MONTRÉAL – Même aux États-Unis, les porteurs de ballon blancs sont une denrée rare, très rare. Imaginez alors un Québécois, francophone, qui débarque en sol américain à cette position avec l’intention de jouer dans la NFL. Non, le parcours de Ludovick Choquette n’a rien de conventionnel. 

Depuis déjà un peu plus de quatre ans, Choquette a plongé dans l’aventure américaine sans se laisser intimider par son envergure. À l’aube de ses 16 ans, ça prenait une grande dose de courage pour s’y lancer. Quand on sait qu’il a été élevé par sa grand-mère, puisque sa mère est décédée quand il avait sept ans et qu’il n’a jamais été proche de son père, on comprend mieux d’où cette force provient. 

« Je me rappelle d’une discussion (qui a été l’élément déclencheur) avec elle. C’est là que je me suis dit que je n’avais rien à perdre. Qu’est-ce qui pouvait se passer? Dans le pire des cas, j’allais apprendre des choses donc j’ai décidé d’y aller et de foncer à 100% », a-t-il expliqué.

« Ma grand-mère m'a poussé dans ce que je fais et c’est grâce à elle que je suis rendu ici, je lui dois tout », a ajouté Choquette en perdant ses mots sous l’émotion du moment. 

N’empêche qu’il se retrouvait, seul, en Floride, sans très bien parler en anglais. Il est donc infiniment reconnaissant de l’encadrement obtenu à l’Académie Internationale de Clearwater où il a excellé pendant deux saisons. 

Ce rendement lui a permis de faire le saut dans la NCAA avec les Leathernecks de l’Université Western Illinois qui évoluent dans la FCS. 

La compétition entre les athlètes y atteint un tout autre niveau. Parfois, en tant que porteur de ballon blanc, canadien et francophone, on se dit qu’il doit parfois se sentir seul au monde.  

« Oui et non. Je le vois comme un défi et j’adore tout ce qui est une compétition. Si tu me dis que je ne serai jamais capable de le faire, je vais m’y lancer. Je serais prêt à courir dans un mur pour y arriver. Je trouve que c’est un privilège d’avoir l’occasion de confondre les sceptiques », a mentionné l’athlète de cinq pieds onze pouces et 210 livres. 

Après tout, il ne peut rien contre ceux qui ont des préjugés à son endroit ou qui le regardent de haut avant de découvrir ses atouts. 

« J’essaie d’ignorer toutes les mauvaises énergies, ma grand-mère m’a appris à le faire. C’est sûr que je les entends et c’est une source de motivation à un certain point, mais pas autant que ma passion du football. Je ne serais jamais capable de continuer si je carburais seulement avec les gens qui doutent de moi. Au fil des années, j’ai choisi de trouver ce que j’aime à propos du foot et je n’ai jamais été aussi content de faire tous ces sacrifices depuis », a décrit celui qui a débuté le football à 11 ans avec les Diablos de La Prairie. 

C’est plaisant de savoir qu’il n’a pas eu à composer avec des épisodes de racisme. 

« De manière surprenante, non. J’ai été recruté par des gens qui me jugeaient pour ce que je pouvais procurer à l’équipe », a-t-il noté. 

L’étape cruciale aura tout de même été de convaincre ses nouveaux coéquipiers. 

« Depuis ce temps-là, je n’ai jamais été aussi proche de toute l’équipe. Quand je suis arrivé, c’était un peu ‘C’est qui lui?’. Mais après ça, ils m’ont aimé comme si j’étais là depuis cinq ans », a raconté Choquette. 

Inspiré par Peterson, Sanders et ... Bruno Heppell

Sa grande volonté ne pouvait toutefois rien face à la COVID-19 qui a provoqué l’annulation de sa première saison universitaire. Il a pu se reprendre en 2021 (voici un aperçu de ses faits saillants) alors que les entraîneurs lui ont confié une mission intrigante. 

