MONTRÉAL - À la suite de l'annonce de l'annulation de la saison de la Ligue canadienne de football l'été dernier, Pierre-Luc Caron a réalisé qu'il voulait relever de nouveaux défis et, il faut être honnête, gagner sa vie. Mais il ne pensait jamais devoir assister une femme à accoucher à la maison.

« J'avais envie de relever de nouveaux défis, de faire de quoi de différent du football ou de l'entraînement, a expliqué Caron, embauché par les Alouettes en février, à La Presse Canadienne mercredi. J'ai donc profité de cette saison annulée pour embellir mon c.v. d'autres choses!

« Je suis quelqu'un qui est très calme et qui ne panique pas devant les situations alarmantes; je me suis dit que je pourrais être utile comme répartiteur. J'ai soumis ma candidature et j'ai été embauché assez rapidement: je travaille depuis octobre », a-t-il souligné.

Ainsi, le détenteur d'un baccalauréat en kinésiologie de l'Université Laval a vécu l'un des appels les plus marquants de sa carrière il y a quelques semaines. De Centre de communications Laurentide-Lanaudière, à Blainville, il a aidé une femme à accoucher de son domicile.

« Souvent, quand je réponds, ce sont des appels négatifs: c'est rare que lorsque les gens appellent, ce soit une situation qui va bien se passer. Un accouchement, aussi stressant que ça puisse être, c'est un des seuls appels qui peut connaître un dénouement heureux si tout se passe bien.

« Il devait être 2h ou 3h du matin. La famille a été surprise par les contractions et elle a immédiatement composé le 9-1-1 », a-t-il mis en contexte.

Immédiatement, Caron se met en mode « opérationnel » et applique à la lettre la formation médicale qu'il a reçue.

« Ce genre de situation est couvert par notre formation, mais quand j'ai reçu l'appel, je ne cacherai pas que c'était stressant. Le père était en panique. Ce n'était pas leur premier enfant, mais clairement, ils n'étaient pas prêts à accoucher à la maison,  comme personne n'est prêt pour ça, en fait », a-t-il admis.

« La première étape est de localiser l'appelant, car on ne sait pas exactement il est où, afin d'envoyer les secours le plus rapidement possible. Mais on voyait déjà la tête du bébé. Le cordon n'était heureusement pas enroulé autour de son cou et le bébé pleurait: c'est donc qu'il respirait. Ça m'a vraiment rassuré », a-t-il poursuivi.

« Le bébé est sorti dans le temps de le dire! J'ai eu mon rôle à jouer, mais ce sont les parents qui ont tout fait. Une fois le bébé accouché, je me suis assuré que les parents puissent prodiguer les bons soins au bébé, que le cordon était bien placé, que le bébé respirait, que la mère était aussi en santé jusqu'à l'arrivée des "paramedics". »

Ceux-ci ont mis environ 15 à 20 minutes à arriver sur place, selon lui.

« Laurentides-Lanaudière, c'est vaste, et les appels viennent parfois de loin dans le bois. Ça peut être long avant que les secours arrivent », a-t-il rappelé.

« Du moment que le bébé a été accouché, c'était un appel super heureux, tout le monde était content. Tout s'est bien déroulé: je n'aurais pu espérer mieux. (...) Une fois que les "paramedics" sont arrivés sur les lieux, mon travail était terminé. Je suis passé à un autre appel. Je ne connais pas le dénouement. »

Il ne sait donc pas si le bébé se porte bien aujourd'hui.

« C'est rare qu'on le sache, a-t-il plaidé. Je ne connais pas le nom de la personne; ce sont des informations confidentielles. Je n'ai pas accès au numéro de téléphone pour les rappeler par la suite. C'est donc rare que l'on connaisse le dénouement, malheureusement ou heureusement. J'ai l'impression que dans ce cas-ci, ç'a bien été, mais je ne le sais pas. »

Ce n'est pas toujours le cas. Le travail de Caron l'amène plus souvent qu'autrement à négocier avec des gens en grande détresse. Un appel reçu récemment l'a particulièrement touché.

« Une femme de 40 ans ne s'est pas réveillée de son sommeil; elle était en arrêt cardio-respiratoire. C'est son fils de 18 ans qui s'en est aperçu. C'est lui qui a appelé », a-t-il confié.

« Je l'ai donc guidé pour qu'il pratique un massage cardiaque. Habituellement, quand on fait ça, c'est davantage pour des personnes âgées. Ce n'est pas une femme de 40 ans et on ne donne pas les directives à son fils de 18 ans pour aider sa mère. Tu ne veux pas le dire, mais elle est pour ainsi dire décédée », a-t-il fini par reconnaître.

« C'est très touchant, surtout que j'ai vécu toute la gamme des émotions avec lui: au début, le jeune est désemparé, puis il se sent utile, il se dit qu'il va la réanimer. Mais au bout de quelques minutes de massages cardiaques qui ne fonctionnent pas, il a réalisé qu'il est maintenant seul. Sa mère monoparentale venait de le quitter. Ce sont des appels touchants », a-t-il évoqué.

Tempérament

Il faut un tempérament particulier pour garder son calme en situation de très fort stress, mais aussi pour être capable de laisser tout cela derrière quand vient le temps de rentrer à la maison après le boulot.

Caron, semble-t-il, est doué pour les deux.

« Je ne sais pas comment je fais pour faire une cassure en sortant du bureau. C'est peut-être mon tempérament. Je ne connais pas de recette magique. C'est un peu comme au football: je n'ai pas le droit à l'erreur. Il y a un beau parallèle à faire de ce côté », a-t-il expliqué.

« Il y a des choses que je vais pouvoir transposer au football, tout comme des situations stressantes vécues comme footballeur m'ont aidé comme répartiteur, a-t-il relativisé. Mais tu réalises avec le recul que ma vie n'était jamais en danger. Elle ne l'est toujours pas comme répartiteur. Cependant, la vie des gens qui appellent peut l'être. Je n'ai pas de place à l'erreur comme répartiteur. »

Du football cet été?

Caron a vécu un rêve d'enfance en signant un contrat avec les Alouettes cet hiver.

Maintenant, il aimerait bien que ce rêve prenne forme. Bien que la LCF ne soit pas pressée de confirmer la tenue d'une saison 2021, Caron est convaincu que les camps se mettront en branle au début de mai, comme prévu.

« Peut-être que j'ai des oeillères, mais pour me garder motivé, je dirais que je suis très optimiste sur la tenue d'un camp bientôt », a-t-il dit.

« J'ai hâte: c'est un rêve de petit gars qui était enfoui quand j'étais (avec les Stampeders) à Calgary. J'étais très bien à Calgary, mais j'ai toujours rêvé de jouer pour les Alouettes. Je sens que ça s'en vient. Si la pandémie peut être contrôlée pour que mes parents et amis puissent assister aux matchs, alors ce serait encore plus merveilleux », a-t-il conclu.