Par Alban Quénoi

C’est une journée forte en symbole qui s’est déroulée samedi dernier dans le monde du sport électronique. Dos à dos, avec plus 8000km et un ouragan d’écart, Quake Champions et PLAYERUNKNOWN’S BATTLEGROUND lançaient chacun leur premier tournoi majeur. Bilan d’une fin de semaine dédiée aux jeux de tir.

PUBG prend l’eau mais assure le spectacle

La plus forte activité était du côté de Cologne où avait lieu la Gamescom, une des conventions majeures du jeu vidéo. Si le sport électronique n’est pas le coeur de l’événement, sa partie compétitive prend de l’ampleur à chaque année. La curiosité de l’édition 2017 était sans conteste le tournoi organisé par l’ESL sur PLAYERUNKOWN’S BATTLEGROUND, ou PUBG pour les intimes, dernier phénomène explosif du moment. Le titre du studio Bluehole, pourtant toujours en accès anticipé, s’est donc essayé à l’épreuve compétitive à grande échelle, à travers un tournoi sur invitation et doté de 350 000$ de prime.

Cependant, le jeu reposant sur la mécanique “battle royale” en vogue depuis ces derniers mois, se prête pour l’instant assez peu à une véritable compétition. Logistique lourde avec 80 joueurs à suivre simultanément, les bogues et problèmes techniques multiples entraînant plusieurs retards ont étrillé les quatre jours de compétition. Certaines séquences et stratégies employées ont fait couler pas mal d’encre, comme l’accumulation de joueurs au bord de la plage qui n’avait rien à envier à la Côte d’Azur au mois d’août.

Capture d'écran

Reste que l’audience était au rendez-vous, avec des chiffres passant régulièrement les cent mille spectateurs sur la chaine principale.

Il reste donc beaucoup de travail au studio sud-coréen pour adapter son succès à l’expérience compétitive, à commencer probablement par faire un choix sur le format : ce PUBG Invitational proposait pas moins de quatre tournois différents, du solo aux équipes de deux ou quatre, avec un détour par la vue à la première personne. Enfin, les débats autour de l’aspect aléatoire du jeu devraient se poursuivre, à moins que Brendan Green, alias “PLAYERUNKNOWN” et créateur original du genre, trouve une nouvelle idée de génie pour adapter son oeuvre au format compétitif sans en perdre l’essence qui fait son succès phénoménal.

Résultats :

  • Solo : Evermore
  • Duo (troisième personne) : yukiiie / THZ
  • Duo (première personne) : Cloud 9 (chappie et SolidFPS)
  • Équipe : Luminosity


Clawz pose sa griffe sur la scène Quake

ClawzChangement de décor, c’est à Dallas au Texas qu’avait lieu la Quakecon, une convention que presque tout oppose à la Gamescom. Événement entièrement consacré à la franchise Quake, et dont la première édition remonte à 1996, la Quakecon est originellement une lan party organisée par le studio Id Software, avec bien entendu des compétitions ainsi que diverses conférences de la compagnie.

Cette année, les projecteurs étaient braqués sur les premiers championnats du monde sur Quake Champions, dernière itération de la franchise disponible en accès anticipé. Deux tournois mettaient en valeur ce redémarrage de la série qui a quasiment inventé le jeu de tir compétitif il y a plus de vingt ans : le classique duel, et le nouveau mode sacrifice par équipe de quatre.

Mais cette fois, Id Software a clairement décidé de sortir de son rail et adapter Quake à la nouvelle génération des jeux de tir : finie la symétrie parfaite, bonjour les champions aux talents et caractéristiques distinctifs. Du côté du duel, on a donc droit à une sélection de trois champions par joueur, rappelant la dynamique de certains jeux de combat. Quant au mode sacrifice, il s’agit d’une sorte de fusion entre l’ancestrale capture de drapeau, et du contrôle de zone, qui remplace donc l’habituel “CTF”. Dans les faits, l’essence et l’esprit de la franchise restent à peu près intacts : toujours aussi nerveux et sanglant, le spectacle proposé par Quake reste explosif et triture les tripes.

L’autre atout du papa des shooters, c’est son histoire et sa communauté fidèle qui l’a écrite. La finale du tournoi en duel proposait une opposition des plus classiques mais toujours efficaces : Nikita “Clawz” Marchinsky, jeune loup de 19 printemps, se mesurait au vétéran Sander “Vo0” Kaasjager, figure bien connue de la scène du haut de ses 32 ans. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la transmission du flambeau s’est faite dans la plus pure tradition Quake, avec un véritable massacre. Clawz n’aura laissé aucune chance à son adversaire, s’imposant 3-0 et ne lui laissant que des miettes de points.

C’est d’ailleurs un coup double pour le jeune Biélorusse, qui s’est également imposé assez largement avec son équipe 2z 3 à 1, face aux Européens de NOTTOOFAST.

De Quake à PUBG, un monde d’esport

La mise en parallèle de ces deux événements reste anecdotique, mais intéressante à étudier, même si la différence d’audience est écrasante pour le jeu battle royale.
D’un côté, la relance de Quake, franchise ô combien emblématique est un symbole assez fort, à une époque où ce type de jeu de tir ultra nerveux a fini par complètement décliner, après avoir régné durant les premières années de l’esport, même si Overwatch a signé un certain retour vers ces contrées.

De l’autre, PUBG et son incroyable succès éclair a le mérite d’enfin apporter une bouffée d’air frais de par sa nouveauté en terme de mécanique de jeu. Mais il représente également un format complètement nouveau et complexe à faire rentrer dans les clous d’une compétition équitable et diffusable efficacement.

La différence drastique du point de vue du spectacle, entre les véritables boucheries du mode sacrifice de Quake et les stratégies attentistes de PUBG illustre la pluralité saisissante que peut proposer le sport électronique. Qu’on aime ou non, chaque jeu apporte sa pierre et sa communauté, qu’elle soit fidèle depuis vingt ans ou six mois.

Ce que l’on peut retenir de cette confrontation qui n’en est pas vraiment une, c’est que les enjeux et obstacles sont assez clairs. Pour Quake, il faudra réussir à repartir la machine, et atteindre un public plus large que sa communauté originelle, sans pour autant la trahir en déguisant ce qui fait l’essence de la franchise.

Dans le camp de PUBG, il faudra se montrer patient pour tout simplement peaufiner un jeu encore en construction et l’adapter au format compétitif, mais également sans dénaturer ce qui a fait son succès.

Tout un challenge pour les deux compagnies.