Une loi non écrite veut que pour remporter un match de football, deux des trois unités composant l’équipe doivent avoir offert une bonne prestation.

C’est autrement plus complexe de terminer dans la colonne des gagnants lorsqu’une seule des unités se présente. Le résultat du match des Alouettes de vendredi dernier en est une preuve tangible.

La production de 31 points des Tiger-Cats de Hamilton ne rend pas justice au boulot abattu par la défense des Montréalais, qui a tenu le fort autant qu’elle le pouvait afin de garder ses coéquipiers dans le match.

J’ai bien aimé les stratégies utilisées car elles ont déstabilisé les visiteurs. On peut vraiment affirmer qu’ils n’avaient pas vu venir certains jeux que leur a proposé l’unité défensive des Moineaux, à commencer par un front défensif de trois joueurs permettant à Kyries Hebert d’agir en tant que secondeur et de frapper à sa guise tout ce qui bougeait.

C’était une brillante stratégie à adopter car les Tiger-Cats se fiaient à leur attaque aérienne 80 % du temps avant le début de cet affrontement. Faisant face à un front défensif allégé, l’invitation était lancée aux hommes de Kent Austin à tenter leur chance avec la course, même si c’est une facette du jeu dont ils préfèrent se tenir loin.

Dans les circonstances, c’est-à-dire avec une attaque anémique et des unités spéciales qui se tiraient continuellement dans le pied, il aurait fallu que la défense en fasse encore davantage. Et par là j’entends qu’il aurait fallu qu’elle provoque quelques revirements et/ou qu’elle inscrive un touché défensif. Mais entendons-nous, mon intention n’est pas de critiquer le travail des hommes de Noel Thorpe, les seuls qui ont tenu tête aux Ticats une grande partie de la soirée.

À l’attaque, un jeune quart renouait avec l’action en Rakeem Cato, dont c’était le premier départ de la campagne en relève à Kevin Glenn. J’étais d’avis que Cato avait connu une très bonne semaine à l’entraînement. Il m’avait donné l’impression d’être à l’aise car il faisait preuve de précision et de doigté. Je m’attendais donc à une performance convaincante de l’attaque.

Constat d'échec

Un grand nombre de facteurs ont cependant empêché le jeune quart américain de livrer la marchandise. Parmi ceux-ci, notons la protection déficiente dont il a bénéficié et le travail anémique de l’attaque au sol.

En premier essai, les Alouettes ont éprouvé toutes sortes de problèmes. Incidemment, Cato s’est fréquemment retrouvé en situation de deuxième essai et plusieurs verges à franchir. Ce n’est pas facile à gérer.

Le demi offensif Brandon Rutley, qui remplaçait Tyrell Sutton, a amassé un maigre total de 29 verges en 10 courses, sa plus longue ayant été un gain de 7 verges. Il s’agit d’une moyenne de 2,9 verges par portée. Sept de ses courses sont survenues en situation de premier essai. Les résultats des six premières courses de Rutley, dans l’ordre, ont été : trois, quatre, deux, moins une, une et trois verges. On se demande ensuite pourquoi Anthony Calvillo a fait le choix de s’éloigner du jeu au sol. Avouons que ce n’était pas nécessairement par choix!

Rakeem CatoViennent ensuite sur le sujet les huit sacs alloués au front défensif des Tiger-Cats, qui s’en est donné à cœur joie du début à la fin. Afin de mettre le tout en perspective, mentionnons que les Als en avaient accordé un en deux rencontres jusqu’à  ce moment!

Je tiens d’ailleurs à souligner la superbe domination de la ligne défensive de Hamilton, qui a été époustouflante.

À cet égard, certains chiffres ne mentent pas. D’une part, des 45 plaqués réalisés par la défense, 21 ont été l’œuvre du front défensif. C’est donc dire que près de 50 % du temps, le jeu ne dépassait même pas la première ligne!

Des huit sacs réalisés aux dépens de Cato, six ont appartenu au front. Et finalement, des quatre passes rabattues par les Ticats, trois ont été créditées à ce même groupe de joueurs. Je ne me souviens pas d’avoir vu une telle performance ces dernières années.

Disons donc les choses comme elles le sont : la ligne à l’attaque, en plus de connaître des difficultés à créer des brèches pour le jeu au sol, s’est aussi fait passablement brasser durant ce match.

Ne perdons pas de vue qu’il s’agit d’un groupe hyper jeune et inexpérimenté. Tous comme leurs coéquipiers, les membres de la ligne offensive auront la chance d’ajuster le tir. Pour Philippe Gagnon ou Jacob Ruby par exemple, c’est de l’expérience supplémentaire en poche. Avec ces deux jeunes hommes, on assiste à un travail en évolution, et c’est un processus tout à fait normal.

La vérité est que certains des sacs alloués vendredi n’étaient pas l’unique responsabilité de la ligne offensive, et c’est pourquoi je crois fermement que Cato détient sa part du blâme. Il s’est souvent placé en position vulnérable au lieu de sagement se débarrasser du ballon, soit en le lançant en direction d’un « dépanneur » ou en le dirigeant vers les lignes de côté.

