La scène a provoqué un débat chez les joueurs et observateurs du baseball majeur. Le 18 août, Fernando Tatis fils, un des principaux visages du baseball moderne, frappe son deuxième circuit de la rencontre. Un grand chelem qui procure une avance de 10 points aux Padres de San Diego face aux Rangers du Texas. Détail important, le compte était de trois balles et aucune prise.

 

Dans le coin gauche, les puristes qui affirment que Tatis aurait dû laisser passer le tir et ne pas profiter d’une balle rapide en plein cœur du marbre, souvent lancée dans de telles circonstances.

 

Dans le coin droit, ceux qui ne voient aucun problème à ce qu’un frappeur profite d’un tir invitant pour gonfler ses statistiques personnelles.

 

Lorsqu’on s’y attarde, on constate que les puristes de la loi non écrite se font plutôt rares. L’ancien lanceur du baseball majeur, Phillippe Aumont, puis le gérant des Capitales de Québec et ancien joueur professionnel, Patrick Scalabrini, se retrouvent dans le coin droit.

 

« Je pense que tout le monde a sa perception des lois non écrites. Dans ce cas-ci, je mettrais surtout l’accent sur le lanceur qui s’est placé dans une position de trois balles et aucune prise face à un frappeur comme Fernando Tatis », analyse Scalabrini.

 

Ses propos trouvent écho chez Aumont. « Moi, les lois non écrites… Justement, elle n’est pas écrite ta loi. Si tu ne veux pas qu’une telle situation survienne, prend les moyens pour ne pas perdre 6-0, d’abord, puis pour ne pas te retrouver dans un compte de trois balles et aucune prise. J’ai joué au niveau international et chez les Asiatiques, les lois non écrites n’existent pas. Tu peux voir un amorti sacrifice à 8-1 en 9e manche », illustre-t-il.

 

Un contrat, pas de cadeau

 

Des joueurs comme Trevor Bauer, David Ortiz et l’ancien receveur étoile Johnny Bench ont défendu Tatis. Après tout, les contrats que signent les athlètes professionnels sont directement liés aux statistiques qu’ils compilent.

 

« Tatis ou un autre joueur vedette veut aider son équipe à gagner, mais aussi avoir des bonnes statistiques pour signer un gros contrat. C’est le cas de Tatis. Il arrive dans le baseball majeur, il est dominant et il n’a pas de cadeau à faire au lanceur adverse pour l’épargner », ajoute Aumont.

 

Le fils de Fernando Tatis senior, ancien troisième-but des Cardinals de St Louis et des Expos de Montréal, est flamboyant. Coiffé d’une chevelure blonde et tressée, il fournit son lot de faits saillants au compte Instagram de la MLB. Il est en bonne partie responsable du fait que la formation de San Diego est la saveur du mois dans le baseball majeur.

 

Est-ce que la réaction du gérant des Rangers, Chris Woodward, aurait été la même si le grand chelem avait été frappé par le receveur réserviste des Padres?

 

« Bonne question. Je crois que la réaction aurait été différente. C’est certain que Tatis dérange l’ancienne garde. J’ai constaté qu’il y a deux mentalités perceptibles dans le baseball professionnel. Si un joueur honnête, sans être une vedette, avait frappé le grand chelem, ça aurait été différent », soutient Aumont.

 

Un livre pour chacun

 

Selon Scalabrini, il y autant de livres de lois non écrites que d’amateurs de baseball.

 

« Tout le monde n’a pas la même tolérance. Personnellement, le fait de voler un but lors d’une avance importante me dérange plus. Sauf qu’il faut regarder le contexte. Si tu mènes 6-0 en 5e manche, mais que tes releveurs sont fatigués et que ton lanceur partant achève, tu vas peut-être voler un but de plus. Le gérant doit analyser la situation. En bout de ligne, c’est une question de respect. » 

 

Gérant des Capitales depuis dix saisons, Scalabrini a dû remiser son uniforme blanc et bleu en 2020, en raison de la pandémie. Il profite de son temps libre pour diriger les Alouettes de Charlesbourg, dans la Ligue de baseball junior élite du Québec. La notion de respect a pris une place importante dans le plan de match. 

 

« Je ne laisse pas passer un seul commentaire qui dénigre l’adversaire, lance-t-il. J’ai entendu que certaines équipes de cette ligue incitaient les joueurs qui ne jouaient pas le match à déconcentrer verbalement les joueurs des autres équipes. Je n’ai jamais entendu ça dans le baseball professionnel. Pour moi, ça ne passe pas. »