QUÉBEC – Lorsque Marie-Ève Dicaire effectuera sa marche vers le ring du Centre Vidéotron sous les applaudissements nourris des spectateurs présents pour y affronter la championne des poids super-mi-moyens de l’IBF Chris Namus samedi soir vers 22 h, il s’agira du résultat d’un nombre incalculable d’années de travail jonchées d’embûches, d’obstacles et de peines de toutes sortes.
 
Celle qui a eu à combattre les préjugés depuis sa tendre enfance afin de prouver qu’elle avait sa place dans un monde d’hommes aura la chance de devenir la première pugiliste québécoise à mettre la main sur un titre mondial. Si son entêtement à toujours vouloir briser les plafonds de verre lui a parfois joué de vilains tours, elle a toutefois toujours su garder une certaine sérénité.
 

Karaté, golf, hockey, vélo, cuisine, vin et études en communications... la touche-à-tout de Saint-Eustache n’a jamais concentré toutes ses énergies sur son sport de prédilection afin d’« avoir un équilibre et de permettre à ceux et celles qui partagent ma vie d’avoir la paix... deux minutes! »
 
« C’est important, parce qu’à un moment donné, la vision en tunnel fait qu’on ne voit que ça. Des fois, d’avoir d’autres passions, ça permet de vivre autre chose et de l’appliquer dans mon entraînement. Ça me rend beaucoup plus complète, a mentionné Dicaire, mercredi avant-midi, en marge de la dernière conférence de presse faisant la promotion de son combat de samedi.
 
« Je suis une personne qui est très polyvalente : je veux faire plein de choses et je m’intéresse à plein de choses. Et tout ce que je fais, je veux ensuite l’appliquer à ma boxe. Peu importe ce que je fais, je veux l’approfondir. Je ne suis pas capable de ne pas savoir et j’ai le goût de découvrir. Et plus je vieillis, plus je réalise que je n’aurai tout simplement pas le temps de tout découvrir!
 
« Je pratique plusieurs activités, mais en fin de compte, ça me permet d’avoir une boxe plus créative. Quand on me montre quelque chose en gymnase, je vais ensuite poser des questions, regarder des vidéos et faire des recherches. [Mon entraîneur] Stéphane [Harnois] me laisse très souvent mijoter tout ça dans ma tête et quand je reviens, il me dit que c’était exactement ça! »
 
Un nouveau public
 
La verve de Dicaire en entrevue l’a ainsi poussée à suivre des cours au niveau collégial avec pour objectif d’entreprendre une formation professionnelle ou d’aller à l’université. Son entraîneur souhaitait grandement qu’elle s’aère l’esprit alors qu’elle s’apprête à relever un important défi.
 
« J’ai beaucoup insisté à ce qu’elle aille du côté des communications. Ça lui a fait le plus grand bien de sortir de la boxe un peu, a précisé Harnois. Son entraînement, c’est six jours semaine, deux fois par jour. Dans les dernières semaines, c’était rendu sept jours semaine, même si je lui donnais officiellement le dimanche de congé. Elle est complètement dédiée à son combat.
 

« Je suis dangereusement en forme »

« La boxe, c’est une chose, mais il faut aussi penser à l’avenir. Les bourses en championnat du monde ne sont pas au niveau des hommes. Pour le moment, elle ne peut pas en vivre comme une millionnaire. Mais elle est douée dans tout. Tout ce qu’elle touche se transforme en or! »
 
« Je commence à être découverte par des gens qui ne suivent pas la boxe, alors ça permet à ces gens de découvrir le sport et le faire d’une nouvelle facette. Les gens s’intéressent aussi aux valeurs que je veux transmettre et ils ne s’intéressent pas qu’aux performances. Mon équipe et moi avons fait un bon travail pour toucher des gens qui ne s’intéressaient pas à la boxe avant. »

Ses passages à des émissions comme Tout le monde en parle ou Les Francs-tireurs lui ont surtout permis de constater que les mentalités ont drastiquement évolué en quelques années seulement. Même aux États-Unis, HBO a demandé à ce que la grande championne unifiée des mi-moyens Cecilia Braekhus fasse les frais de la finale de son dernier événement le 8 décembre prochain.
 
« Si une grande chaîne comme HBO peut se le permettre, c’est que les gens se sont faits à l’idée, a analysé Dicaire. Les dirigeants de ces chaînes fonctionnent avec la demande. Des filles comme Braekhus ou [Claressa] Shields sont de grandes athlètes et les gens veulent les voir à l’œuvre. »