Cato impuissant devant la pression

La mission principale d’un front défensif est d’appliquer de la pression sur le quart, de le déranger dans ses progressions et de le rendre nerveux. C’est ce qui a été fait à merveille, car on a senti un Cato nerveux après chaque remise. Il a passé plus de temps à identifier d’où provenait la pression qu’à repérer ses receveurs libres, à un point tel qu’il lui arrivait d’avoir l’illusion de pression. Il s’est mis à courir dans toutes les directions sans plan précis!

Cato n'a pas produit d'étincelles

Souvent dans la LCF, on voit des quarts sortir de la pochette protectrice et étirer le jeu le temps qu’une option de passe se manifeste. Ce genre d’improvisation est difficile à contrer pour une défense. Mais avec Cato vendredi, la menace de passe n’existait plus. Il courait carrément pour sauver sa peau, rien de plus. D’ailleurs, au lieu de tenter une passe, il lui est arrivé quelques fois de sortir du terrain après avoir perdu plusieurs verges, résultat de son entêtement à garder le ballon en sa possession. C’est le genre de détail qu’il devra mieux gérer dorénavant.

Regardons de plus près quelques statistiques qui à mon sens sont révélatrices.

En premier essai, 32 jeux ont été déployés. Du lot, à 14 reprises l’attaque n’a gagné aucun terrain, ou pis encore, en a perdu. Une production anémique! En moyenne, 4,8 verges ont été récoltées sur ces jeux, mais les passes complétées à Duron Carter (39 verges) et B.J. Cunningham (24 verges) viennent gonfler cette moyenne.

Sans protection, sans jeu au sol et sans efficacité en premier essai, un quart se retrouve complètement démuni. Plusieurs quarts n’auraient guère mieux fait que Cato dans les mêmes conditions.

Quant au positionnement, les Alouettes ont repris le ballon, en moyenne durant leurs 17 séquences offensives, à leur ligne de 31. C’est donc dire que 79 verges devaient être franchies, en moyenne, chaque fois que l’unité offensive mettait le pied sur le terrain. Bonne chance pour la défense des Tiger-Cats!

La série offensive la plus soutenue des Als leur a permis d’engranger 64 verges de gains… Pas mauvais, mais celle-ci a débuté profondément dans leur territoire, à la ligne de 11. La séquence s’est donc terminée par un botté de précision de Boris Bédé.

Pas une fois les Montréalais ont amorcé une série offensive dans le territoire de leurs rivaux. Pas plus qu’ils ont réussi à se rendre dans la zone payante (à l’intérieur du 20 de Hamilton).

Les pénalités, encore les pénalités

J’ai parlé en détail lundi de ma grande déception quant aux coûteuses pénalités dont a écopé l’équipe tout au long de la confrontation. Celles-ci n’ont pas été étrangères aux ennuis de positionnement.  Les Alouettes ont été frappés de 14 infractions pour un total dépassant aisément les 100 verges. Parmi celles-ci, j’ai trouvé que les quatre mouchoirs lancés pendant des retours de bottés ont fait le plus mal. Non seulement le retour était-il annulé, mais il s’accompagnait chaque fois d’une perte additionnelle de 10 verges…

Un mouchoir de plus pour les Alouettes

Normalement, je me serais empressé de rappeler que ce genre d’indiscipline casse le rythme. Dans le cas qui nous occupe, on peut difficilement employer ces mots, puisque les Alouettes n’ont jamais établi le moindre rythme depuis deux matchs!

Finalement, les membres des unités spéciales peuvent aussi être la cible de reproches pour leur performance de vendredi.

Contre un retourneur appartenant à l’élite du circuit en Brandon Banks, on a erré une fois – mais une fois de trop – et le rapide joueur des Ticats a filé sur 86 verges pour scier les jambes des Alouettes et réduire au silence les partisans réunis au Stade Percival-Molson.  De dire que ce jeu a fait basculer l’allure rencontre ne serait pas exagéré, car sur ses quatre autres retours, Banks a été limité à neuf petites verges.

Un travail colossal avait donc été effectué précédemment, mais la marge de manœuvre est inexistante contre les meilleurs de la ligue.

Généralement, les unités spéciales sont une affaire de confrontations. Les entraîneurs tentent de jumeler leurs joueurs de manière à contenir la menace adverse en tenant compte du gabarit, de la robustesse et des qualités athlétiques de chacun. Est-ce à ce chapitre qu’il y a place à amélioration chez les Alouettes? C’est la conclusion à laquelle il est possible d’arriver lorsqu’on voit le nombre de blocs illégaux et de plaquages par derrière qui affligent les Alouettes en ce début de saison…

* Propos recueillis par Maxime Desroches

Tiger-Cats 31 - Alouettes 7
« Les Alouettes dominés sur le plan stratégique »