« On avait deux porteurs de ballon et j’étais plus habitué au cahier de jeux donc on m’a utilisé davantage dans des situations de confiance comme la passe, les blocs et des jeux plus compliqués », a indiqué Choquette qui a obtenu 43 portées pour 150 verges et 2 touchés ainsi que 48 passes pour 390 verges et 5 touchés. 

Choquette a vu d’un bon œil cette réalité qui a favorisé son évolution et il comprend mieux le déploiement défensif. 

Sur le plan collectif, les résultats n’ont pas été concluants avec une fiche de 2-9. Par conséquent, le personnel d’entraîneurs a été revampé ce qui nécessite une autre adaptation de sa part. 

« C’est vraiment étrange de voir partir les personnes qui m’ont amené ici. Beaucoup de confiance doit se créer et il faut s’ajuster à leurs enseignements qui sont différents. Parfois, tu pourrais ne pas avoir le goût d’écouter, mais ils veulent juste t’aider. Je ne suis pas contre ces changements, ce sont mes entraîneurs et je les respecte. C’est juste vraiment bizarre », a reconnu Choquette.  

Joueur d’équipe ambitieux, Choquette n’a pas tourné autour du pot quand il a rencontré l’entraîneur-chef. Il a lui dit qu’il voulait être le meilleur joueur sur le terrain et il a embarqué dans le plan qui lui a été proposé. 

Les entraîneurs souhaitent qu’il hausse son poids à 220 livres et ils veulent l’employer dans un rôle combiné de porteur de ballon, centre-arrière et ailier rapproché. 

Sérieux dans son approche, Choquette a analysé en détails sa saison 2021 pour améliorer ses faiblesses et pousser son agilité plus loin. Pour arriver à ses fins, il peut compter sur un précieux appui quand il revient au Québec. 

« Je suis très proche de coach Jean Guillaume, il aide beaucoup de jeunes dans la région d’Ottawa et au Québec, c’est un mentor pour nous. Il m’a aidé à aimer encore plus le football, d’être plus à l’aise sur le terrain et moins tendu. Je lui dois autant qu’à ma grand-mère, je ne sais pas je serais où sans lui », a souligné l’étudiant en Génie. 

Mais il sait assurément où il rêve de se rendre après ses arrêts en Floride et en Illinois : dans la NFL. 

« Je m’y accroche à 100 milles à l’heure. Je ne douterai jamais de moi parce que c’est un manque de confiance. Ce n’est pas si je veux m’y rendre, c’est que je dois m’y rendre. C’est vraiment important et je veux aider ma famille à vivre une meilleure vie », a lancé celui qui identifie Adrian Peterson et Barry Sanders comme ses inspirations. 

Voilà pourquoi sa troisième inspiration est venue nous surprendre comme une feinte de Peterson ou Sanders. 

« C’est Bruno Heppell. Son fils Jordan est mon meilleur ami et on est très proches depuis qu’on a 11 ans. Bruno a toujours été l’une de mes motivations, j’ai tout le temps été fasciné à quel point il a excellé. Chaque fois je le voyais quand j’étais jeune, je voulais être comme lui », a confié Choquette qui serait loin d’être triste d’évoluer dans la LCF.

Cette confidence méritait un appel au sympathique collègue qui a joué son football universitaire à Western Michigan. Mais, pour le plaisir, on laissera Heppell découvrir ce compliment en lisant l’article. 

« Les entraîneurs vont tomber en amour avec lui! Dans les prochaines années, on va commencer à beaucoup entendre parler de Ludovick », a assuré Heppell qui le considère presque comme un deuxième fils. 

En raison des épreuves familiales surmontées, Choquette pourrait déjà être fier de son cheminement. Il s’accroche cependant aussi fermement à l’humilité qu’au ballon. 

« Bien des joueurs de mon équipe ont vécu des choses semblables. Ils ont grandi dans des milieux vraiment difficiles et ils ont perdu des êtres chers. Ça nous rapproche énormément parce qu’on a vécu l'enfer, mais on est capable d’être de bonnes personnes et d’exceller dans ce qu’on aime », a conclu Choquette.