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RÉSULTATS

Le fabuleux exploit d'Alex Roca

Alex Roca Campillo Alex Roca Campillo - rds.ca
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J'ai grandi en côtoyant la paralysie cérébrale.

 

Ma tante Réjeanne en était atteinte et j'ai le souvenir de cette merveilleuse femme aimante, intelligente et rieuse qui était prisonnière de son corps et qui se déplaçait et s'exprimait avec beaucoup de difficulté. Je me souviens du regard des gens qui la regardaient parfois comme un animal de foire. Mon grand-père Roger s'est occupé d'elle jusque dans les toutes dernières années de sa vie. Jamais depuis je n'ai été témoin d'un tel dévouement.

 

Dès sa naissance, dans le Québec religieux des années 40, mes grands-parents avaient refusé de cacher cet enfant et d'avoir honte. Elle était un joyau, pas un fardeau !

 

J'ai l'impression d'avoir découvert ma tante le jour où elle a reçu son premier ordinateur. Grande lectrice, elle avait commencé à écrire des essais et des poèmes. Cela lui prenait une éternité à écrire un seul paragraphe en raison de son handicap. La lecture de ses textes, touchants et humains, révélaient cependant l'énorme amour qu'elle vouait à ses proches. 

 

Malgré son état, elle est demeurée digne toute sa vie et son courage me marque et m'inspire encore.

 

J'ai pensé à Réjeanne lorsque j'ai vu Alex Roca franchir le fil d'arrivée du Marathon de Barcelone, le 19 mars dernier. Le coureur espagnol est devenu la première personne au monde paralysée à plus de 75% à terminer un marathon !  Voilà la définition d'un exploit !

 

Roca a franchi le fil d'arrivée au bout du parcours de 42,195 kilomètres en 5h50 :51. La limite permise était de six heures. Son exploit a été suivi en direct par des centaines de milliers de personnes sur les médias sociaux et revu ensuite par des millions de spectateurs en différé.

 

À l'âge de 6 mois, le coureur de 31 ans a souffert d'une encéphalite herpétique virale (herpes cérébral) ce qui a causé une paralysie cérébrale de 76%. C'est un handicap lourd.

 

Lorsqu'il est né, les parents de Roca avaient reçu deux verdicts possibles de la part des médecins spécialistes : la mort ou un état végétatif permanent.  Pourtant il a survécu et a décidé de sauter par-dessus toutes les barrières que la vie plaçait devant lui.

 

Même si la partie gauche de son corps est totalement paralysée et qu'il doit s'exprimer en langue des signes pour communiquer, le sport est devenu un mode de vie en grandissant et le mot « non » une inspiration. En effet, dès qu'on lui disait « non », il s'entêtait pour prouver que rien ne lui était impossible. Il souhaitait montrer à ses dénigreurs que c'est à chacun de fixer ses propres limites.   Il voulait repousser les siennes. La résilience et le dépassement de soi deviennent ses cartes de visite.

 

Il s'adonne au tennis, au ski et au soccer en plus de faire du vélo et commence à courir. Ce dernier sport est très difficile en raison de la partie gauche de son corps.

 

Pour préparer son exploit de Barcelone, il se prépare des années à l'avance. Il demande à ses médecins de l'opérer aux tendons du pied gauche pour qu'il puisse courir plus facilement. Un physiothérapeute de même qu'un nutritionniste lui préparent un programme d'entraînement.

 

De 2019 à 2022, il parvient ainsi à courir et terminer six demi-marathons. Il complète également quelques compétitions cyclistes, cinq triathlons et un aquathlon. Il réussit même à terminer la difficile Garmin Titan Desert, une course de vélo de montagne à étapes qui se déroule au Maroc pendant six jours.

 

Enfin, le 19 mars dernier, convaincu qu'il peut réussir l'exploit d'être le premier avec son handicap à terminer un marathon, il prend le départ de la course accompagné de son frère Victor et d'un interprète qui l'aide à communiquer.

 

Sa progression est lente, mais régulière. Il sait qu'il ne peut dépasser les six heures de course. C'est sous les acclamations de la foule et entouré d'un groupe de coureurs qu'il franchit le fil d'arrivée avant de se laisser tomber au sol en lâchant des cris de joie.

 

Roca vient de marquer l'histoire de la course bien sûr, mais il lance au passage le message que quiconque a un objectif peut réussir s'il fait des sacrifices, garde une bonne attitude et fait confiance à son équipe.

 

Je suis convaincu que ma tante Réjeanne aurait été ravie de voir un tel exploit de son vivant. Pour tous les gens atteints de la paralysie cérébrale, c'est un exploit porteur d'espoir.

 

Bonnes courses !