MONTRÉAL – En sports de combat, on dit souvent qu’un nouveau champion ne mérite pas complètement la reconnaissance qui accompagne son titre tant qu’il ne l’a pas défendu pour la première fois.

Dans la même optique, Olivier Aubin-Mercier admet qu’il se sent davantage membre à part entière de sa nouvelle famille depuis qu’il a épinglé une victoire dans l’UFC à sa fiche.

« C’est sûr que je me sens un peu plus dans la ‘gang’ depuis que j’ai gagné », acquiesçait mercredi le combattant québécois, rencontré par RDS pour la première fois depuis sa victoire par soumission face à Jake Lindsey en octobre. « Mais en même temps, j’avais déjà battu Jake Matthews dans l’Ultimate Fighter et le gars est maintenant 2-0 au UFC. Alors je savais que mon niveau était assez bon. »

En réalité, le talent d’Aubin-Mercier n’a jamais été remis en question. Depuis les quatre victoires expéditives qui ont marqué son émergence sur la scène locale se dessine devant lui une carrière professionnelle remplie de promesses. Mais même pour les plus doués, la route du succès est parsemée de passages obligés, d’épreuves qu’on ne peut contourner mais qui, si elles sont abordées de la bonne façon, ne peuvent qu’être porteuses des vertus qui ne s’acquièrent pas en gymnase.

La dernière année en a donc été une d’apprentissage pour Aubin-Mercier. Il a fait connaissance avec la défaite, a identifié ses faiblesses et s’est remis à l’exécution de son plan armé d’une sagesse et d’une patience qui lui font aujourd’hui entrevoir l’avenir avec sérénité et confiance.

Olivier Aubin-Mercier à l'entraînement

« C’était probablement le plus gros stress relié à mon dernier combat, la possibilité de me retrouver avec une fiche de 0-2 et de me faire expulser du UFC, admet l’étoile montante des arts martiaux mixtes québécois. Ma victoire m’a procuré un ou deux autres combats garantis, mais personnellement, je pense que je vais en faire beaucoup plus que ça. Par contre, il me manquait de l’expérience et il m’en manque encore avant de pouvoir faire des combats contre des adversaires du top-10, des combats plus difficiles. Et de ce côté-là, je pense prendre mon temps… »

Depuis un peu plus d’un mois, Aubin-Mercier connaît l’identité de celui qui se dressera comme la prochaine étape sur son passage. À l’UFC 186, le 25 avril au Centre Bell, il affrontera David Michaud, un Américain de 26 ans qui s’entraîne en Arizona.

« Quand j’ai dit à mes parents contre qui j’allais me battre, ils m’ont demandé de quelle région du Québec il venait. Il a un nom plus québécois que moi! C’est quand même assez spécial », rigolait le natif de Saint-Bruno-de-Montarville.

« Je ne connais pas grand-chose de lui. J’ai regardé ses combats un peu, je sais que c’est un brawler, un bon lutteur. Au sol, il a l’air correct. Mais il a surtout l’air fort. Il était dans les 170 livres avant et je ne pense pas qu’il était nécessairement un petit mi-moyen. Alors il a quelque chose pour me surprendre et je devrai arriver en forme.  Surtout que les gars qui sortent de son gym ont la réputation d’avoir un excellent cardio. »

Établir sa valeur

Depuis l’automne, 50 000 $ dorment dans le compte en banque d’Olivier Aubin-Mercier. C’est la valeur du boni que lui a valu la spectaculaire prise de soumission qu’il a utilisée pour éteindre son dernier rival.

Cinquante mille dollars, c’est une petite fortune quand on connaît les bourses de crève-faim généralement remises aux jeunes recrues de l’UFC. Mais son récipiendaire n’en a toujours pas touché un sou.

Dopage : Qu'en pense les combattants?

« Je n’ai rien fait avec ça, j’attends encore les impôts, s’esclaffe-t-il. En fait, ma vie n’a pas vraiment changé. Je suis un peu poche pour ça. Je vis exactement de la même façon qu’avant. Je crois que je suis stressé, je pense à ma fille et j’ai peur de ne pas arriver avec ça. C’est stupide, parce que c’est quand même une grosse somme, mais j’essaie d’être intelligent avec mon argent. »

Stupide? Loin de là. Aubin-Mercier, qui a célébré son 26e anniversaire de naissance lundi, fait preuve d’une maturité qui n’est pas donnée à tous ses confrères. Son plan de carrière, qu’il avoue inspiré de celui de son coéquipier Georges St-Pierre, est clair. Non seulement il sait où il s’en va, mais il a déjà établi la façon dont il comptait s’y rendre.

« Chaque fois que c’est ma fête, je suis triste parce que je vieillis et je comprends que ma carrière ne va pas durer éternellement. À 33 ans, je compte être parti. J’ai une fille, je veux d’autres enfants et je pense que c’est important d’être en santé après ma carrière, même si le combat ultime, c’est le sport avec lequel je suis vraiment tombé en amour. C’est triste à dire, mais je ne suis pas prêt à sacrifier ma santé à long terme. C’est pour ça que je compte être intelligent dans mon entraînement et dans mes combats. Je veux devenir un combattant très explosif, mais qui ne se fait pas frapper tant que ça. » 

S’il s’avère qu’il a d’autres tours dans son sac, Aubin-Mercier devrait être en pleine forme lorsque sonnera l’heure de la retraite. À son dernier combat, il s’est fait plaisir en emprisonnant la tête de son adversaire entre ses jambes à l’aide d’une technique rarement utilisée en MMA, mais qu’il a perfectionnée pendant ses années au sein de l’équipe nationale canadienne de judo.

Cette originalité qui caractérise son arsenal lui confère un double avantage. Non seulement l’effet de rareté qui l’accompagne augmente ses chances de surprendre un ennemi trop naïf dans le détour, mais elle ajoute un caractère unique à ses réussites. C’est le genre de combinaison qui pourrait rapidement devenir payante, calcule celui qui montre une fiche de 5-1 chez les pros.

« Ce n’est pas juste pour épater la galerie, c’est aussi pour faire augmenter ma valeur aux yeux du UFC, aux yeux de mes commanditaires. Malheureusement, j’ai de la misère à m’embarquer dans une guerre de mots avec mes adversaires. Ça serait le fun que je puisse le faire, comme Conor McGregor, mais j’ai toujours l’air stupide quand j’essaie. Alors si j’ai une ‘performance de la soirée’ chaque fois que je me bats, ma valeur augmente sans que je doive dire un seul mot! »

Une soumission spectaculaire ne s’inclut pas dans un plan de match. Elle naît d’une inspiration du moment, d’une opportunité saisie en une fraction de seconde. Olivier Aubin-Mercier ne peut rien promettre, sauf de rester à l’affût. David Michaud n’est pas à l’abri d’une autre surprise.

« On va voir ce qui va se passer à mon prochain combat, mais… ça se peut qu’il y en ait d’autres! », prévient Aubin-Mercier dans un chuchotement taquin.