Les dirigeants du célèbre marathon de Londres ont annoncé récemment que c’est la reine Élizabeth II qui donnerait le départ officiel de leur prochaine course. Sa Majesté ne se déplacera pas au centre-ville de la capitale britannique pour lancer l’épreuve de 42,195 kilomètres. Le 22 avril, elle montera plutôt sur un petit podium installé en face de la Tour Ronde, sur les terrains du château de Windsor, et appuiera, à 10h très précisément, sur un bouton donnant le signal du départ aux 40 000 coureurs inscrits.

Il ne faut pas voir dans la royale signification de ce moment une simple anecdote de bas de page. Car en agissant ainsi, la vénérable dame, qui aura célébré son 92^e anniversaire de naissance la veille du marathon, reproduira le geste effectué par sa grand-mère, la princesse Mary, 110 ans plus tard.

En effet, en 1908, la princesse Mary avait donné le départ du marathon des Jeux olympiques de Londres à l’endroit exact où sa petite fille Élizabeth reproduira son geste plus d’un siècle plus tard! Ce départ, donné à 55 participants de 16 nations regroupés sur la pelouse royale, allait marquer à jamais l’histoire du marathon.

Une distance aléatoire

Pourquoi la distance d’un marathon est-elle très exactement de 42,195 kilomètres? Pourquoi, alors que toutes les compétitions d’athlétisme aux Jeux olympiques se mesurent en chiffres ronds (100 mètres, 1 000 mètres, 10 000 mètres, etc.), l’épreuve reine se termine 2,195 kilomètres après la quarantaine?

Il faut savoir que les Jeux de 1908 étaient les quatrièmes de l’ère moderne. Lors des premiers Jeux, à Athènes en Grèce en 1896, on avait décidé de fixer à environ 40 kilomètres la distance du marathon. Pour ce faire, on se basa sur la légende antique de Phillipidès. Ce messager grec  aurait couru d’un seul trait la distance séparant les cités de Marathon et Athènes pour proclamer la victoire contre les Perses après une terrible bataille à Marathon en 490 avant Jésus-Christ. Le pauvre se serait tellement épuisé à la tâche qu’il serait mort peu de temps après avoir délivré sa bonne nouvelle.

Ce premier marathon olympique couronna un jeune berger grec de 20 ans, Spyridon Louis, qui expliqua sa victoire par l’ingestion nourrissante de quelques litres du lait de ses brebis! L’hydratation pendant l’effort a bien changé depuis.

Lors des deux marathons olympiques suivants, ceux de Paris et Saint-Louis, la distance fut fixée aléatoirement à une quarantaine de kilomètres par les responsables de l’événement. Le célèbre marathon de Boston, couru depuis 1897, proposait également des parcours variables d’environ 40 kilomètres lors de cette période.

Pour plaire aux enfants royaux

Mais tout va changer aux Jeux de Londres, le 24 juillet 1908. La famille royale anglaise souhaite que ses enfants puissent assister au départ de la course bien installés au balcon du château de Windsor. On trouve l’idée excellente, d’autant plus que cela assure la sécurité des coureurs lors des premiers kilomètres puisqu’on craignait d’être incapable de contrôler la foule nombreuse s’étant massée à l’extérieur des limites du domaine du roi.

L’arrivée de la course est imposée sous la loge qu’occupe le roi Edouard VII dans le stade de White City, aujourd’hui démoli. C’est une question de protocole. Ainsi, pour répondre aux caprices de la famille royale, le parcours d’une quarantaine de kilomètres se trouve allongé à très exactement 42,195 kilomètres.

On se souvient également de ce marathon pour sa finale controversée. Le premier coureur à pénétrer dans le stade est l’Italien Dorando Pietri, un chef pâtissier. Complètement épuisé par l’écrasante chaleur et l’humidité qui règne, il entreprend le tour du stade dans la mauvaise direction. Après avoir corrigé son erreur, il franchit le fil d’arrivée en premier, non sans avoir reçu l’aide des officiels à plusieurs reprises pour se relever de ses cinq chutes sur 400 mètres!

Alors qu’on évacuait Pietri sur une civière, l’Américain John Hayes complète la course en deuxième place. La délégation américaine loge un protêt, estimant que Pietri avait reçu une aide indue. Pietri sera finalement disqualifié. Mais la reine Alexandra lui remettra une coupe en or pour le réconforter et il deviendra une gloire nationale en Italie.

Il fallut attendre encore quelques années avant que les dirigeants de l’athlétisme mondial décident de légiférer pour fixer une fois pour toutes la distance du marathon. De 1908 à 1920, on continua de courir des marathons d’approximativement 40 kilomètres. Puis, en 1921, on tranche! Les représentants britanniques sont convaincants et rappellent l’approbation royale de la distance de 1908. La distance de 42,195 kilomètres, précisément mesurée par les Anglais, est officiellement adoptée.

Aux Jeux olympiques de Paris, en 1924, la longueur du marathon est celle de 1908. Il en est toujours ainsi depuis. Et comme si la sanction royale n’était pas suffisante, le déjà très crédible marathon de Boston emboîte le pas lors de ces mêmes années avec des courses de 42,195 kilomètres.

Donc le 22 avril prochain, lorsque la reine Elizabeth II donnera le signal du départ du marathon de Londres,  sa simple présence rappellera au reste du monde que c’est peut-être une vieille légende grecque qui a inspiré le nom de cette course de fond, mais que c’est sa famille qui aura aidé à en établir la distance.