Âgé de 35 ans, Karl Gélinas sait bien qu’il n’aura jamais la chance de poser ses pieds sur un monticule du baseball majeur. Un retranchement au camp des Phillies de Philadelphie en 2014 lui a bien fait comprendre qu’on allait préférer un jeune fringant de 19 ou 20 ans.

Loin d’être en peine, l’ancien des Ducs de Longueuil dans la Ligue de baseball junior élite du Québec a marqué l’histoire des Capitales de Québec au même titre que les Michel Laplante, Eddie Lantigua ou Patrick Scalabrini. Une carrière qui a débuté sur un plan B après avoir été libéré par les Angels de Los Angeles (autrefois Anaheim) en 2006.

Ainsi donc, Gélinas aura marqué une organisation de sa province natale, mais n’aura pas pu réaliser son rêve le plus grand. Amer? « Lorsque je vais prendre ma retraite, je serai serein avec ma carrière et avec le fait de ne pas avoir évolué dans les majeures. C’est certain qu’il y a un petit bémol, parce qu’à l’intérieur, je suis persuadé que j’aurais pu être en mesure d’évoluer à ce niveau. Je serai toutefois capable de reconnaître que j’ai eu une belle carrière, surtout avec les Capitales », prédit l’artilleur de 6 pieds et 4 pouces.

Il laisse toutefois tomber une petite frustration sur l’ensemble de son parcours. Gélinas aurait bien apprécié recevoir un coup de téléphone de Baseball Canada dans l’une ou l’autre des compétitions internationales. « Le baseball sera de retour aux Jeux olympiques de 2020 et je sais que je serais capable de faire partie de l’équipe canadienne. Ce serait une belle façon de conclure ma carrière. »

Un plan B de luxe

Ils auront beau affirmer le contraire, mais aucun joueur ne saute au plafond lorsqu’il se joint à une équipe du baseball indépendant. L’athlète se voit éloigner de son rêve d’atteindre le plus haut niveau. « Si tu m’avais dit que je serais encore avec les Capitales 12 ans plus tard, avec plusieurs championnats en poche, je ne t’aurais pas cru. J’étais heureux de revenir au Québec, mais je voulais demeurer au sein du baseball affilié. Michel Laplante m’a beaucoup aidé autant au point de vue technique que mental à mon arrivée à Québec. »

Gélinas a également retrouvé le plaisir de jouer pour gagner, qu’il avait laissé au profit de la performance individuelle dans le baseball affilié. « Quand tu es dans le baseball mineur, tu souhaites presque du malheur à tes coéquipiers, parce que tu veux être celui qui sera rappelé. À Québec, tout ce qu’on veut c’est de gagner des matchs. J’ai également eu l’occasion d’apprendre beaucoup des joueurs comme Éric Gagné et Pierre-Luc Laforest, par exemple. Dans les mineures, on essaie de définir le style d’un lanceur même si ce n’est pas naturel pour lui. À Québec, on a travaillé sur mes forces pour que je devienne le meilleur lanceur selon mes qualités », explique le frère d’Éric, qui a notamment évolué pour l’Avalanche du Colorado et les Devils de New Jersey, dans la LNH.

Gélinas est le meneur dans plusieurs catégories à titre de lanceur dans l’histoire des Capitales. Il est notamment celui qui a remporté le plus de rencontres, avec 101. Seulement deux fois, il a bouclé une saison avec une moyenne de points mérités au-dessus de 4,00.

Une machine à remonter dans le temps

Évidemment que tous les athlètes prendraient ce luxe, mais si Gélinas pouvait recommencer son parcours, avec la palette de connaissances et de sagesse qu’il a acquise au fil de sa carrière, l’histoire serait différente. « Oui, dit-il avant même que la question soit terminée. Si je pouvais retourner à Anaheim, avec ce que je sais sur moi comme lanceur, avec tout ce que j’ai appris au niveau technique, ce serait tellement différent. À ce moment, je ne connaissais pas mes forces comme lanceur et je me concentrais davantage sur les autres lanceurs de l’organisation. Mon passage avec les Capitales m’a aidé à prendre beaucoup de maturité. J’ai voulu amener cette sagesse lorsque j’ai été au camp des Phillies de Philadelphie », explique Gélinas.

Comme Reggie Dunlop

Plusieurs l’ignorent, mais Gélinas ne fait pas que dominer au monticule pour Québec. Il agit aussi à titre d’instructeur des lanceurs. Deux rôles qui ne sont pas toujours faciles à concilier. « Parfois, je trouve que je ne m’occupe pas assez des lanceurs et trop de moi-même. D’autres fois, c’est le contraire. J’essaie toujours d’en apprendre plus et de suivre l’évolution du sport, la mécanique des frappeurs et des lanceurs. Je regarde des matchs du baseball majeur et j’essaie d’appliquer ce que je vois des lanceurs qui ont un style qui s’apparente au mien. J’aimerais être entraîneur une fois que j’aurai pris ma retraite à titre de joueur. »

Et puis, s’il accorde 6 points mérités dans 4 départs consécutifs? « Je crois que les joueurs peuvent faire la part des choses, dit-il en riant. C’est certain que tu ne veux pas que ça arrive, mais mes coéquipiers connaissent le chemin que j’ai parcouru. »

Gélinas ne sait pas encore combien de temps il montera sur le monticule, mais à moins d’une offre irrésistible, ça devrait être sur le monticule du stade Canac jusqu’à la fin.