C'est le 2 octobre prochain que se déroulera la septième édition de la Classique Émilie Mondor dans le cadre enchanteur et les sous-bois du Parc du Grand-Coteau de Mascouche. Au printemps dernier, le Émilie Mondor Invitational Track Meets' fut tenu à l'Université Simon Fraser de Colombie-Britannique et au début de l'année, à Ottawa cette fois, on organisait le Émilie's Run, une course de cinq kilomètres pour femmes.

Le nom d’Émilie Mondor est bien connu dans la grande communauté des coureurs au pays. Mais pourquoi la mémoire de cette jeune femme est-elle ainsi honorée? Qui était Émilie Mondor? Alors qu'on soulignait le triste dixième anniversaire de son décès tragique il y a quelques jours (9 septembre), il serait bien de revenir sur certains des exploits de cette athlète d'exception.

Une battante dès le début

C'était peut-être précurseur de son tempérament déterminé et de son attitude courageuse, mais la venue au monde d'Émilie, le 29 avril 1981 à Mascouche, est déjà une grande bataille. Elle naît prématurément à 33 semaines, ce qui entraîne des problèmes respiratoires dès son plus jeune âge. Rien ne laisse alors présumer que ce petit bébé frêle deviendrait une des plus grandes coureuses de fond de l'histoire canadienne.

Lorsqu'elle entreprend ses études secondaires au Collège Saint-Sacrement, elle est une jeune fille active qui s'intéresse à plusieurs sports. L'athlétisme en fait partie, mais également le volleyball et le soccer. Mais voilà qu'elle réalise que certaines de ses coéquipières n'affichent pas la même détermination et discipline qu'elle. Une situation qui la frustre puisque pour Émilie, tout doit être fait pour gagner.

C'est ainsi qu'elle décide de se consacrer à un sport individuel, l'athlétisme. En cas de résultats malheureux ou décevants, elle n'aurait qu'elle même à blâmer. À 14 ans, lors des Jeux du Québec, elle remporte une première médaille grâce à une deuxième place au pentathlon. Deux ans plus tard, elle commence à se faire un nom sur la scène québécoise en mettant la main sur trois médailles dorées à ces mêmes Jeux. Elle se retrouve sur la plus haute marche du podium aux 800 mètres, 1 500 mètres et 3 000 mètres. Un exploit.

En 1998, à un mois de son 17ème anniversaire et quelques semaines après un premier titre national, elle quitte en direction du Maroc pour prendre part au Championnat du monde de cross-country junior. C'est pour elle une première occasion de goûter à l'ivresse des grands voyages pour participer à une compétition internationale. Elle prend le dixième rang d'une course de 6 kilomètres relevée et c'est encore plus motivée à poursuivre son entraînement qu'elle revient au pays. Les années à venir sont porteuses de tous les espoirs. Elle est déterminée à tout faire pour gagner.

En 2001, Émilie décide de s'exiler en Colombie-Britannique pour poursuivre son entraînement. Le climat de la côte ouest est beaucoup plus doux et propice à un entraînement extérieur, même en hiver. Malgré le fait qu'elle ne parle pas anglais, elle est convaincue que c'est la chose à faire pour passer au niveau supérieur. Elle en profite pour entreprendre des études en sciences à l'Université Simon-Fraser. Elle fera honneur à cette institution d'enseignement en remportant plusieurs victoires partout à travers le monde.

Émilie MondorLa consécration

C'est en 2003 qu'Émilie entrera dans le grand livre des records canadiens en réalisant un immense coup. D'abord, elle termine 13ème sur 4 kilomètres aux Mondiaux de cross-country. Puis, le 26 août, elle participe à la finale du 5 000 mètres du Championnat du monde d'athlétisme à Paris. Elle donne tout ce qu'elle a dans le ventre et termine en douzième position, une réussite remarquable puisqu'il s'agit d'une des distances les plus compétitives de la planète. Mais c'est surtout son chrono enregistré lors de la demi-finale qui frappe l'imaginaire: 14 minutes, 59 secondes et 68 centièmes. Elle devient la première Canadienne de l'histoire à courir le 5 000 mètres en moins de 15 minutes! Elle est alors dans une forme exceptionnelle comme le démontre son chrono au 3 000 mètres de la réunion de Zurich: 8 minutes et 44 secondes. En fait, elle est dans une forme olympienne. Voilà qui est de bon augure puisque les Jeux olympiques d'Athènes approchent.

