Guillaume Boivin a retrouvé le plaisir de courir.

Septembre 2015. Ce plaisir avait disparu. En fin de contrat avec l’équipe américaine Optum, il cherchait à retourner en Europe. Les opportunités étaient rares.

Le discours était moins léger. Celui qui avait couru aux côtés de Peter Sagan se cherchait.

Le mot retraite avait même été évoqué, et il y songeait sérieusement. « Je n’avais plus le goût. Je n’aimais pas ça. »

Arrive l’offre de Cycling Academy Team, « la plus belle offre » à ce moment. Et le voici, à sa 3e saison avec l’équipe, sur le Giro. 

Pendant l’entretien téléphonique, le coureur est détendu, même s’il « se décrasse les jambes » sur les rouleaux pendant l’entretien. Un contraste avec le coureur rencontré à Québec en 2015. 

Ce n’est pas tant l’équipe ou l’entourage qui explique ce renouveau. Boivin a fait un examen de conscience. « Avant je courais toujours pour avoir un contrat. J’étais anxieux. Je pensais juste à ça. Ça faisait en sorte que j’allais travailler au lieu de m’amuser à faire du vélo » admet-il.

Son approche a complètement changé : « Je me dis, tu as une chance inouïe de faire ce que tu aimes, tu n’es pas si pire, Have fun dans les courses. Après ça, si ça suffit, il y a quelqu’un qui va t’engager. Je dois l’apprécier pendant que j’y suis. Si je ne l’ai pas apprécié pendant que j’étais là, c’est ça que je vais regretter. »

« Je refais du vélo pour les bonnes raisons. »

Boivin court plus librement. Et il l’a prouvé durant le premier week-end du Giro. 

321 kilomètres en échappée

Trois cent vingt-et-un kilomètres (sur 396km), c’est la distance parcourue par Boivin dans l’échappée en deux jours.

« Je peux être fier de ma fin de semaine.  Il reste 18 autres étapes pour faire de quoi de beau. » 

« De quoi de beau», Boivin l’a presque réalisé. Lors de la 2e étape, il était à 100 mètres de mettre la main sur le Maillot bleu de meilleur grimpeur.  Il a toutefois été passé par Enrico Barbin. «Ce que je me suis dit à ce moment, ça ne se répète pas publiquement», a lancé Boivin, sur un ton rieur. «J’avais tellement d’acide lactique, je ne pouvais rien dire. C’est sûr que j’étais déçu mais bon c’est la course », a-t-il ajouté sagement.

Sa présence dans cette échappée n’était toutefois pas prévue. «Ça s’est battu et quand l’échappée est partie, j’étais bien positionné et je me suis dit, ça nous prend absolument quelqu’un, il faut que j’y aille», a expliqué Boivin. « Il faut mettre les objectifs du collectif avant tout », rappelant que l’équipe devait absolument placer un coureur dans l’échappée dans les étapes israéliennes. 

Le lendemain, sa présence en tête de course n’était pas le fruit du hasard. «Ça nous prenait quelqu’un qui était capable de finir la job dans le cas où l’échappée se rend au bout », explique Boivin. « Même si le script de l’étape était pour les sprinteurs, je savais qu’au pied de la dernière descente, il y a toujours un gros vent de dos, vraiment fort. Je croyais fermement que si le peloton avait mal calculé son affaire, on avait une chance. Je pensais qu’il y avait un coup qui pouvait être joué. Il y avait quand même des directeurs sportifs nerveux derrière, parce qu’ils ont roulé les 50 derniers km à 70km/h. » Avant d’ajouter avec satisfaction, «je pense qu’ils ont quand même travaillé fort pour nous ramener! »

« On va être des chasseurs d’étape »

Sur papier, le rôle de Guillaume Boivin, en compagnie de Zak Dempster, est de positionner et de lancer le sprinteur Kristian Sbaragli. La réalité est que Sbaragli n’est pas Elia Viviani (Sbaragli a terminé 12e et 11e lors des étapes remportées par Viviani). L’équipe ne peut pas tout miser sur lui. Et vous ne verrez pas Israel Cycling Academy prendre en main le peloton. On doit donc trouver des solutions pour avoir un impact sur la course.

L’échappée demeure la meilleure option pour l’équipe invitée. Et Boivin ne se fera pas prier pour y tenter sa chance. « Je prends beaucoup de plaisir à aller dans l’échappée. C’est quelque chose qui me va bien. Quand on arrive sur les fins de course, j’ai une capacité à maintenir un bon rythme et résister. T’es comme plus libre. Tu fais juste pédaler pour le fun jusqu’au final. À ce moment, tu enclenches » résume Boivin. 

Le Québécois demeure réaliste. Il ne pourra pas tenter sa chance sur n’importe quel profil d’étape. «Si l’échappée part dans une bosse de 10 bornes, moi, je ne serai pas là!» À ce moment, l’équipe pourra miser sur Ben Hermans ou Ruben Plaza, qui seront dans leur terrain de jeu sur ce type d’étape. 

« Le Giro commence pour vrai, les vacances sont finies! »

L’équipe Israel Cycling Academy est prête à passer aux choses sérieuses. Non pas que les trois premières étapes du Giro, en sol israélien, aient été si faciles. Jamais il n’y a eu un tel engouement pour l’équipe. « C’était comme un gros party d’une semaine pour nous. »

Une fête réussie. « Quand tu regardes les images du prologue, de l’étape à Tel Aviv, ceux qui disaient qu’il n’y avait pas de culture cycliste en Israël, sont un peu dans le champ, parce qu’il y avait du monde en tabarouette. Tous les coureurs ont eu de bons mots. Je pense que c’est un événement réussi sur toute la ligne », a résumé Boivin.

La fête est toutefois terminée. Avec le transfert de Tel Aviv à la Sicile, lundi, l’équipe Israel Cycling Academy est passée d’équipe vedette à formation invitée... qui a tout à prouver.