La série de championnat de la Ligue américaine met aux prises les Blue Jays de Toronto et les Indians de Cleveland. Si les amateurs d'ici connaissent bien les Blue Jays, les Indians jouent davantage dans l'ombre et pourtant, il s'agit d'une des organisations les plus solides du Baseball majeur, surtout depuis le début des années 1990.

Il faut d'abord souligner que leurs succès ne sont pas surprenants. Déjà l'an dernier, plusieurs les avaient choisis pour terminer au premier rang de leur section. Un trio de partants redoutables (Corey Kluber, Carlos Carrasco et Danny Salazar) et l'émergence d'un frappeur élite en Michael Brantley laissaient présager une brillante saison. Il aura fallu une saison de plus que prévu pour que les Indians arrivent à leurs fins. Mais pour expliquer comment ils ont bâti cette équipe, il faut remonter au début des années 1990.

Si vous avez vu le film Major League, vous savez que les Indians de Cleveland est l'équipe représentée. Ce n'est pas un hasard : la concession était pratiquement une risée depuis les années 1970 dans un stade disproportionné et désuet de 80 000 personnes, vide la plupart du temps. Voir les Indians gagner un championnat à cette époque relevait de la fiction. Mais les choses ont changé à partir du début des années 1990. Les Indians ont commencé à regarnir leur système de filiales non seulement par le repêchage (Manny Ramirez et Jim Thome par exemple) mais aussi en échangeant des vétérans pour de jeunes joueurs (Carlos Baerga).

Cette philosophie avait pour but de préparer une équipe représentative en vue de la saison 1994, année de l'ouverture du nouveau stade, le Jabobs Field (aujourd'hui, le Progressive Field). Là où les Indians ont été à l'avant-garde est lorsqu'ils ont mis sous contrat ces jeunes joueurs pour plusieurs saisons afin de les garder avec l'équipe au-delà des six années requises pour parvenir à l'autonomie. Et la stratégie a fonctionné : en 1994 (année perturbée par la tristement célèbre grève des joueurs), les Indians ont terminé avec un dossier de 66-47, ce qui leur aurait valu une place en séries. À partir de 1995, ils ont participé aux séries six fois en sept ans, dont deux participations à la Série mondiale. La façon de faire des Indians a été imitée depuis par beaucoup d'organisations, particulièrement lorsque vient le temps de s'assurer des services à long terme des joueurs issus du système des filiales.

Quand on regarde l'édition 2016, on constate que la plupart des joueurs d'impact proviennent de l'organisation. Parmi les joueurs de position, sept réguliers proviennent de l'interne : Carlos Santana, Jason Kipnis, Francisco Lindor, José Ramirez, Lonnie Chisenhall, Tyler Naquin et Roberto Perez (Coco Crisp a amorcé sa carrière avec Indians mais a été acquis des A's d'Oakland. Qui plus est, il avait été un choix des Cards de St.Louis).

Idem chez les lanceurs avec Carrasco et Salazar. Kluber a été acquis dans une transaction dans une des trop nombreuses mauvaises transactions des Padres de San Diego. Et on a profité de l'abondance de talent dans les mineures pour acquérir le releveur Andrew Miller, qui était davantage convoité qu'Aroldis Chapman puisqu'il est sous contrat aussi pour l'an prochain. Bref, on a utilisé encore la recette qui a mené aux succès du début des années 1990. Ce qui est remarquable, c'est que les Indians aient réussi le tour de force de se rendre aussi loin en l'absence de Brantley et de Yan Gomes pendant la majeure partie de la saison. Bien sûr, il y a bien quelques joueurs autonomes qui ont contribué (Mike Napoli et Rajai Davis) mais ceux-ci ont été embauchés à rabais (comparativement à David Price par exemple) et pour remplir des besoins spécifiques. Les malheurs des Yankees ont démontré que les joueurs autonomes ne peuvent combler des lacunes dans le système de développement des joueurs.

Chapeau donc aux Indians. Ils ont gagné leur pari comme ils l'avaient fait au début des années 1990!