Avec leur dernier gain de 28-22 devant les Argonauts de Toronto, les Alouettes viennent par la même occasion de conclure leur première moitié de saison avec un dossier de 5-4.

On va mettre le tout en perspective comme il faut se rappeler qu’ils ont entamé la saison avec deux défaites. C’est donc dire que depuis, ils ont signé cinq victoires contre seulement deux revers. Parmi ceux-ci, il y a la défaite en prolongation devant le Rouge et Noir d’Ottawa et celle contre les Roughriders de la Saskatchewan alors que le match n’a même pas été complété.

Il s’en est donc fallu de peu pour que les Montréalais voguent sur une séquence de sept gains consécutifs. C’est donc dire que depuis la sévère défaite qu’ils avaient encaissée à Hamilton, l’équipe s’est retroussé les manches, a montré du bien meilleur football, pour ultimement redresser la pente. C’est une belle preuve de caractère.

Ce n’est pas la recette souhaitée, mais elle fonctionne pour le moment, alors que les Alouettes ont encore une fois su combler un écart. On se souvient bien évidemment du retard de 11 points en fin de rencontre devant les Stampeders, mais lors de l’affrontement disputé à Moncton contre les Argos, ces derniers avaient pris les devants 16 à 0. Les Alouettes ont inscrit 28 des 34 derniers points du match pour s’offrir la victoire.

Peut-être qu’à un moment ils vont se faire avoir, mais on sait qu’un match de football, il y a des hauts et des bas. Les Alouettes l’ont accepté et ils sont en mesure de revenir encore plus forts après des creux de vague. Dans les dernières années, les Montréalais auraient perdu ce genre de match, mais cette année, le niveau de confiance est à un point tel qu’ils peuvent remédier à la situation.

Si on revient au début de saison au moment où Mike Sherman était mis à la porte, il était difficile de croire que le bilan serait positif après neuf matchs.

On sent que cette équipe est libérée, notamment Khari Jones. On peut le noter simplement avec l’utilisation des jeux truqués. Il est en constante communication avec ses adjoints, car il l’a dit après le match que c’est André Bolduc qui lui avait suggéré le jeu pour le touché de Quan Bray.

On ne voyait pas cette dynamique avec Sherman, mais pour Jones, c’est important de savoir ce que ses adjoints et ses joueurs pensent.

L’état d’esprit est différent et à un moment dans la rencontre, bien que les Alouettes perdaient, j’ai mentionné à mon collègue David Arsenault pendant une pause publicitaire qu’il y avait eu un petit déclic et que les Argonauts allaient avoir des ennuis.

C’est pour vous dire que l’on peut sentir que les joueurs y croient cette année et on le voit sur le terrain, la preuve, on vient d’assister à deux remontées consécutives.

À l'image des Stampeders

Le match devant les Argonauts ressemblait en plusieurs points à celui devant les Stampeders du point de vue de l’attaque.

Tout d’abord, c’est identique en ce qui a trait aux points marqués. Les Alouettes ont enregistré six points en première demie et en ont ajouté 22 au compteur pour le troisième et quatrième quart (je mets évidemment de côté les 12 points obtenus en prolongation). On parle donc de 28 points inscrits en temps réglementaire.

Pour expliquer qu’encore une fois l’attaque a pris du temps avant de se mettre en marche, je crois qu’on peut l’expliquer par les changements sur la ligne à l’attaque et il faut aussi donner crédit aux Argos qui malgré une fiche de 1-7 à ce moment, ont livré toute une opposition aux Alouettes. Ces derniers en ont eu plein les bras et le tout s’est joué sur quelques détails.

L’absence de Tony Washington a paru sur la ligne offensive des Montréalais. Une blessure peut entraîner deux déplacements sur la ligne et c’est ce qui s’est produit dans le cas présent. La ligne à l’attaque s’est fait brasser en première demie. En plus des deux sacs accordés, c’est surtout au niveau du jeu au sol que le tout a été fort compliqué. Les porteurs de ballons n’ont amassé que 18 verges en huit courses lors des deux premiers quarts. William Stanback ou Jeremiah Johnson gagnait leurs verges avec des coups d’épaule. En deuxième demie, la moyenne des demi-offensifs a grimpé à 4,2 verges par courses donc une augmentation de deux verges au final.

Plus qu'un quart mobile

Le quart Vernon Adams a aussi mis du temps avant de trouver ses repères et s’est véritablement en deuxième demie qu’il a pris son envol.

Il a encore été victime d’une interception et c’est par la suite qu’il a su déployer ses ailes. S’il a besoin d’un revirement pour que ça se débloque, je lui dirais de la lancer dès la première passe du match.

Mais blague à part, c’était une très mauvaise décision sur son revirement. Son receveur était pris entre deux demi-défensifs et il lançait contre le vent. Les éléments même étaient contre lui. Par contre, il a su compléter des longs jeux et c’est ça qui a sauvé les Alouettes.

Lorsque je veux évaluer une prestation offensive, je regarde certaines statistiques bien précises. Il y a bien évidemment le nombre de verges accumulées, mais aussi deux autres que je trouve particulièrement importantes.

Dans un premier temps, je regarde les premiers jeux obtenus et pour les Alouettes, c’est un total de 18, ce qui est bien peu. C’est un signe que l’attaque de Khari Jones n’a pas été capable de prolonger ses séquences et que souvent il aura fallu dégager. Il y a un manque de constance, d’où le 27 minutes de temps de possession.