Malgré tout, elle se présente en Grèce, en 2004, en étant réaliste. Elle sait qu'il lui sera impossible de grimper sur le podium tellement la domination africaine est indubitable. Son objectif est de participer à la finale du 5 000 mètres et de bien se classer. Elle est encore jeune et elle souhaite simplement poursuivre sa progression au milieu de l’élite. C'est ce qu'elle parviendra à faire en terminant 17ème (15:20.15). Elle est la plus rapide des coureuses du continent américain.

Une santé fragile

Le nom de la jeune coureuse de Mascouche est maintenant bien connu à l'échelle de la planète. La pression de performer devient plus grande. En 2005, elle déménage ses pénates pendant quelque temps en Californie pour s'y entraîner en altitude. C'est là que les premiers signes de faiblesse et de découragement apparaissent. Son corps semble l'abandonner.

Un médecin lui apprend qu'elle souffre d'ostéoporose, un problème de densité osseuse. En gros, ses os semblent incapables d'absorber le calcium. Une situation frustrante qui lui fait même penser à abandonner sa carrière de coureuse et qui la force à s'aliter et à prendre un été sabbatique.

Heureusement, un médicament révolutionnaire viendra à sa rescousse et l'aidera à retrouver sa forme. Elle envisage l'année 2006 avec optimisme et souhaite rapidement oublier 2005, une année où elle aura tout de même remporté quelques titres, notamment celui du Championnat nord-américain du 5 kilomètres sur route de Chula Vista, en Californie (15:37).

2006

Grâce à sa forme qu'elle retrouve graduellement, l'année 2006 semble prometteuse. Même si elle ne se présente pas à ses premières courses sur route dans une forme optimale, elle réalise des chronos impressionnants. Elle terminera un 10 kilomètres à Ottawa en 32 minutes et 26 secondes. Elle se lie d'amitié avec l'entraîneur reconnu Ken Parker et décide de déménager à Gatineau pour s'entraîner sous sa gouverne. On la voit souvent courir sur une boucle d'un mile au parc de Rockcliffe.

La piste commence à l'ennuyer et elle s'oriente de plus en plus vers la course sur route. Même si elle n'a jamais participé à un demi-marathon et encore moins à un marathon, elle s’inscrit au Marathon de Montréal et accepte une invitation du Marathon de New York à titre de coureuse élite. Cela prouve à quel point son talent et sa vitesse étaient reconnus. Elle a l'objectif ambitieux de terminer la prestigieuse course new-yorkaise en moins de 2 heures et 30 minutes. Son entraînement est conçu de manière à ce qu'elle soit au meilleur de sa forme le jour du départ, le 5 novembre 2006.

La tragédie

Le 9 septembre 2006, Émilie prend la route en direction de Mascouche où elle doit participer à une journée de retrouvailles à son école secondaire. Elle vient tout juste de terminer un entraînement de deux heures avec Parker. Elle est motivée à l’idée de participer au marathon montréalais le lendemain. Elle roule vite et les conditions routières ne sont pas bonnes. Elle perd la maitrise de son véhicule sur l’autoroute 417 à la hauteur de Hawkesbury, en Ontario, et fait plusieurs tonneaux. Elle souffre d’importantes lésions internes et crâniennes. Son décès est constaté lors de son transport vers l’hôpital Civic d’Ottawa. Elle avait 25 ans.

La triste nouvelle se répand rapidement. L’atmosphère n’est pas à la fête le lendemain lors du départ du Marathon de Montréal. Plusieurs coureurs ayant eu l’occasion de la côtoyer sont sous le choc. Son décès est souligné lors du Marathon de New York et plusieurs coureurs portent un ruban noir en sa mémoire. Tous s’entendent pour dire qu’une coureuse au talent remarquable vient de s’éteindre sans avoir eu le temps d'exploiter son immense potentiel.

Une inspiration

Dix ans après sa mort, Émilie Mondor continue d’être une inspiration pour plusieurs jeunes coureurs et coureuses qui aspirent à une carrière internationale. Personnellement, je suivais avec intérêt son cheminement. J’avais même eu l’occasion de la rencontrer à quelques reprises. Elle m’avait grandement impressionné. Facile d’approche et généreuse de son temps, elle avait donné quelques conseils au jeune coureur amateur que j’étais.

Il est remarquable et tout à fait approprié que son nom soit encore aujourd’hui associé à la course à pied. Une sculpture de l’athlète a été érigée à l’entrée des sentiers du parc du Grand-Coteau, à Mascouche, là où elle aimait tant courir. Lorsqu’on emprunte ces sentiers, on a l’impression qu’on la verra surgir dans un détour pour nous croiser à vive allure.

Il y a dix ans, Émilie Mondor nous quittait. Ne l'oublions jamais.