Toronto n'est plus l'équipe de Vlad, et c'est pour le mieux!
On a longtemps traité les Blue Jays comme un projet inachevé. De la puissance, du flair, un beau stade, un noyau prometteur… mais jamais le tout. Jamais cette cohérence qu'exige une équipe aspirante. Et surtout, jamais cette capacité à livrer en continu.
Mais au 4 juillet 2025, il faut appeler un chat un chat : les Blue Jays sont premiers dans l'Est de l'Américaine, et ce n'est ni un mirage ni un cadeau du calendrier. C'est le fruit d'une équipe enfin complète, qui gagne malgré les absents, grâce à ses jeunes, et autour d'un Springer ressuscité.
Et non, ce ne sont plus uniquement les Jays de Vladimir Guerrero Jr. Celle-ci est plus dangereuse.
George Springer, le cœur retrouvé
Il fallait avoir vu George Springer en 2024 pour mesurer à quel point ce qu'on voit cette saison est remarquable. L'an dernier, c'était douloureux. Pas seulement au bâton, partout. Les jambes ne suivaient plus, le sourire semblait forcé. En vérité, c'était une grimace qui cachait une frustration sourde.
Mais en 2025, à 35 ans, il joue comme s'il en avait 26.
Et ce n'est pas qu'une question de chiffres, bien que son MPP de .860 et son WAR de près de 3 à mi-saison parlent d'eux-mêmes. Son impact est global. Springer a repris possession du rôle de leader. Il redonne à cette équipe une identité combative qu'elle avait perdue. Son sourire est redevenu contagieux pour ses coéquipiers, mais surtout pour les partisans.
Son rendement dans la série de quatre matchs contre les Yankees était franchement impressionnant : 8 en 14, 4 circuits, 11 points produits! Il a travaillé son élan pour le raccourcir, être plus rapide à la balle, tout en laissant pénétrer celle-ci plus profondément dans la zone. Résultat : il s'élance beaucoup moins sur les lancers hors zone, et quand il voit une prise, on a l'impression qu'il est toujours synchronisé.
C'est un pur plaisir de le voir maîtriser son art. Honnêtement, je ne croyais pas revoir Springer produire à ce niveau. Je lève ma casquette bien haut. Respect total.
Schneider, discret mais solide
On a longtemps attendu que John Schneider prouve qu'il pouvait tenir un club en mains. Pas juste survivre. Gérer. Mener. Élever.
Cette année, il l'a fait. Pas en devenant un stratège flamboyant, mais en arrêtant de se battre contre son club. Il gère avec cohérence. Il joue les duels, oui, mais il ne se laisse plus dominer par l'adversaire. Il a donné de vraies opportunités à ses joueurs dits marginaux. Et il a su créer un environnement où des gars comme Ernie Clement, Nathan Lukes ou Myles Straw peuvent exploiter pleinement leur talent.
Schneider a compris qu'il faut de la clarté, pas du chaos, pour survivre dans cette division. Oui, plusieurs décisions sont prises en amont avec le personnel d'entraîneurs et l'équipe d'analyse. Mais le gérant, c'est celui qui livre le message. C'est lui qui donne le ton, qui garde l'unité.
Schneider a été souvent critiqué, plusieurs voulaient le voir sortir à coup de pied au derrière. Mais n'est-on pas en train de réaliser que, si on donne à un gérant le temps d'apprendre, de se tromper, de trouver sa voix… il peut devenir la bonne personne?
À vous de juger.
Les absents? Ils ne manquent à personne
C'est là que ce club étonne.
Anthony Santander n'a joué que 50 matchs, avec un MPP de .577 — ça dit tout. Daulton Varsho est à l'écart depuis mai, lui qui avait déjà commencé l'année sur la liste des blessés. Max Scherzer? Trois départs, et puis le néant.
Et malgré tout ça, Toronto gagne.
