Le combat Kovalev c. Ward sera diffusé sur RDS le samedi 26 novembre à 16 h. Il sera rediffusé le 9 décembre à 19 h 30.

L’annonce de la victoire d’Andre Ward sur Sergey Kovalev en a choqué plus d’un samedi soir, la plupart des amateurs et plusieurs observateurs ayant vu le champion russe largement gagnant.

Kovalev avait totalement dominé le début du combat en envoyant Ward au tapis au deuxième round, mais l’aspirant américain s’est sauvé avec la victoire en arrachant les six derniers rounds.

Avec son style aride qui n’a absolument rien pour alimenter le spectacle, Ward a évidemment fait preuve de résilience, mais nombreux sont ceux qui auraient préféré que les trois juges - qui ont remis des cartes identiques de 114-113 - récompensent plutôt celui qui a été l’agresseur.

Mais pour deux intervenants de la boxe québécoise qui ont également vu Ward vainqueur par un point, il s’agit d’une erreur de prendre le duel dans son ensemble pour se forger une opinion.

« Si on se base sur une impression ou les images fortes du début du combat, c’est normal de penser que Kovalev a gagné, a dit l’entraîneur Stéphan Larouche en entrevue téléphonique à RDS.ca lundi après-midi. Jusqu’à la fin du combat, je ne savais pas qui l’emporterait. C’était un combat difficile à juger et il y a eu plusieurs rounds pendant lesquels il y avait peu d’action. »

Kovalev envoie Ward au tapis!

« C’était un combat semblable à Jean Pascal-Bernard Hopkins I. Tu te fais une idée assez rapide de comment les choses vont se dérouler. Après quatre rounds, Pascal avait envoyé Hopkins deux fois au plancher, a rappelé le promoteur Yvon Michel. Après quatre rounds, c’était dans la poche et je me souviens que je commençais déjà à faire des plans pour l’avenir dans ma tête.

« Je jasais avec les gens autour de moi et c’est juste à l’avant-dernier round que je me suis réveillé en réalisant que ça faisait longtemps que Pascal n’avait pas gagné de round! C’est la même chose qui est arrivée avec Kovalev et Ward. Tu regardes le départ et si tu n’es pas attentif par la suite - ce qui est tout à fait normal - tu réalises que le combat a pris une autre tangente. »

Larouche et Michel n’ont pas été surpris outre mesure par ce dénouement, même si le deuxième s’attendait à ce que Ward gagne beaucoup plus facilement. Le nouveau champion unifié des poids mi-lourds a toutefois été égal à lui-même en ne se souciant guère du spectacle.

« Le style que pratique Ward est tout en subtilité. Il fait vraiment le minimum pour enlever les rounds, a analysé Larouche. Les coups qu’il a lancés au corps de son adversaire n’étaient pas flamboyants, mais ils étaient efficaces et ont ultimement complètement neutralisé Kovalev. »

« La majorité des aspirants auraient pacté leurs petits et auraient dit que Kovalev était trop fort. Mais Ward a eu le courage, l’intelligence et la force mentale pour gruger un à un les rounds, a louangé Michel. Il n’a pas perdu espoir et a magnifiquement su remonter la pente ensuite. »

Autant les deux experts québécois admirent l’exploit de Ward, autant ils croient que Kovalev a sa part de responsabilité dans cet échec. La Russe a été beaucoup moins efficace en défense à partir de la mi-combat en se faisant deux fois plus toucher que pendant la première portion.

« Kovalev a baissé de régime et a été victime de plusieurs pertes d’équilibre dans la deuxième moitié du combat, a observé Larouche. Il a dépensé beaucoup d’énergie à tenter de faire mal à Ward et de l’avoir envoyé au tapis au deuxième round a joué contre lui. À un moment donné, Kovalev a cessé de bien couper le ring et ne prenait plus son temps pour bien placer ses coups. »

« Kovalev a démontré qu’il ne s’adapte pas et qu’il n’est pas capable de se battre à l’intérieur, a renchéri Michel. [La promotrice de Kovalev] Kathy Duva a reproché à Ward d’accrocher, mais si vous regardez bien, Ward s’accroche pour rentrer à l’intérieur et c’est Kovalev qui bloque afin de refuser les échanges corps à corps. Je ne sais pas pourquoi il n’a jamais développé ça. »

L’entraîneur et le promoteur sont évidemment conscients que leur vision de la situation va complètement à l’encontre du sentiment populaire, sauf qu’ils soulignent que les juges se sont entendus sur 8 des 12 rounds et qu’ils n’auraient jamais contesté une victoire de Kovalev.

« Les gens confondent parfois décision unanime, majoritaire ou partagée. Ce qui est plaisant dans ce combat-là, c’est que les trois juges ont pas mal vu ça exactement de la même façon, a mentionné Larouche. La domination de Ward du 7e ou 11e round est notamment unanime. »

« Il y a beaucoup de gens qui ne jurent que par les boxeurs agressifs et offensifs, mais Kovalev n’a pas été efficace dans la deuxième moitié du combat, a souligné Michel. Cela dit, même si Kovalev avait été donné gagnant, j’aurais aimé le combat exactement de la même façon. »

Et pour ceux et celles qui crient au complot en déplorant la présence de trois juges américains autour du ring samedi soir, Michel rappelle que « ça fait partie du deal quand tu vas à Las Vegas parce que la Commission athlétique du Nevada juge que ses officiels sont les meilleurs au monde, étant donné que des combats de grande importance y sont régulièrement présentés ».

Ultimement, la boxe se nourrit de ce genre de controverse depuis toujours et malgré le fait que plusieurs amateurs prétendent avec véhémence qu’ils tourneront le dos au sport à jamais, ils reviennent inévitablement au bercail quand les meilleurs décident de croiser le fer.