Par contre, les longs jeux peuvent sauver la mise et c’est ce qui est arrivé avec les Alouettes. On dénombre six jeux qui à eux seuls ont offert 215 verges à l’attaque, notamment le touché de Quan Bray et d’Eugene Lewis. Au final, ses six jeux correspondent à 11 % des jeux offensifs des Alouettes, mais c’est aussi l’équivalent de 56 % des verges accumulées.

Donc, il faut y avoir des jeux explosifs, sinon il faut pouvoir prolonger des séquences pour traverser le terrain. Idéalement, il faudrait une combinaison des deux, mais dans le cas présent, la recette fonctionne bien pour les Alouettes.

Cette donnée vient aussi prouver que de plus en plus, Adams doit être considéré comme un quart pouvant lancer le ballon. On l’avait surtout identifié pour ses jambes en début de saison, alors qu’il allait pouvoir venir en aide au jeu au sol.

Toutefois, après une rencontre de 207 verges devant Calgary et cette fois de 335 verges devant les Argos, il se développe comme passeur. S’il est pour donner plus de 300 verges, compléter 76 % de ses passes et rejoindre sept receveurs différents comme il vient tout juste de le faire, il fournit des statistiques de passeur et non uniquement d’un quart mobile.

Jeu truqué... quel touché de Quan Bray!

Certaines de ses passes étaient aussi sublimes et vous aurez tout comme moi en tête celle sur le jeu truqué qui a mené au touché de Bray. Sur la séquence, les Argos ont bien réagi alors qu’il y avait deux demi-défensifs tout près du receveur des Alouettes. Il y avait un endroit où Adams pouvait loger le ballon et c’était dans le fond de la zone des buts ce qu’il a fait avec une précision chirurgicale.

J’ai bien apprécié aussi sa passe sur le dernier jeu du troisième quart. Les Alouettes composaient alors avec un deuxième essai et 20 verges, et il a lancé un laser à Jake Wieneke. Ce n’est plus de la chance et de tels jeux donnent confiance en ses coéquipiers.

On sent que l’attaque des Alouettes a les éléments en place pour inscrire 30 points par match et ainsi offrir une bonne chance de l’emporter tout en enlevant un peu de pression sur les épaules de la défense.

La défense gumby

D’ailleurs, je suis sur le point de surnommer cette unité gumby.

Pour le moment, elle se plie dans tous les sens et parfois on croit que c’est au maximum, mais elle refuse de casser. Il faut se le dire, les Argos ont découpé par moment la défense montréalaise comme en témoignent les 71 jeux, 30 premiers essais et 538 verges d’attaque.

Les Alouettes ont utilisé souvent la défense de zone, mais cette couverture a toujours une faiblesse peu importe la stratégie déployée. En raison de la grandeur du terrain de la LCF, c’est évident qu’un quart parviendra à trouver une faiblesse si aucune pression ne l’affecte.

Encore une fois, les quatre joueurs de ligne ont eu des difficultés à atteindre le quart-arrière ce qui a permis à Jacques Chapdelaine de se tourner vers son plan de match qui était plus qu’adéquat pour faire face à la zone.

Il commandait des passes pièges, il inondait des zones avec plusieurs receveurs ou il faisait plusieurs feintes de course suivie d’une passe. À ce moment, le secondeur est porté à se lancer vers l’avant pour arrêter le jeu au sol, mais il se rend alors compte que c’est une passe et il doit reculer. Il est alors en retard et les Argos avaient tout le loisir d’exploiter cette faiblesse.

Il faudra donc trouver un moyen d’appliquer de la pression et j’ai hâte de voir si les Alouettes pourront profiter de la période de coupures dans la NFL pour dénicher un petit joyau comme ailier défensif. Il en manque un dominant pour épauler notamment John Bowman. Il fait encore du bon travail, mais ce n’est plus celui qui était ciblé par les plans de match adverses.

C’est à se demander si mon discours est le même alors que les Alouettes sont passés bien près d’avoir quatre interceptions à leur fiche. Il y a au moins trois ballons qui ont été tout simplement échappés, et la quatrième possible interception a été  annulée à la suite d’une pénalité.

Il ne faut pas tout jeter aux poubelles, mais il faudra faire preuve d’opportunisme et corriger certaines lacunes.

Une défense qui tient le fort

Je veux malgré tout leur lever mon chapeau pour leur façon de contenir l’adversaire en certaines occasions. Il y a des moments et des endroits au football où il faut être bon. Si les Alouettes ont gagné, c’est en partie en raison de ce que la défense a accompli en fin de première demie, en fin de match et dans la zone payante.

On se souviendra à la fin du deuxième quart que les Argos ont le ballon à la ligne de trois et Chris Ackie récupère une échappée pour sauver les meubles.

Les Alouettes tiennent le coup

En fin de match, encore une fois à la ligne de trois, la défense force une passe incomplète pour ultimement remporter le match.

L’unité défensive a aussi été très bonne dans la zone payante avec seulement un touché accordé en trois tentatives. Mine de rien, c’est huit points laissés sur le terrain avec trois d’obtenus sur sept.

La défense a plié, mais n’a alloué que 22 points en raison de sa façon de jouer dans les moments et les lieux clés.

Les Alouettes peuvent donc partir pour leur semaine de congé avec le sentiment du devoir accompli et ils doivent en profiter comme il s’agit de leur dernière d’ici la fin du calendrier. Les entraîneurs devront ensuite trouver un moyen de bien gérer l’énergie de leurs joueurs et ceux-ci de bien soigner leur blessure. C’est une particularité du calendrier cette année.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant