dignité. »

Le besoin d’aide est criant dans les CHSLD. Le premier ministre François Legault le rappelle de façon quotidienne. Son cri du cœur a bien sûr été entendu par les étudiants, mais avant d’aller s’impliquer sur la ligne de front, les finissants en médecine devaient s’assurer de compléter l’exigeant dernier droit de leur formation sans tomber malades.

« Je n’ai pas peur pour ma santé. Enfin, oui un peu quand même, car je ne suis pas Superwoman, et même si je suis jeune et en santé, tout le monde est à risque. Ce qui me fait peur, c’est de voir le manque de personnel dans les CHSLD, la charge de travail et l’état des lieux. Il faut aussi considérer que je ne pourrai pas voir ma famille. »

« C’est certain que je n’ai pas étudié pour ça. Mais les étudiants qui graduent en médecine, on a vécu beaucoup d’expériences sur le côté humain, surtout les deux dernières années qui se déroulent en stage, sur le terrain. On peut aider les familles ou prendre un patient en charge. Mon dernier stage était en gériatrie, alors je pense que ça peut m’aider dans les CHSLD. »

Comme sa mère Thérèse

À l’automne ou plus tard après la crise, Joannie va entreprendre sa  formation en résidence à l’Université de Montréal. Acceptée en anesthésiologie, elle en aura encore pour un autre cinq ans avant d’avoir terminé sa spécialisation. Elle aura alors 39 ans. C’est un long parcours qui demande rigueur, discipline et sacrifices comme le chemin qui mène aux Jeux olympiques. Et l’ancienne patineuse le savait quand elle a choisi la médecine.

« J’ai toujours voulu faire ça et c’est la raison pour laquelle j’ai appliqué en sciences de la santé quand je suis rentrée au Cégep. Ma mère était préposée aux bénéficiaires et j’allais avec elle au CHSLD pour nourrir les résidents. La vision qu’elle avait de la médecine et des médecins, ça m’a amené vers ça », raconte Joannie.

Du coup, Vancouver refait surface.

C’était il y a dix ans déjà quand elle a appris que sa mère Thérèse avait succombé à un arrêt cardiaque, quarante-huit heures avant la présentation de son programme court sur la glace du Pacific Coliseum. La question n’était pas prévue, mais elle devient incontournable. Aujourd’hui, Thérèse serait sûrement très fière de voir le cheminement professionnel de sa fille.

« J’ose espérer que oui! Peu importe ce que je fais dans la vie, peu importe où elle est, on dirait toujours que je veux qu’elle soit fière de moi. »    

Si le travail de sa mère comme préposée aux bénéficiaires a guidé le chemin de Joannie, le patinage artistique lui a aussi permis d’en apprendre un peu sur la médecine avant de lancer dans ces longues études.

« Chaque fois que j’avais des blessures, j’essayais de comprendre ce qui se passait et la physiologie du corps humain. L’anesthésie, c’est cool! C’est très technique et je trouve que ça ressemble un peu au patin dans ce sens-là ».

Une vision différente de la vie

Comme tous les médecins et les scientifiques qui se prononcent publiquement depuis le début de la pandémie, Joannie est sidérée par ce qui arrive. Impossible de connaître précisément comment le virus de la COVID-19 va évoluer, ici ou ailleurs dans le monde. Confinée à la maison, elle a terminé ses dernières semaines de médecine avec des cours en ligne et a suivi attentivement la situation à travers la planète.

« On est encore en train d’en apprendre. D’un point de vue scientifique, il y a beaucoup d’informations contradictoires et c’est difficile de savoir quelles seront les complications à long terme. Il y a plusieurs approches différentes dans le monde, mais, ici au Québec, ça paraît que notre premier ministre à la santé des gens à cœur. Il fait son possible pour protéger la population, raconte l’ancienne olympienne, bien placée pour comprendre ce que vit actuellement François Legault. Ça ne doit pas être évident pour lui en ce moment avec le manque de sommeil, le stress et les points de presse quotidiens. Je ne voudrais pas être à sa place », ajoute-t-elle.

« Je compare un cours en médecine à un cycle olympique. Il y a beaucoup de choses qui peuvent se produire en quatre ou cinq ans. Ma vision des choses en générale a beaucoup changé depuis le début de mes études. Malheureusement, souvent les gens qui sont le plus malades, ce sont ceux qui vivent des conditions plus précaires. Être exposée à cette réalité, ça change les choses. Ça me fait réaliser aussi que nous sommes chanceux de vivre au Québec. On a un bon système, avec un bon filet social pour protéger les populations plus vulnérables. »

Et maintenant, nous avons Joannie Rochette qui s’ajoute pour aider à améliorer la situation, comme sa mère le faisait avant elle.