Pourquoi? Parce que cette équipe a cessé d'être un assemblage de noms sur papier. Elle fonctionne comme une équipe, pas comme un groupe.
Un ancien entraîneur professionnel m'a déjà dit :
« Dans un vestiaire, tu peux former plusieurs groupes. Un groupe de lanceurs, un groupe de voltigeurs, un groupe d'Américains, etc. On n'est même pas obligés de se parler. On fait juste partie d'un groupe. Une équipe, elle, se tient ensemble, s'encourage, se motive, se rassemble pour un but commun. Une équipe s'assure d'aider son coéquipier. Arrêtez de jouer en groupe et jouez en équipe. Tout va changer. »
En ce moment, c'est exactement ce que font les Jays. On compense sans paniquer. On s'ajuste sans flancher.
Et ça, c'est la marque d'une vraie équipe.
Addison Barger, l'élément déclencheur
J'avais écrit une chronique au début mai, alors que Barger n'avait qu'un circuit et huit points produits. J'aimais quand même ses présences, ses contacts. Je croyais sincèrement en son potentiel. Deux mois plus tard? Il me surprend encore plus que prévu.
Un MPP au-dessus de .853, 11 circuits, 32 points produits. De la puissance au champ opposé, une constance sur les sentiers, une polyvalence défensive qui a stabilisé l'équipe au moment où l'alignement s'effritait.
Il a saisi l'occasion quand Santander est tombé. Et honnêtement, même si Santander revient, Barger doit rester. Il est devenu un des piliers de cette équipe.
Myles Straw et Nathan Lukes ont aussi bien comblé l'absence de Varsho, autant offensivement que défensivement. Et que dire d'Eric Lauer? Le gaucher de 30 ans a brillé pendant que Scherzer était sur la touche.
Tous des joueurs qui se sont embarqués dans le processus collectif. Je pourrais aussi vous parler d'Alejandro Kirk, qui joue au-delà de mes attentes, de la défense spectaculaire d'Andrés Giménez, du gaucher Brendon Little qui va chercher des retraits cruciaux en relève, ou encore de Jeff Hoffman, précieux en fin de match.
Guerrero Jr. : d'astre à rouage
Ce qui est fascinant, c'est que Vlad Jr. connaît une bonne saison. Un MPP de .818, 12 circuits, 44 points produits, toujours fiable en défense. Avec son contrat, on s'attend toujours à plus, bien sûr. Mais vous savez quoi?
Il n'est plus la pièce maîtresse. Et c'est une excellente nouvelle.
Pendant trop longtemps, Toronto a essayé de gagner par Vlad. Aujourd'hui, ils gagnent avec lui. Il est un rouage solide parmi d'autres. Et tout ne repose plus sur ses épaules.
C'est la marque des clubs sérieux. Pas un héros. Une structure.
Et le plus beau, c'est que Vlad n'a peut-être pas encore joué sa meilleure moitié de saison.
On pourrait aussi inclure Bo Bichette. Joueur autonome à la fin de la saison, il a toutes les raisons au monde de connaître une excellente deuxième moitié.
Le vrai test commence
Soyons clairs : rien n'est garanti. Les Yankees ont des munitions, les Rays demeurent imprévisibles, et le calendrier de septembre sera corsé.
On dit souvent que le vrai défi, ce n'est pas de prendre la tête de la division, mais de la conserver.
La différence, cette fois, c'est que ce club est connecté. Il n'est pas parfait. Il ne brille pas chaque soir. Mais il livre. Il s'ajuste. Il s'accroche. Et surtout, il ne dépend plus d'un seul joueur.
Toronto n'a pas seulement trouvé sa place au sommet. Elle semble avoir trouvé son identité. Enfin.
Est-ce que l'équipe sera active à la date limite des transactions? Possiblement.
J'espère simplement que cette belle unité ne sera pas sacrifiée. Parce que parfois, ça vaut bien plus qu'un bras de plus dans l'enclos.