Nous sommes à une dizaine de jours du début des camps d'entraînement du baseball majeur et plusieurs joueurs autonomes de renom sont toujours sans contrat : J.D. Martinez, Eric Hosmer, Mike Moustakas, Yu Darvish et Jake Arrietta font partie du lot. C'est du jamais vu à ce stade-ci de l'année. À ce groupe, s'ajoutent quelques dizaines de vétérans, parmi lesquels Jose Bautista.

 

Devant cette situation, le mot collusion est revenu dans les conversations pour tenter d'expliquer ce qui se passe.

 

Petit retour en arrière : de 1985 à 1987, les équipes du baseball majeur avaient volontairement fait fi de la libre concurrence et ont été forcées de payer une amende salée quand ils ont été trouvés coupables. D'ailleurs, l'expansion de 1993 avec les Marlins de la Floride et les Rockies du Colorado visaient notamment à payer cette pénalité. À l'époque, la collusion avait été démontrée en raison d'échanges documentés entre les dirigeants. Qu'en est-il aujourd'hui?

 

Les leçons du passé ont été bien apprises et vous pouvez être certains qu'il n'existe aucun échange de quelque nature que ce soit à propos d'une collusion quelconque. Mais alors, que se passe-t-il pour que tous ces joueurs soient encore disponibles? Il y a une combinaison de facteurs qui a mené à la situation actuelle. Voici à mon avis les principales.

 

D'abord, il y a l'absence de ce que j'appelle la « locomotive économique », c'est-à-dire des équipes fortunées qui normalement font grimper les enchères. Si la Ligue américaine a une masse salariale plus élevée depuis des lunes, c'est en raison de l'effet des Yankees de New York. Les autres équipes doivent s'ajuster pour tenter de suivre la parade. Or, les Yankees sont pratiquement absents du marché des joueurs autonomes. Ils ont bougé de façon spectaculaire avec l'acquisition de Giancarlo Stanton. Et au monticule direz-vous? Sonny Gray et Luis Severino vont mener les partants. On mise sur le retour de C.C. Sabathia (à la moitié du prix de l'an dernier) et Jordan Montgomery. Mais pour le reste, ils ne sont pas dans le coup sur le marché et le raisonnement s'applique aussi pour les autres équipes avec des moyens financiers plus élevés : les Red Sox de Boston, les Angels de Los Angeles, les Dodgers de Los Angeles ou encore les Cubs de Chicago.

 

Prenons les Red Sox. Plusieurs voyaient J.D. Martinez à Boston. Mais ils ont déjà trois jeunes voltigeurs en Jacky Bradley fils, Andrew Benintendi et Mookie Betts. Au 3e but? Ils ont le jeune Rafael Devers et à moins d'échanger Xander Bogaerts, il y demeurera. Il reste donc une possibilité au premier but, mais le retour de Mitch Moreland (à un prix moindre) vient pratiquement d'enlever un joueur de l'échiquier. En enlevant donc tous ces gros joueurs, la compétition pour le talent est en baisse et conséquemment, le prix aussi.

 

Autre point : l'importance des études statistiques passées. Plusieurs études ont été effectuées sur la période de pointe d'un athlète, peu importe le sport. La fameuse fenêtre optimale en terme de performance se situe entre 25 et 29 ans. Or, quand on regarde l'âge moyen des joueurs disponibles, on se rend compte que celle-ci dépasse aisément les 30 ans. Autrement dit, la grande majorité de ces joueurs ont déjà leurs meilleures années derrière eux. Regardez la quantité de contrats de longue durée qui ont été accordés au fil des ans. Combien d'entre eux ont vraiment profité aux équipes jusqu'à la dernière année? Les Tigers de Detroit se sont brûlés avec de tels contrats et en ont pour probablement une bonne année ou deux avant de s'en remettre.

 

Le troisième et dernier point sur lequel je veux m'attarder est le changement drastique qui est survenu dans l'administration des équipes depuis l'avènement « Moneyball ».

 

Toutes les équipes ont maintenant leur propre département d'analyses statistiques et les informations disponibles ont tendance à s'uniformiser. Si une équipe croit qu'un joueur est à risque pour telle ou telle raison, il y a lieu de croire que d'autres formations pensent de la même façon. Aussi, l'ère où les directeurs généraux sont d'anciens joueurs sans formation tire à sa fin. On voit de plus en plus de dirigeants issus des écoles de gestion, d'universités prestigieuses dont les programmes sont axés justement sur la gestion sportive. Si auparavant, un agent pouvait vendre un de ses joueurs en faisait miroiter la possibilité d'un championnat, il devient plus difficile maintenant de négocier avec des administrateurs plus aguerris.

 

Autrement dit, les agents, des négociateurs de métier, ont maintenant moins la main haute lors de pourparlers et semblent avoir trouvé chaussure à leurs pieds.