MONTRÉAL – Après avoir consacré la quasi-totalité de la dernière décennie à tout mettre en œuvre afin de devenir championne du monde de boxe professionnelle, Marie-Ève Dicaire fait maintenant face à un défi tout aussi exigeant : maintenir le cap pour le demeurer longtemps.

La championne des poids super-mi-moyens de l’IBF effectuera la deuxième défense de son titre contre la Suédoise Maria Lindberg, vendredi soir au Cabaret du Casino de Montréal, deux mois et demi seulement après avoir battu sa première aspirant Mikaela Lauren par décision unanime.

 

« Je mentirais si je disais que je n’ai pas eu de difficulté à me remettre dedans, a avoué l’athlète de Saint-Eustache en entrevue à RDS.ca, mercredi avant-midi, peu avant la dernière conférence de presse faisant la promotion de son affrontement qui sera présenté à la télévision à la carte.

 

« Physiquement, je me sentais super en forme, mais je ne savais pas jusqu’à quel point cela me tentait de refaire tous les sacrifices et repartir le gros de l’entraînement. Puis, de fil en aiguille, plus les journées avançaient, plus que je voyais que le combat approchait, plus je me disais que je ne regrettais pas mon choix. Je suis au sommet de ma forme et motivée à cent pour cent! »

 

Ex-championne du monde de karaté, Dicaire (15-0) a toujours rapidement connu du succès dans tous les sports qu’elle a pratiqués, et puisque ses intérêts sont multiples et sa soif d’apprendre en apparence sans limites, plusieurs se sont demandé si une certaine lassitude pouvait s’installer, d’autant plus que Lindberg (17-4-2, 9 K.-O.) n’est pas Claressa Shields ou bien Cecilia Braekhus...

 

« Je me tanne effectivement rapidement des choses, mais je pense que la clé là-dedans, c’est mon équipe, a répondu la pugiliste âgée de 32 ans. Mes préparateurs physique et mental ainsi que mes entraîneurs de boxe trouvent le moyen de me présenter les choses sous forme de défi.

 

« Le pay per view est un énorme défi pour moi, puisque c’est la première fois au Canada qu’une femme sera [la tête d’affiche] d’un événement à la télé à la carte. Alors, c’est super motivant. (NDLR, l’Albertaine Jelena Mrdenovich l’a été à au moins deux reprises en 2005 et 2006.) »

 

Pour parvenir à intéresser les amateurs à son parcours, Dicaire a donc multiplié les entrevues à la radio et à la télévision ainsi que les apparitions dans des événements caritatifs ou mondains. Sa personnalité extrêmement attachante en fait évidemment une invitée sollicitée de partout.

 

Sans dire qu’elle a ensuite perdu totalement le contrôle sur sa destinée, la championne a dû apprendre à ne pas accepter toutes les propositions pour ne pas s’éloigner de ce qui la définit. Elle est d’abord et avant tout une athlète et elle a pris tous les moyens pour ne pas l’oublier.

 

« À un moment donné, c’était devenu problématique pour moi de réaliser que je n’avais pas assez de temps pour m’améliorer et apprendre de nouvelles choses, a expliqué Dicaire. J’ai travaillé très fort sur l’idée de maximiser chacun de mes entraînements. Étant donné que je n’avais justement pas beaucoup de temps, il fallait que j’assimile les choses beaucoup plus vite.

 

« Il y a aussi fallu que j’apprenne à dire non, parce que c’était rendu trop. Mon équipe et moi avons été en mesure de mettre en place une “ enveloppe budgétaire ” de mon temps et cela devenait ainsi plus facile de dire non pour me concentrer sur mon sport. J’aime donner de mon temps à la télé ou à la radio, sauf ce qui importe le plus, c’est de performer dans mon sport. »

 

Comme toute personnalité publique qui se retrouve un jour au sommet de la pyramide, Dicaire fait inévitablement l’objet de critiques et la championne admet sans détour qu’elle n’est pas du tout insensible à ceux et celles qui n’hésitent pas à remettre en question toutes ses réalisations.

 

« Des fois, les gens sont durs, et souvent, ils ne parlent pas en connaissance de cause, a déploré celle qui est toujours à la recherche de sa première victoire avant la limite. Quand mon combat [contre Lina Tejada] a été annulé, tout le monde a blâmé Yvon [Michel] ou la Régie [des alcools, des courses et des jeux], mais le problème ne venait pas du tout de nous. Il venait de l’extérieur.

 

« Cela me touche et m’affecte quand les gens disent des choses négatives [à mon sujet]. Il y en a que cela ne dérange pas et qui sont insensibles aux critiques, mais cela n’est pas le cas avec moi. Je dis oui à tout le monde et j’aime faire plaisir... je dois vraiment apprendre à vivre avec cela. »

« Mais la boxe est ma passion et c’est également une formidable tribune. Sauf que si je veux être capable de passer un message de persévérance, d’espoir, de travail et d’acharnement aux enfants et aux adultes qui me regardent, les performances doivent absolument être là. C’est ce qui me permet d’avoir plus de crédibilité quand je m’adresse à eux. C’est important pour moi. »