MONTRÉAL – Dan Henderson n’aurait jamais cru qu’il avait encore une quinzaine de combats dans le corps, et encore moins qu’il prolongerait sa carrière jusqu’à l’âge de 46 ans, quand il a aplati le visage de Michael Bisping dans le tapis de l’octogone à l’UFC 100.

Pourtant, sept ans après avoir livré l’un des K.-O. les plus marquants de l’histoire de l’organisation, « Hendo » est encore en selle pour un dernier rodéo. Le vénérable cogneur, qui semblait pourtant si près de la retraite après sa victoire contre Hector Lombard l’été dernier, s’est laissé tenter par l’opportunité de compléter une mission inachevée sur laquelle il s’était résigné à mettre une croix, celle de mettre la main sur une ceinture de champion de l’UFC.

« J’avais fait la paix avec le fait que ça n’arriverait jamais et j’étais heureux de ce que j’avais réussi à accomplir dans le sport. Je n’allais peut-être pas réaliser mon rêve, mais j’étais fier du chemin que j’avais emprunté pour m’en approcher », raconte, en entrevue à RDS, celui qui a déjà perdu des combats de championnat contre Quinton Jackson et Anderson Silva.

Et dans un sublime coup du destin, le sort a voulu que ce soit Bisping qui détienne la décoration tant convoitée par Henderson. Quand le Britannique a été couronné pour la première fois après sa victoire contre Luke Rockhold en juin, le désir de venger le plus humiliant affront de sa carrière est vite apparu comme le prétexte idéal pour une première défense de son titre.

C’est ainsi que Henderson, même s’il n’a que trois victoires à ses neuf derniers combats, aura la chance de s’éclipser avec la ceinture de champion de la division des poids moyens aux petites heures dimanche matin dans le fief de son vieux rival, à Manchester en Angleterre.

« Je suis fort conscient que je n’étais pas le premier en rang pour défier le champion et que d’une façon réaliste, j’aurais eu besoin de quelques victoires de plus pour mériter cette opportunité. Mais les amateurs se sont fait entendre, c’est le combat qu’ils voulaient, et j’en suis très reconnaissant. »

Autant il n’aurait pas parié sur sa longévité, autant Henderson n’aurait pu prédire que c’est la gueule d’un futur champion qu’il venait d’éclater lors de ce mémorable soir de juillet 2009. À l’époque, Bisping était le combattant phare d’un bassin européen encore sous-exploité, mais il ne faisait pas encore partie de l’élite de sa division et rien ne laissait présager, du moins aux yeux de son rival américain, qu’il se hisserait un jour au sommet.

« J’ai toujours eu l’impression qu’il serait ce gars qui passe proche sans jamais pouvoir réussir à s’imposer contre les meilleurs. Mais il l’a fait. Il a prouvé à tous ses détracteurs, moi le premier, qu’ils avaient tort », confesse Henderson.

Un pétard qu’il ne regrette pas

On ne peut prétendre être un amateur d’arts martiaux mixtes si on n’a pas vu la fin du premier combat entre Dan Henderson et Michael Bisping.

Ancien lutteur olympique qui s’était rapidement bâti une solide réputation grâce à sa dangereuse main droite, Henderson avait tenté à plusieurs reprises de lancer sa fameuse « H-Bomb » au visage de Bisping quand finalement, vers la fin du deuxième round, un obus a touché la cible.

Avant d’en venir aux coups dans l’octogone, les deux hommes avaient été confrontés dans un rôle d’entraîneur pour la neuvième saison de l’émission de téléréalité l’Ultime Combattant. Bisping avait attisé la rivalité avec son habituel franc-parler alors que Henderson, qui n’est pas le plus bavard, avait promis de laisser ses poings offrir la réplique.

Et donc quand Bisping s’est retrouvé au tapis, complètement paralysé par la droite qu’il venait d’encaisser, Henderson a tenu parole et a décidé de lui en offrir une petite dernière pour la route. Sans laisser le temps à l’arbitre Mario Yamasaki d’intervenir, il s’est laissé tomber sur sa victime inconsciente et lui a asséné un coup de masse sur le menton.

Bisping, qui dit avoir revu le coup pour la première fois lorsque le combat revanche a été officialisé, cherche aujourd’hui l’ascendant en faisant remarquer qu’il possède la ceinture qui a toujours échappé à Henderson alors que ce K.-O. percutant demeure le principal fait d’armes de son vieux bourreau.

« Le coup lui-même a été très médiatisé, mais en terme d’accomplissement, ce n’est pas très haut dans mon palmarès, riposte Henderson. À l’époque, Michael Bisping n’avait à peu près rien accompli dans le sport et je pense que ce K.-O. est probablement ce qui l’a rendu célèbre en premier lieu. Je ne dis pas ça pour être mesquin, c’est vrai! »

Henderson se défend encore d’avoir porté le coup de trop et dit ne pas regretter la descente du poing qui a fait le tour du monde.

« À mes yeux, ce n’était pas du tout un coup salaud. Bien des gens se sont offusqués parce que j’ai déclaré après ma victoire que j’avais fait ça pour lui fermer le clapet. La vérité, c’est que j’aurais fait la même chose peu importe qu’il ait une grande gueule ou non, juste pour m’assurer que le travail était terminé. Ce n’est pas inhabituel dans notre sport. Et honnêtement, j’aurais probablement pu en mettre un peu plus. »

Henderson sait que Bisping a demandé un combat revanche pour faire la paix avec son passé, mais il ne peut s’imaginer un scénario qui permette d’effacer le douloureux souvenir de leur premier affrontement.

« Est-ce que je referais la même chose aujourd’hui? Je ne sais pas, mais j’espère certainement que l’opportunité se présente de nouveau! Je doute que je sois capable de finir le deuxième combat d’une aussi belle façon, mais tout ce que je veux cette fois, c’est gagner et revenir à la maison avec la ceinture, peu importe comment je m’y prends pour y arriver. »

La retraite, gagne ou perd

Dan Henderson n’affiche plus son lustre d’antan, mais il demeure un combattant populaire qui est encore capable de pratiquer son sport à un haut niveau. On ne livre pas une guerre aussi mémorable que celle qu’il a donnée à Lombard et on ne met pas une brute comme Tim Boetsch K.-O. en moins de 30 secondes s’il ne nous reste plus un peu d’essence dans le réservoir.

Pourquoi alors accrocher les gants?

« Je ne sais pas. Après vingt ans, ça fait probablement assez longtemps que je montre ma face laide dans l’octogone. Je sens que le temps est venu, tout simplement », blague celui qui arbore assurément l’une des plus belles paires d’oreilles en chou-fleur de l’UFC.

Mais les plans du vétéran de 46 combats sont sérieux. Gagne ou perd, ses retrouvailles contre Bisping seront aussi son chant du cygne.

« J’ai négligé beaucoup de choses dans ma vie auxquelles je veux maintenant me consacrer. Mes enfants et ma famille sont souvent passés deuxièmes. Aujourd’hui, même quand je suis en camp d’entraînement, je n’ai pas assez d’énergie pour les traiter comme je voudrais. C’est du temps que je sacrifie et qu’on ne me redonnera jamais. Ça devient lourd et je suis prêt à passer à autre chose. »