À défaut d’une véritable rivalité entre boxeurs comme dans le temps où le sport se « promotait », c’est à l’extérieur de l’arène que se déroule présentement le grand schisme de la boxe québécoise. D’un côté, le chroniqueur Réjean Tremblay et de l’autre, le promoteur Yvon Michel.

Le plus récent coup de semonce de Réjean Tremblay à l’endroit d’Yvon Michel est survenu le 29 décembre dernier dans Le Journal de Montréal, alors que l’humble chroniqueur déplorait avec vigueur le triste destin des Montréalais d’origine colombienne Eleider Alvarez et Oscar Rivas, « qui vivent dans un trois et demie et qui sont cassés comme des clous à la fin de leur carrière ».

Entre autres choses, Tremblay reproche à Michel d’encourager Rivas à remonter dans le ring malgré un nouveau décollement de la rétine qui l’a privé d’un combat contre Efe Ajabga le 14 janvier à Verona, dans l’État de New York, ainsi que de la première défense de sa ceinture des poids super-lourds-légers du WBC face à Luckacz Rozicki en mars en Pologne. Cette blessure a d’ailleurs mené le WBC à le dépouiller de son titre et le nommer champion in recess (en pause).

Visiblement irrité par ces accusations, le promoteur s’est vigoureusement défendu mardi midi en marge de la dernière conférence de presse faisant la promotion de l’événement qu’il présentera vendredi soir à la Place Bell et qui mettra en vedette Kim Clavel et Jessica Nery Plata.

« Si jamais je conseille à un boxeur de prendre sa retraite – et ce n’est pas à moi de décider –, j’exige deux choses s’il décide de continuer, a répondu Yvon Michel. Un, qu’il ait passé tous ses examens médicaux et qu’il ait un permis de boxer valide et de deux, qu’il ait un entraîneur en qui j’ai confiance qui valide sa préparation. C’est la raison pour laquelle Eleider n’a pas boxé [depuis sa dernière défaite contre Joe Smith fils en août 2020]. Je n’ai pas encore trouvé d’entraîneur qui a validé sa préparation. Oscar, quand il va revenir, ça va être la même chose. »

Le promoteur a précisé que Rivas n’aurait pas à être opéré pour cette blessure à un œil et qu’il avait profité de ce repos forcé pour finalement accepter l’invitation des producteurs de la version colombienne de l’émission « Survivor ». C’est seulement après son parcours à l’émission qui pourrait s’étirer jusqu’à trois mois que Rivas décidera alors de poursuivre sa carrière ou non.

Yvon Michel n’a aussi pas digéré que Réjean Tremblay insinue que le promoteur percevait un pourcentage sur les bourses obtenues par Alvarez et Rivas ou encore qu’il avait revu à la baisse les sommes dues, car la vente de billets pour un événement avait été moins élevée qu’anticipée.

« [Alvarez et Rivas] ont été champions du monde et vont l’être considérés pour le reste de leur vie, a rappelé Michel. Ce sont devenus de grandes célébrités chez eux. Ils ont vécu de leur sport pendant 13 ans au Québec, ont appris une nouvelle langue et fait vivre leur famille. Ils ont gagné bien plus d’argent que n’importe qui de l’organisation rivale, à l’exception de David Lemieux.

« Comme promoteur, nous ne prenons pas un pourcentage sur les revenus des boxeurs. Nous ramassons des revenus avec les ventes à la télévision, avec les billets et les droits des boxeurs.

« Je n’ai jamais vu un boxeur qui avait vu son contrat changé en raison de la vente des billets. Je n’ai jamais été témoin de ça. [Réjean Tremblay] a laissé croire que nous l’avions peut-être fait dans le passé... J’aimerais avoir des noms, des preuves, parce que c’est complètement faux. »

Joint au téléphone par RDS.ca mercredi matin, Réjean Tremblay a répondu que les revers de fortune d’Alvarez et Rivas le touchent « profondément » et que c’était son travail de faire la lumière sur ce sujet. « Je m’intéresse à la boxe parce que ce sont des athlètes extraordinaires qui sont dépendants des “games” de pouvoir qui se jouent au-dessus d’eux autres et qui mettent leur vie en danger. Dans une situation délicate, je vais prendre la défense de l’athlète. »

Yvon Michel a dit avoir interpellé les dirigeants des deux entreprises médiatiques qui offrent une tribune à Réjean Tremblay, mais qu’il n’envisage pas de poursuites judiciaires pour l’instant. « Il y a plein de mensonges là-dedans. Des choses gratuites qui sont fausses, a-t-il martelé. Nous sommes en discussions avec Le Journal et BPM Sports, mais Réjean Tremblay a dépassé les bornes et nous allons nous défendre chaque fois qu’il va être tendancieux à notre égard.

« Nous disons qu’il est en conflit d’intérêts et ses articles sont teintés de conflit d’intérêts. »

Le conflit d’intérêts qu’Yvon Michel refuse de nommer, ce sont les liens qui unissent Réjean Tremblay au promoteur et grand rival d’Yvon Michel, Camille Estephan. La fille de Camille Estephan, Emmanuelle Estephan, est la première actionnaire majoritaire de Punching Grace Inc. et la conjointe de Réjean Tremblay, Julie Bertrand, est la deuxième actionnaire, d’après l’état de renseignement d’une personne morale au registre des entreprises qui est disponible en ligne.

Punching Grace est une plate-forme qui webdiffuse des événements d’Eye of the Tiger Management ainsi que des documentaires mettant en vedette des boxeurs de l’organisation. À noter que de son côté, Yvon Michel est analyste des galas télédiffusés sur les ondes de RDS.

« Ce n’est pas une chose qui est illégale, mais condamnable, a prétendu Yvon Michel. C’est comme ça dans les associations professionnelles, au gouvernement... c’est condamné même si ce n’est pas illégal. Quand quelqu’un tente délibérément de monter quelqu’un pour rabaisser l’autre en fonction de ses intérêts personnels, il y a quelque chose de pas correct là-dedans. »

« Kim Clavel, Eleider Alvarez, Oscar Rivas, Kevin Bizier... j’ai écrit plusieurs textes qui racontaient les histoires des boxeurs de Groupe Yvon Michel au fil des années, a rappelé Réjean Tremblay. Je ne peux pas non plus empêcher ma conjointe de travailler et ses liens avec Punching Grace n’ont jamais été cachés. Elle a produit 11 documentaires en 12 mois qui ont été télédiffusés. »

Finalement invitée à commenter sa relation d’affaires avec Yvon Michel, Kim Clavel – qui boxait sous les couleurs de Camille Estephan en début de carrière – n’avait que de bons mots pour son actuel promoteur, dont elle a louangé le travail et l’attitude en conférence de presse mardi midi.

« Yvon n’a pas de contrôle sur l’argent que nous dépensons, a fait remarquer la championne des mi-mouches du WBC. Le premier combat que j’ai fait avec Yvon (en juillet 2020, NDLR), j’ai fait trois fois plus que ce que je faisais avant pour un combat sans ceinture de huit rounds. Je n’ai pas à me plaindre, mais il faut gérer nos finances aussi. Yvon a toujours de bonnes intentions. C’est un business, il n’y a personne ne parfait, mais je n’ai rien à redire [sur le travail de Michel]. »