Répandez du sable, piquez-y un filet, tendez des rubans qui serviront de lignes prêtes à vibrer à la moindre touche de ballon, ajoutez une musique festive et un annonceur enthousiaste, faites entrer quatre athlètes spectaculaires, une foule prête à être éblouie et inondez le tout de soleil. Vous avez là la recette parfaite pour faire un succès d’un événement. Le volleyball de plage, à ces Jeux du Canada 2017, apporte une touche d’exotisme et de vapeurs de mer (faut quand même avoir un peu d’imagination) à une ville qui n’échappe pas, elle non plus, aux multiples chantiers de construction.

J’avais couvert la finale du volleyball de plage à sa première édition, à London en 2001, sur les rives du lac Ontario qui se donnait des prétentions d’océan, avec son horizon dénudé et ses vagues qui chatouillaient la plage. Le calibre n’était pas particulièrement relevé et c’était beaucoup la tenue vestimentaire des filles qui avait fait jaser… parce qu’elles étaient obligées de porter shorts et t-shirts! Mais c’est là surtout que j’avais rencontré Annie Martin pour la première fois. Elle et sa partenaire Marie-Ève Morin avaient littéralement survolé le tournoi en ne perdant pas une seule manche et en remportant par le fait même la première médaille d’or de cette discipline.

Je l’ai revue aux Jeux d’Athènes trois ans plus tard, elle qui faisait alors équipe avec Guylaine Dumont. Tout le Canada avait vibré avec elles quand elles l’avaient tenu en haleine en chauffant les favorites de la compétition, les Américaines Kerry Walsh et Misty May, qui devaient enfiler trois médailles d’or olympiques consécutives. Il y avait quelque chose de profondément touchant dans cette équipe formée d’une athlète de 36 ans, Guylaine, mère d’une petite Gabrielle alors âgée de trois ans et de cette toute jeune fille de 22 ans, Annie, pour qui le ciel était une limite beaucoup trop proche. Elles s’inspiraient mutuellement, ayant chacune à apprendre de sa partenaire et ont littéralement transcendé ces Jeux, fixant leurs performances - une très belle 5e position - dans la mémoire populaire.

Les retrouver aux Jeux du Canada 2017, Guylaine comme analyste à mes côtés, Annie comme entraîneuse des équipes du Québec, avec son conjoint Vincent Larrivée (lui-même leur entraîneur à l’époque) a quelque chose de magique. Les revoir côte à côte, partageant encore cette complicité née dans les grands événements, est touchant. Guylaine Dumont n’a rien perdu de l’image qu’elle projetait à l’époque, un mélange de calme et d’expérience, une profondeur dans son regard et dans ses paroles. Elle l’a simplement bonifiée. Annie est toujours aussi pimpante, joyeuse, allumée, et son image dynamique et énergique n’a pas pâli au cours des ans.

« Je surfe encore sur la vague des jeux d’Athènes, m’a dit Guylaine, même si ça peut paraître incroyable après tant d’années.  J’ai reçu d’innombrables témoignages de gens qui ont été inspirés par notre histoire, par notre cheminement. Ce fut pour moi le déclencheur d’une autre étape dans ma vie. »

Sans vraiment le provoquer, elle s’est mise à attirer les confidences des athlètes, des entraîneurs, parfois même de gens qui n’avaient pas de lien avec le sport. Et de là est née l’idée de fonder Sport’aide, un organisme sans but lucratif qui a pour mission de de favoriser un milieu sportif sain et sécuritaire. « Avant Athènes, j’avais vécu des situations difficiles avec des entraîneurs abusifs et je me suis rendue compte que presque 20 ans plus tard, c’était encore tristement une réalité. Le harcèlement, les abus psychologiques existaient encore et ceux qui parfois voulaient le dénoncer étaient condamnés au silence pour toutes sortes de raisons, et les Fédérations ne sont pas outillées pour y remédier. » Les événements des dernières années lui ont donné raison et Sport’aide est maintenant un phare sur lequel les athlètes et entraîneurs peuvent se guider.

Annie de son côté renoue avec les Jeux du Canada de belle façon. Elle y arrive aujourd’hui avec un bagage impressionnant pour être elle aussi un phare à sa façon. L’équipe des filles du Québec a remporté hier une belle victoire devant la Colombie-Britannique plus expérimentée. À titre d’exemple, Quincie Birker et Darby Dunn, reviennent à peine des championnats du monde U21 en Chine où elles ont été battues en 2e ronde qualificative. Et elles ont amorcé le match avec autorité, remportant la première manche 21-14. Mais on a reconnu le souffle de la combativité d’Annie dans la deuxième manche alors qu’Anne-Sophie Tanguay et Emma Bergeron l’ont entamée avec force, prenant la tête et gardant les devants jusqu’à la victoire pour créer l’égalité 1 à 1. La troisième manche fut serrée, mais les Québécoises ont tenu bon et gagné le match, leur garantissant une position plus confortable pour les quarts de finale.

Anne-Sophie et Emma sont jeunes, au début d’une carrière prometteuse, et pour elles aussi, tout comme pour Annie aux Jeux du Canada en 2001 et aux Jeux d’Athènes en 2004, les limites du possible sont totalement abstraites. Si elles peuvent s’inspirer de modèles comme leur entraîneuse ou de Guylaine et sa grande sagesse devant la vie dans tous ses aspects, mais un jour ce sont elles qui en inspireront d’autres et qui leur montreront que dans la vie les rêves peuvent se réaliser. C’est ainsi que la roue tourne, c’est ainsi qu’un ballon de volleyball laisse des sillons dans le sable pour que d’autres puissent en suivre la trace.